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Moustaches Prénatales

par Kamel Daoud

Trois partis, trois monstruosités génétiques. D'abord le FLN, parti né avant l'histoire pour faire croire qu'elle est née après lui. Un parti né avant l'Algérie et qui mourra après, en dernier, quant il n'y aura plus rien à dire, même entre deux poteaux électriques voisins.

Ensuite, le RND, parti né avec des moustaches, selon un slogan qu'il n'aime pas. Il vivra tant que ne vivra pas l'Algérie. Son drame mystérieux est de prendre de l'âge tout en perdant des moustaches. A vingt ans, il sera chauve.

A trente, imberbe. A quarante, il sera lisse comme un traître. A cinquante ans, il n'aura même plus de cils. Il sera là pour longtemps, non pas qu'il ait de l'avenir, mais parce qu'on n'arrivera jamais à s'en débarrasser légitimement. C'est un enfant bizarre que son père regardera avec tristesse, effroi, tendresse coupable et envie de lui dire que ce n'est pas lui son père, mais que sa mère s'appelle «les circonstances».

C'est ensuite que vient le troisième parti. Car le troisième parti de l'Alliance n'est pas le MSP, mort avec Nahnah et que Soltani essaie de regonfler avec ses joues. Le 3e parti, c'est celui virtuel de Saïd Bouteflika. On le reconnaît selon son slogan : un parti qui a des moustaches avant même de naître. Des enfants avant le mariage. Un mariage avant la puberté. On ne sait pas comment il s'appelle, mais certains se sentent appelés déjà. On ne connaît pas son sigle, mais certains l'ont déjà sur le front. On ne sait rien de lui, mais cela ne gêne personne. Et même si le concerné va démentir la rumeur, le parti est là. C'est un effet placebo : dès qu'on croit qu'une pilule de farine guérit le rhume, elle le fera. Le parti va se créer par un effet de vide insupportable pour la nature. C'est une conséquence logique du monarchisme ambiant. Un jour ou l'autre, il sera là, sous une forme ou une autre, peu importe, toujours avec ses moustaches prénatales.

Car ce parti est NECESSAIRE. Il va être imposé, s'imposer de lui-même et s'imposer par un effet de foule. Sous un nom ou sous un autre. On murmure déjà ça est là que si l'idée a été faussement abandonnée, c'est pour mieux s'offrir la carcasse du FLN en pleine quête de paternité. Un Bouteflika SG du parti dans lequel un autre Bouteflika est Président d'honneur ? Oui. C'est le dernier scénario en mode de computation. Rien de mieux pour gérer le parti des «frères» qu'un frère pour de vrai, dit-on. Et dans tous les cas, on retombera sur le même parti encastré dans un autre appareil. Le peuple mangera alors de la farine, en croyant que c'est du paracétamol.

C'est ça le propre d'un parti à la curieuse trinité chrétienne : il est en même temps trois, tout en étant un seul, né de lui-même mais à chaque fois avec une réincarnation assistée et dirigée, émanant et transcendant, unique et triple. Heureux et Saïd.