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Ne pas baisser les bras

par K. Selim

La petite ouverture du roi Abdallah d'Arabie Saoudite, ponctuée par une scène de «réconciliation» entre dirigeants arabes, ne s'est pas traduite dans le communiqué final sur Ghaza au sommet arabe de Koweït. Celui-ci s'est contenté d'un texte court et plein de généralités, confirmant amplement que les divisions apparues au cours du carnage subi pendant 22 longs jours par la population de Ghaza n'ont pas été aplanies.

Il y avait pourtant dans la formulation du roi saoudien d'une menace de retrait du plan de paix arabe, une base pour créer un début de démarche commune. Mais ce petit pas en avant a été suivi le lendemain de deux pas en arrière. Et il faut bien admettre que le pouvoir égyptien pose un gros problème. Même la formulation prudente du souverain saoudien ne lui agrée pas. Ce qu'il voulait était qu'on lui «donne raison» sur toute la ligne, y compris dans son incrimination insupportable de la résistance palestinienne. Tellement insupportable que les autres pays, même s'ils ont sacrifié la veille au geste de «réconciliation» du roi saoudien, ont refusé de transiger.

Cela se ressent dans un communiqué fade où les questions de fond sont évitées alors que, de toute évidence, les discussions entre ministres des Affaires étrangères ont été tendues et vives.

Il est évident que l'Egypte cherche à imposer Mahmoud Abbas comme interlocuteur «unique», alors qu'il a, c'est le moins que l'on puisse dire, adopté un profil bas durant le carnage de Ghaza, comme s'il s'agissait d'un problème extérieur qui ne le concernait pas. Les choses étant ce qu'elles sont, hormis l'appel à une réconciliation interpalestinienne - qui doit être trouvée par les Palestiniens eux-mêmes -, il est préférable de faire un constat de divergences plutôt que d'afficher un faux consensus.

Ces divergences ne sont pas minimes ou marginales, elles portent sur des questions essentielles. Continuer à rendre la résistance «responsable» de ce qui est arrivé à Ghaza, comme l'a fait le président Hosni Moubarak, c'est de facto une justification et une banalisation de l'occupation. Le pouvoir égyptien sait que le Hamas doit tenir compte du fait que l'Egypte détient la seule frontière possible pour Ghaza et qu'il veillera à ne pas trop envenimer les choses. Mais au cours des 22 jours d'agression barbare sur Ghaza, la résistance palestinienne, incarnée non seulement par le Hamas mais aussi par d'autres factions palestiniennes, n'a pas fléchi. Elle n'a pas cédé à la pression du Caire sans s'attaquer à lui dans ses discours.

Ce sont les manifestations qui se sont déroulées dans le monde arabe et en Egypte même qui se sont chargées de dénoncer le fait que le pouvoir en place au Caire met l'Egypte en porte-à-faux avec son histoire. Même la notion de «réalisme» est dévoyée par une démarche de soumission aux Américains.

A défaut d'aller dans le bon sens, le sommet de Koweït nous a dispensés de la fable de l'unité arabe retrouvée. Il faut voir dans le petit pas du roi saoudien la prise en compte de la colère des opinions arabes et de ses critiques. Raison de plus pour que cette rue arabe, si facilement décriée - et dans laquelle on retrouve aussi bien des ouvriers, des paysans que des intellectuels -, ne fléchisse pas. Elle doit continuer à peser pour que ceux qui se disent des «dirigeants» assument leurs obligations ou bien cessent d'organiser des messes d'une Ligue qui n'existe plus. Les suppliciés de Ghaza ne nous permettent pas de baisser les bras.