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Tant qu'il y aura des femmes

par Ahmed Saïfi Benziane

Ghaza en flammes piétinée par les loups de l'armée israélienne, chars, bombes et balles contre civils désarmés ou résistant de leurs seuls corps avec quelques roquettes en guise de répliques lancées sans grand effet que celui de dire au monde qu'on ne meurt pas pour rien. Qu'on sait mourir debout. Du sang, beaucoup de sang. Des morts, beaucoup de morts. Génocide.

Crime contre l'Humanité tout entière. Carnage d'où s'élèvent des voix de femmes appelant les Arabes à sortir de leur silence aussi condamnable que les crimes. «Où êtes-vous Arabes ?», crie une femme depuis Le Caire, crevant les tubes cathodiques, cri de colère, entre larmes et impuissance à sauver les enfants tachés de sang, évanouis dans les bras d'adultes pleurant l'injustice, ou enveloppés dans des linceuls, prêts à l'enterrement.

Femmes poussant leur exaspération à occuper les rues soudanaises, offrant leurs bijoux ou retirant leurs voiles pour se dire prêtes à aller au combat en réclamant les casquettes des hommes contre leurs voiles. Femmes couvrant de leurs corps leurs enfants apeurés par le bruit assourdissant des missiles lancés depuis le ciel sur un peuple affamé par des frontières mystiques de l'autre côté d'El Azhar, silencieux, muet, fermé pour cause incertaine. De l'autre côté d'une Egypte qui se prend encore pour le coeur d'une nation sans âme, d'une maison sans toit ni fenêtres. Femmes en Libye, prenant la rue à témoin, encadrées par des policières voilées mais haranguant la foule, dépassant leurs prérogatives, pour qu'une voix, une seule suffise à réveiller les morts. A faire trembler les cimetières jusqu'à l'assourdissement de gouvernants qui ont choisi de ne pas choisir. De se terrer au fond de leurs palais entre se taire et attendre que passent les orages.

Femmes dans nos villes d'Algérie sorties manifester leurs désapprobations à deux ennemis, l'un lointain massacrant les Ghazaouis, l'autre proche, très proche, les empêchant d'exprimer leurs sentiments au regard du monde, les poussant vers l'arrière au lieu de les protéger pour mieux avancer, les dispersant au lieu de les unir, les interpellant au lieu de les consoler dans leurs pleurs. Femmes marocaines, avocates ou bien médecins se disant prêtes à l'action, déroulant leurs banderoles aussi grandes que leurs coeurs, réclamant que justice soit faite sur terre avant le Ciel. Femmes au Liban pointant le poing droit vers l'image de Nasrallah, gardant l'autre poing dans l'attente d'une arme. Femmes en Iran tenant leurs voiles d'une main et la main de la voisine de l'autre pour rester unies jusqu'à ce que vie s'ensuive. Femmes ici et là, gardant l'honneur que certains hommes n'ont pas su garder. Gloire à elles, à celles qui ont semé la graine de la révolte et qui récoltent avant terme le fruit de leurs semences.