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Le Guide suprême valide le résultat de l'élection présidentielle

par Kharroubi Habib

Dans le bras de fer auquel se livrent en Iran depuis une semaine «réformateurs et conservateurs» sur la validité du résultat de l'élection présidentielle, officiellement remportée par le président sortant Mahmoud Ahmadinejad, le camp des conservateurs a reçu l'appui sans équivoque du «Guide suprême de la Révolution islamique» et homme fort du régime en place.

L'ayatollah Ali Khamenei a en effet non seulement entériné la réélection d'Ahmadinejad, déclarée par lui obtenue à la régulière, mais aussi affirmé que celui-ci est le plus proche de ses propres idées. La prise de position exprimée par le Guide suprême dans son sermon à l'occasion de la prière du vendredi a valeur de «fetwa» indiscutable dans la logique du régime de la «velayt el-Fakih», en vigueur en Iran depuis le triomphe en 1978 de la révolution islamiste conduite par l'ayatollah Khomeyni.

C'est dire donc que le mouvement de contestation contre la réélection d'Ahmadinejad, engagé depuis une semaine par le courant «réformiste» et les partisans du candidat malheureux Mir Hossein Moussavi, va être confronté au raidissement à son égard de la position du régime officiel, et probablement au durcissement de la répression qui s'abattra sur lui au cas où il chercherait à s'installer dans la durée de la protestation.

Mais il n'est pas certain que Mir Hossein Moussavi, l'emblème de ce mouvement, et les dignitaires du régime qui lui ont apporté leur soutien vont être déterminés à passer outre la position exprimée par le Guide suprême, dont il faut souligner qu'ils ne contestent ni le statut ni la primauté s'agissant de la conduite des affaires de la «Révolution islamiste» et de l'Etat iranien. Se pose alors la question au cas probable où ces personnalités s'inclineront devant l'injonction faite par Khamenei de cesser la protestation, de savoir si la rue iranienne va poursuivre son mouvement de contestation.

Vu d'Occident, ce mouvement est perçu comme une remise en cause des fondements mêmes de la Révolution islamiste et du régime instauré sur cette base par l'ayatollah Khomeyni. Rien ne semble plus faux, même dans la mesure où effectivement de nombreux Iraniens sont mus par l'aspiration d'un changement radical de régime. Ceux-ci pourraient donc être tentés d'aller au bout de la contestation, mais il n'est pas certain qu'ils bénéficieront de l'adhésion active de la majorité de la population iranienne. Ils perdront à coup sûr l'appui de celle-ci si la «solidarité occidentale» à leur égard continue à s'exprimer de la façon aussi grossièrement manichéenne et superficielle qu'elle le fait.

Le Guide suprême Ali Khamenei a saisi d'ailleurs que cette «solidarité occidentale», souvent formulée par des déclarations proches de l'incitation à la révolte radicale contre le régime et l'Etat islamiques, peut être retournée contre le noyau dur du mouvement de protestation, ce qu'il n'a pas manqué d'exploiter en dénonçant cette «solidarité» comme une «ingérence dans les affaires de l'Iran».

De l'ingérence étrangère, les Iraniens gardent une mémoire douloureuse et humiliante depuis celle qui a conduit au coup d'Etat contre le régime nationaliste de Mossadegh au début des années 50, et dont paradoxalement Barack Obama a ravivé le souvenir dans son discours du Caire en en reconnaissant la réalité historique. En le faisant, le président américain a, sans le savoir, offert l'argument au régime iranien qui pourrait lui permettre d'isoler ses irréductibles ennemis intérieurs de la masse de la population iranienne.