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L'Iran «n'est pas la Géorgie»

par K. Selim

« L'Iran n'est pas la Géorgie». L'ayatollah Ali Khamenei a clairement signifié aux Occidentaux, qui ont mobilisé leurs médias et multiplié des déclarations, parfois franchement imprudentes, qu'ils ne pourront pas influer sur le cours des évènements en Iran.

Il est difficile de ne pas noter que beaucoup de ces gouvernements occidentaux ont des appréciations démocratiques à géométrie variable et qu'ils s'abstiennent de critiquer les pays amis où les élections sont des fictions. La réplique sèche d'Ali Khamenei confirme que les propos bruyants de responsables de pays occidentaux desservent ceux qu'ils sont censés soutenir.

Mais le propos vigoureux de Khamenei en direction des Occidentaux n'était pas le plus important. C'est le message en direction des Iraniens qui compte le plus dans ce qui est bien une des plus graves crises connue par le régime depuis la révolution islamique. En balayant énergiquement la thèse de la fraude «massive» aux élections, l'ayatollah Ali Khamenei a mis fin aux attentes, exagérées, de certains acteurs iraniens d'une annulation du scrutin présidentiel.

Le recours à la rue était une pression sur le Guide de la révolution et son prêche du vendredi était donc attendu avec fébrilité. Sa réponse a été nette: Ahmadinejad a bien gagné les élections et il n'est pas question de revenir. Et les «opposants» - les guillemets s'imposent puisque Khamenei a lui-même rappelé qu'ils sont des hommes du système - ont été avertis : ils doivent cesser de jouer la rue, sinon ils devront en assumer les conséquences.

«Les résultats de l'élection sortent des urnes, ils ne se décident pas dans la rue». Le guide, comme d'ailleurs de très nombreux Iraniens, a la certitude qu'Ahmadinejad a gagné et que ses adversaires se servent de la rue pour «contraindre les autorités à accepter leurs demandes illicites et erronées. Cela serait le début d'une dictature».

L'ayatollah Khamenei a pris soin dans son discours d'exprimer son rejet des accusations de corruption lancées par les partisans d'Ahmadinejad contre Hachemi Rafsandjani, dont il a défendu l'intégrité. Il tend ainsi la perche à l'un des principaux acteurs - même s'il ne se montre pas beaucoup - de la contestation. Mais sur le fond, Khamenei n'a rien cédé : les élections ont eu lieu, les Iraniens ont choisi et les vaincus doivent l'accepter. La messe est dite.

C'est désormais Mir Hossein Moussavi qui est mis sous pression et qui devra faire des choix. Il peut construire sur le fait que l'opposition a marqué le coup et a ébranlé jusqu'à la position du Guide de la révolution. Il peut s'en contenter et prendre date pour l'avenir. S'il ignore la sommation du Guide de la révolution de faire cesser les manifestations de rue, il entrera dans une logique de rupture qu'il n'est pas sûr de gagner. Il est fort probable qu'il perdra la partie, car tout indique que la majorité des Iraniens lui a préféré son adversaire, le peu aimé de la presse occidentale, Mahmoud Ahmadinejad.

A cette majorité sociologique, s'ajoute le fait qu'Ahmadinejad dispose du soutien le plus fort au sein des appareils du système. Comme l'Iran n'est effectivement pas la Géorgie, ni la «révolution» ni son éventuelle répression ne seront de velours.