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Sans titre

par Kamel Daoud

Dans les condoléances, l'Algérie a été au moins républicaine et pas monarchiste. Le décès de la Mère du Président de la République a donné lieu à une cérémonie discrète, un enterrement presque humble et des expressions de soutien mesurées, du moins en public. Dans l'élan de cette mesure, même les oppositions, celles des humeurs, des médias ou des opposants, ont préféré la politesse, la compassion ou le silence. Dans les rédactions des journaux, le flottement entre le «people» et la prudence a été même très bref. On n'aimait pas le Bouteflikisme mais la douleur d'une perte n'est en rien Bouteflikienne, elle est simplement humaine.

Pourquoi en parler puisqu'il s'agit d'un drame privé et tellement humain qui a provoqué la réaction d'une étrange discrétion solidaire en Algérie ? Parce qu'il y avait une crainte en l'air. Celle de voir ce pays endosser les habits d'une pleureuse professionnelle au lieu de se hausser à la hauteur des condoléances sincères. On l'a vu en Egypte, une autre monarchie arabe. Là, la perte du petit-fils de Moubarak a été convertie, malheureusement et ridiculement, en manifestation outrancière de servilité et de course à la visibilité. Des chaînes TV ont été «endeuillées», des personnalités se sont bousculées autour du cercueil «national», des TV publiques ont été mobilisées jusqu'à l'excès risible, des partis politiques et des institutions religieuses ou pas ont été forcés d'avoir des larmes aux yeux et l'enfant décédé a été momifié dans la posture d'un homme d'Etat ou du dauphin d'une monarchie familiale pharaoniquement sacrée. Cela s'est passé en Egypte mais pas seulement. Dans d'autres pays arabes revenus au confort de la Royauté après l'errance républicaine, on a cultivé ou démontré la même tendance d'amour pour les gaz hilarants.

Au vu de la tendance clientéliste des comités de soutien et du culte de la «Présidence» éclairée dont Bouteflikisme se nourrit comme d'une ferveur artificielle sans faille, on aurait pu craindre de voir ce pays se transformer en cortège funéraire sans fin, pendant des jours et des jours suite au décès de la mère de Bouteflika. Ce ne fut pas le cas et, pour le moment, l'usage marchand et politique des condoléances n'a pas été trop visible ni même possible apparemment. Les plus proches se sont contentés de la compassion dans la légère bousculade, le reste des Algériens s'est replié dans la sympathie traditionnelle face au deuil. La mort en Algérie est encore égalitaire et donc la compassion tout aussi «équitable», peut-être.