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UPM sur Ghaza

par K. Selim

Beaucoup de Maghrébins n'avaient pas compris les raisons pour lesquelles leurs pays s'embarquaient dans le projet de l'Union pour la Méditerranée. Cet objet improbable n'étant aux yeux du plus innocent des observateurs qu'une forme de normalisation sournoise et sans contrepartie avec Israël.

Le carnage barbare de Ghaza et l'alignement scandaleux de la présidence tchèque de l'Union européenne, qui n'y a vu qu'une opération défensive, les a davantage convaincus de l'aspect éminemment problématique de l'UPM. Le colonel Mouammar Kadhafi qui a refusé, pour des raisons on ne peut plus valables, de participer à cette bizarre construction institutionnelle, n'a donc pas raté l'occasion d'exprimer à nouveau ses critiques. Comment en effet participer à l'UPM et s'asseoir en face ou à côté des représentants d'un Etat responsable d'une boucherie sadique méthodiquement mise en oeuvre contre les Palestiniens à Ghaza ?

Certes, dans l'état actuel des choses, ce ne sont pas les opinions publiques qui font les politiques étrangères, les régimes, souvent découplés des populations, ayant tendance au nom d'une «realpolitik» de pauvre aloi à les ignorer. Il reste que l'un des effets des 22 longs jours de tueries et l'impuissance avérée des Etats arabes a justement fait réagir les opinions publiques. Celles-ci exigeaient un soutien effectif à la résistance et une attitude politique plus affirmée. Les processus de «normalisation» que les Occidentaux veulent, de manière ouverte ou implicite, imposer aux Etats arabes, apparaissent encore plus inacceptables que jamais. Des voix s'étaient élevées alors que les bombes au phosphore pleuvaient sur Ghaza pour prôner un retrait de l'Union pour la Méditerranée. Elles n'ont bien sûr pas été entendues, mais il est clair que le double langage diplomatique européen a atteint ses limites. Israël a agressé une ville assiégée et sans réels moyens de défense, quelques jours seulement après que les gouvernements européens, en opposition d'ailleurs avec le Parlement européen, eurent décidé d'un «rehaussement» des relations de l'UE avec Israël.

Il faut être d'une grande naïveté, incompatible avec l'exercice de fonctions politiques d'Etat, pour n'y voir qu'une coïncidence ou un hasard de calendrier. Il n'y en a aucun. Le Parlement européen avait estimé que la pudeur politique commandait de ne pas accepter ou de différer ce «rehaussement» des relations avec un Etat qui ne respecte pas le droit international et qui ne donne pas de «signes sérieux de bonne volonté traduits par des réalités tangibles sur le terrain par Israël». Les gouvernements européens, partenaires des exécutifs maghrébins, n'ont pas écouté les eurodéputés : ils ont bien accordé une prime à l'occupation et aux massacres.

Le colonel Kadhafi n'a donc pas tort de poser la question de savoir si la «destruction de Ghaza et le meurtre d'enfants» figurent parmi les « projets concrets promis par l'UPM ?».

Que les pays maghrébins révisent, ensemble, leur adhésion à l'UPM serait plus qu'opportun. Il est temps d'envoyer un message clair aux Européens, un message conforme à celui d'une réalité sociale et politique fondamentale : la normalisation avec Israël est inenvisageable. Ceux qui en doutaient encore en ont été convaincus par les 22 jours de sang et de feu imposés à Ghaza sous le regard «compréhensif» des Occidentaux.