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La guerre de la balle assise

par Kamel Daoud

Petite curiosité médiatique lue hier dans les journaux : les enfants de chouhada, l'une des ailes de cette famille, va organiser un sit-in devant l'ambassade de France le 5 juillet prochain. Le but étant d'obtenir les excuses de ce pays pour sa colonisation abusive. Première interrogation banale: ce sit-in sera-t-il autorisé ou matraqué ? Si on l'autorise, on va s'engager dans une sorte d'épopée ridicule qui va à contresens de la curieuse relation dite algéro-française, des échanges d'avions et de lettres de recommandation. Si on le matraque, on va à l'encontre du capital social de l'entreprise de légitimité par le 1er Novembre, ciment idéologique de la famille gouvernante en règle générale et son dernier fard pour cacher l'usure. Seconde interrogation: peut-on arracher à la France, assis (les excuses), ce qu'on a obtenu debout (l'indépendance par la guerre de libération) ? Troisième curiosité malsaine: la CNEC fera-t-elle foule si elle demande des excuses en même temps que des visas (garantie d'affluence majeure) ou si elle demande uniquement des excuses ? Autres questions subsidiaires: pourquoi la CNEC n'a rien demandé sauf le pain et un statut plus alimentaire, depuis l'Indépendance et jusqu'à il y a quelques années ? Peut-on laisser l'histoire entre les mains des enfants ? Doit-on attendre des excuses lorsqu'on est faible et dépendant, assis sur un peuple percé, ou fort et indépendant, debout sur un sol ferme et équitable ? Continuons dans le même registre gênant: le personnel de l'ambassade de France va-t-il en sourire comme un pied-noir bonhomme ou s'en alarmer en relisant le texte des accords d'Evian ? Va-t-il faire bon dos en attendant que cela passe comme l'indépendance brève, s'offusquer mollement d'être pris pour cible dans un jeu de cinéma local ou offrir deux ponts et trois écoles pour clore le dossier momentanément ? Dira-t-il que cela commence à bien faire ou murmurer, comme beaucoup de chômeurs et d'appelés algériens mal récompensés, pourquoi on pardonne aux ex du GIA tueurs d'enfants et pas à eux ? Doit-on envoyer les enfants de la CNEC en Libye pour stage de performance dans la longue entreprise des demandes d'excuses ou les envoyer à La Mecque pour excuses auprès d'Allah ? D'ailleurs, qui sont les plus nombreux: les enfants de chadid, toutes échelles confondues, ou les enfants du régime qui vivotent comme des bulles heureuses entre les deux rives ? Quand des enfants de chouhada s'attaquent à la France sous prétexte d'anniversaire, visent-ils à devenir des martyrs comme leurs pères ou des anciens moudjahids comme leurs voisins, ou des Algériens comme nous tous ? D'ailleurs, faut-il se moquer de cette entreprise ou préciser que l'on se moque seulement de ses commerçants ? Faut-il préciser que l'histoire algérienne a été tellement utilisée comme un âne que lorsqu'elle se met à rugir, on l'entend d'abord braire ? Un pays peut-il demander des excuses lorsqu'il ne possède plus qu'une bouche ?

Que peut, enfin, un bras mou contre un bras d'honneur ?