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Un Belge sous la lune

par K. Selim

Le commissaire au développement de l'Union européenne, Louis Michel, s'est rendu à Ghaza où il a constaté la situation léguée par le très démocratique et très occidental Etat d'Israël.

Il a exprimé son indignation en des termes soigneusement choisis, étant entendu que rien ne devait être dit qui puisse heurter la sensibilité de ses amis sionistes labellisés « démocrates occidentaux ». En revanche, ce bureaucrate, chargé de la peu probante politique de développement de l'Europe, s'en est pris en des termes particulièrement violents au Hamas, qu'il a accusé d'être responsable du carnage et des destructions perpétrés par l'armée sioniste.

Monsieur Michel a parfaitement le droit de ne pas apprécier tel ou tel mouvement politique, de vouer aux gémonies telle ou telle idéologie. Nul n'aurait l'idée de reprocher au fonctionnaire belge ses inclinations pro-sionistes : elles relèvent de la liberté de tout un chacun d'exprimer des opinions. Personne ne conteste non plus la critique de l'islam politique du Hamas. Monsieur Michel, porte-parole humanitaire de la mission civilisatrice actualisée, est libre d'afficher la supériorité « naturelle » de ses convictions.

Ce qui est choquant, en revanche, est le niveau de travestissement des faits et l'outrance dans le mensonge. Prétendre ainsi que le Hamas porte une responsabilité « écrasante » dans la tragédie de Ghaza est une atteinte au bon sens et à la morale la plus élémentaire. On comprend que ses défenseurs cherchent à exonérer Israël du carnage de Ghaza, mais tordre ainsi le cou à la réalité est strictement indécent. Le crime n'a pas eu lieu sur la lune et n'est en rien un orage dans un ciel d'été seulement troublé par le Hamas.

Si l'on devait rechercher des responsabilités de l'ordalie palestinienne, sans remonter loin dans l'histoire, celle de l'Europe civilisée du commissaire Michel n'est pas moins engagée. Mais apparemment, dans la cosmogonie politique de ce Belge baudelairien, les résistants sont coupables de résister et la puissance coloniale « démocratique » dispose de toute la légitimité pour asphyxier une ville entière, tuer qui bon lui semble et violer à sa guise un cessez-le-feu sous blocus. Et ceux qui ont la mauvaise idée de résister sont coupables par essence et définition. En d'autres termes, empruntés aux westerns, la cavalerie « démocratique » a toujours raison et les sauvages doivent accepter leur sort.

Au-delà de la propagande pro-israélienne, la déclaration du commissaire Michel est l'aveu d'un tropisme colonial. Avec une légèreté et une finesse typiques. Il est parfaitement compréhensible qu'un Européen, au nom d'une très mauvaise conscience historique (sélective...) et surtout d'intérêts bien compris, réitère sans cesse l'impérative allégeance à Israël. Mais porter la manipulation à ce stade de cynisme sur les lieux mêmes du crime est l'expression d'une très grave perte de sens.