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La galère des petits vieux de la chaîne pour le lait reconstitué et subventionné

par Chabane Mahmoud*

La raréfaction du sachet de lait subventionné des étals des produits agricoles de large consommation a de tout temps défrayé la chronique. Cet état de fait ne manque pas de soulever à chaque fois un tollé de réactions amplifiées par des réseaux sociaux et autres médias toujours à la recherche éhontée de points d'achoppement pour faire le buzz. La raison en est que ces rabat-joie du «tout va mal» dans la «maison Algérie» sans aucun discernement, doivent continuer d'exister quitte à traumatiser les consommateurs lambda, ces pères et mères de familles dont le pouvoir d'achat est déjà très fortement laminé pour en rajouter toute honte bue à leur peine, leur angoisse et leur misère vécues au quotidien.

C'est ainsi que de manière cyclique, le sachet de lait subventionné produit alimentaire essentiel est au centre d'interminables discutions byzantines et autres palabres qui font de la dénonciation de cet état de fait, les «choux gras» des réseaux sociaux et médias mensonges en quête de sensations fortes qui donnent à voir, mais jamais à réfléchir, dès lors que le but est bien sûr la transformation de notre société en une masse abêtie. C'est dire qu'ils ne sauraient être ces centres de propositions de solutions doctement élaborées à partir d'un minutieux travail professionnel d'investigation et d'audit de nature à informer correctement la population quelque peu déboussolée et ne sachant à quel saint se vouer. En «oiseaux de malheur», ils n'ont aucun respect de la dignité des petites gens et de l'image de «leur» pays.

C'est dans ce contexte que j'avais dans ma contribution intitulée : «la question du lait et dérivés dans le projet de souveraineté alimentaire» (Cf. Quotidien d'Oran du 2 Juin 2022), rendu un hommage appuyé aux paysans laboureurs qui, en dépit des conditions rudes dans l'exercice de leur noble métier de nourriciers des humains et de la faune, continuent d'assumer leur responsabilité. Pour rappel, j'avais soumis à débat un ensemble de propositions jugées pertinentes allant dans le sens de la réalisation de la souveraineté alimentaire sécurisée. Il est bien évidemment que cela sous-tend la décolonisation de notre agriculture qui doit se défaire de ses nombreuses tares héritées de son passé colonial, ce «logiciel» désuet qui se doit d'être souverainement «formaté» et adapté au plus vite à la réalité algérienne dans sa relation avec les spécificités de ses terroirs et les défis induits par le dérèglement climatique de la planète.

EN IMMERSION DANS LA CHAÎNE DU LAIT

Dans le prolongement de cet écrit consacré à la production de lait, il m'est apparu nécessaire de traiter cette fois-ci cette question cruciale, en mode immersion dans une chaîne de ces consommateurs lève-tôt pour narrer et partager des moments pénibles (c'est le moins que l'on puisse dire) que subissent au quotidien les mères et pères de familles lambda envoyés au charbon par leur progéniture ces lève-tard paresseux du «kraht ya khoô», pour trouver du lait reconstitué subventionné, une denrée considérée indispensable à la maisonnée.

Il est six heures trente minutes, déjà les deux chaines (une pour les femmes et l'autre pour les hommes) machinalement constituées affichaient une soixantaine de clients patients, silencieux, mais quelque peu nerveux au regard de la foule qui afflue de partout et à l'approche de l'heure présumée d'arrivée de l'imprévisible livreur de ce précieux liquide blanc attendu aux alentours de sept heures. Plantés très tôt le matin comme des poteaux plongés dans un silence que véhiculent de pauvres citoyens tirés de leurs lits très tôt et contraints de subir l'incontournable chaîne qui les effarouche et avec le risque de revenir bredouille car le livreur n'est pas venu, ils semblent visiblement ruminer le dégoût de quelqu'un qui n'a pas déjeuné. Le rare mouvement qu'ils font est celui de la tête que déclenche chaque ronronnement de moteur de camion qui rappelle celui du camion du livreur. De temps à autre, l'attention de ces « damnés de la chaine lait » est attirée curieusement par des enfants qui viennent demander à leurs parents qui tardaient à rentrer avec le précieux liquide, quelques dinars pour prendre le bus.

Soudain, un ouf de soulagement fusa à l'annonce de l'approche du camion livreur avec plus d'une heure de retard, qui les délivrera de l'insupportable attente. Il s'en est suivi un brouhaha provoqué par des cafetiers et autres privilégiés qui se servaient, sans gêne ni retenue, directement par caisses entières provoquant un malaise généralisé. Fusèrent alors des réflexions pleines de bon sens mais teintées d'amertume que j'ai souhaité immortaliser par cette modeste contribution et partager avec les exemptés de chaines. « Wach idir el maiet fi yen el ghessal? (Que peut faire un corps inerte devant son laveur?). Cet adage bien de chez nous est prononcé par dépit pour manifester son impuissance chaque fois que nécessaire. Et pourtant ! Le ministre du Commerce avait bien dit que le lait reconstitué subventionné est réservé exclusivement aux citoyens ! Dans ses interventions, ce haut responsable avait même menacé les contrevenants de sanctions. Il savait pourtant que cette décision est inapplicable sur le terrain, et ne mettra pas fin aux comportements égoïstes et aux favoritismes !

Quant au lait reconstitué et vendu en pack six fois le prix du lait vendu en sachet, il est hors de portée pour tous ceux qui font par nécessité la chaîne, chaque matin. Hélas, il arrive souvent que malgré le quota que le commerçant instaure pour servir le maximum de gens, les derniers des longues chaines retournent bredouilles à la maison. Dans tout cet imbroglio l'on ne comprend pas pourquoi l'État ne conditionne pas le lait en poudre dans des emballages adaptés permettant à chaque citoyen de préparer à la maison son lait, selon ses besoins et les circonstances (un invité qui arrive !). On le fait déjà pour les bébés ! C'est là de toute évidence une solution qui mettra un terme à ces chaînes que subissent quotidiennement les citoyens où l'humiliation est vendue concomitamment avec le sachet de lait reconstitué dans des conditions d'hygiène qui n'inspirent pas confiance avec en prime des bousculades et des propos souvent vexatoires vociférés par l'épicier.

Fort heureusement, si l'on juge à travers la composante des deux chaînes humaines, une pour les femmes et l'autre pour les hommes, toutes constituées par des personnes âgées qui laissent supposer que ce sont des personnes retraitées mobilisées, déléguées, astreintes (c'est selon) à accomplir cette incontournable corvée quotidienne. Il convient de noter que les chaînes compactes (l'instinct grégaire qui nous caractérise !?), formées de personnes sobrement et négligemment vêtues, ce qui en dit long sur leurs conditions sociales, ne comportent aucune cravate. En accomplissant cette corvée quotidienne, ces dernières soulagent certainement des milliers de travailleurs !

Il se trouve que ces braves citoyens affichant une sobriété légendaire, réservent, à leurs corps défendant, une grosse partie de leur temps (ne dit-on pas que le temps c'est de l'argent !?), leurs énergies à la recherche du litre de lait indispensable pour accompagner les irremplaçables grains de couscous ou le bout de pain boulanger fait de farine de blé tendre importé. Ils savent aussi que le lait subventionné est introuvable le reste de la journée, hélas !

Si j'ai souhaité relater ces propos pleins de bon sens et de sagesse c'est pour : attirer l'attention de tout un chacun sur les difficultés et les conditions qui entourent la procuration du litre de lait subventionné (le pack de lait et le leben reconstitués sont disponibles, partout et tout le temps), rappeler ci-après et réitérer le socle de propositions formulées dans ma contribution susmentionnée pouvant constituer les grandes lignes d'un plan national lait opposable à tous les acteurs impliqués.

MESURES ORGANISATIONNELLES À PRENDRE DANS LE COURT TERME

1- L'ONIL doit nécessairement cesser de jouer le rôle de centrale d'achat de la poudre de lait importée pour devenir un véritable organisme de développement de la filière lait missionné par les pouvoirs publics, et jouer le rôle de chef d'orchestre dans la mise en œuvre et la réalisation d'un plan national lait. Il aura à ce titre la tâche d'organiser, de coordonner, de créer les synergies nécessaires, de contrôler et animer les actions des différents acteurs économiques, techniques, sociaux, intervenant au titre de ce plan suivant des règles et des procédures transparentes dûment convenues et arrêtées opposables à tous, ainsi que la mise en place d'un système de suivi-évaluation et d'assistance technique assurés par un personnel formé pour prendre en charge les préoccupations des producteurs, semer le progrès technique et éviter tout gaspillage.

2-Enclencher les indispensables opérations d'identification, de recensement et d'évaluation des réelles potentialités que recèle notre immense territoire en termes de potentialités génétiques, production fourragère, de structures d'hébergement des cheptels, de la disposition des paysans à adhérer, des besoins réels des consommateurs en lait et dérivés. Il demeure entendu que chaque producteur doit être identifié par des personnels dûment habilités et qualifiés, et doté de sa carte d'identité enregistrée. Ces opérations sont à mener en priorité pour doter les décideurs de données fiables à même de leur permettre de prendre de bonnes décisions. Faire table rase de la « forêt » de chiffres tripatouillés par des agents irresponsables pour servir leurs chefs (caresser dans le sens du poil ?) est une opération déterminante. Il n'est un secret pour personne que les données chiffrées actuelles sont basées sur le déclaratif souvent orientées en fonction de leur usage. Il est de notoriété publique que pour demander un avantage quelconque, une ration en aliments de bétail, une subvention, le paysan ne déclare pas les mêmes chiffres aux services des impôts et aux services agricoles ! Difficilement vérifiables par les services décentralisés sur le terrain par faute de moyens, par complaisance ou pas, par insouciance ou pas, il faut reconnaitre que les dégâts que ces chiffres qui aveuglent plus qu'ils n'aident à la décision sont en grande partie à l'origine de la situation déplorable que connait le secteur agricole en général et la filière lait en particulier.

3- Revoir de toute urgence la gestion de la poudre de lait, importée transitoirement pour suppléer l'insuffisance de la production laitière nationale, de manière à se prémunir des inadmissibles velléités de détournement de la poudre de lait subventionnée pour soulager les bourses des plus défavorisées, de sa destination première pour alimenter le marché libre de l'informel.

Pour mettre fin à toutes les pratiques répréhensibles qui touchent ce produit de base très sensible, il est préconisé d'arrêter la manufacture de lait reconstitué à partir de la poudre de lait et de la livrer conditionnée dans un emballage approprié portant le logo ONIL et l'inscription lait subventionné en paquets pour préparer deux litres de lait chez soi. Mélanger de la poudre de lait et de l'eau pasteurisée est une opération que tout un chacun sait faire. Préparer le « biberon » des Algériens dans des hangars pompeusement appelés mini-laiteries, livrés dans de vulgaires sachets en plastique importé polluant l'environnement, c'est quelque part infantiliser le peuple. Les avantages qu'offre cette mesure qui relève du bon sens paysan sont incommensurables. A titre indicatif, je donne ci-après les plus importants :

- Permettre au citoyen des zones rurales éloigné des centres commerciaux de s'approvisionner en poudre de lait conservable sur une longue durée, comme il le fait déjà pour son café et autres produits, à l'occasion de ses déplacements en ville.

- Améliorer sensiblement le pouvoir d'achat de ces habitants des zones dites d'ombre qui achètent actuellement, à défaut de pouvoir se procurer le lait subventionné, du lait en poudre ou UHT importé à des prix prohibitifs (six fois le prix du lait subventionné).

- Diviser par au moins dix le nombre de camions qui sillonnent nos routes pour livrer le lait reconstitué, ce qui permettra de diriger cette flotte de camions vers d'autres créneaux, entre autres, la collecte de lait frais et de faire des économies considérables pour soulager le Trésor public. À noter que les collecteurs livreurs de lait perçoivent des subventions pour leur « service » qui n'est pas sans reproches.

- Réorienter l'armada de collecteurs livreurs et de laiteries vers la prise en charge de la production nationale de lait frais essentiellement la collecte, la pasteurisation, la transformation et le conditionnement de celui-ci produit localement.

- Mettre fin à l'emballage plastique utilisé actuellement pour conditionner le lait reconstitué qui pollue notre environnement et contribuer concrètement à appliquer l'une des principales recommandations des Nations unies. Le conditionnement de la poudre de lait dans un emballage recyclable non cancérigène produit localement génèrera des économies substantielles en devises et en dinars pour soulager le Trésor public. L'idéal serait de réhabiliter le conditionnement du lait frais dans des bouteilles en verre produites localement, ce qui générerait des emplois et des économies appréciables de devises.

MESURES À METTRE EN ?UVRE À COURT ET MOYEN TERMES

1- Promulgation d'une loi portant protection des femelles reproductrices (vaches, chèvres, brebis, chamelles) et sanctionnant sévèrement les abatteurs de cheptel de reproduction.

2-Dotation des paysans laboureurs attachés à leurs exploitations réunissant les conditions requises pour accueillir chaque espèce animale, principalement l'eau et le logement des animaux, qui adhèrent aux objectifs du plan lait et qui s'engagent contractuellement à les atteindre, d'un lot de cheptel laitier étudié de façon à permettre aux bénéficiaires d'avoir du lait en continu (alterner les périodes de lactation) et faire fructifier les potentialités dormantes.

3- Mise en place de la formule de financement par le leasing pour doter les paysans en cheptel de production de lait (vaches, chèvres, brebis, chamelles). Le paysan bénéficiaire de cette formule aura à rembourser par le croît femelle qui devra être dirigé vers des pépinières spécialisées créées à cette fin.

4- Mettre en place un contrat liant le paysan à l'État (représenté par l'ONIL assisté dans ses missions de suivi sur le terrain par les services déconcentrés de l'État) fixant les droits et obligations de chaque partie prenante. À titre indicatif, le contrat doit faire obligation :

- Au paysan cocontractant de remettre à l'ONIL les croîts femelles à un âge convenu, de se conformer strictement aux modes de conduite préconisés par les personnels mandatés pour suivre sur le terrain la concrétisation des actions plan lait, de se former aux techniques d'élevage et d'exploitation des soles.

- Au représentant de l'État, d'apporter l'assistance technique et de prodiguer les conseils nécessaires pour une conduite et une gestion optimales du cheptel et des potentialités dormantes que recèle l'exploitation.

5- Dans le cas où le recours à l'importation de femelles reproductrices s'imposerait, ce qui est à priori incontournable dans une première phase pour réparer les dégâts causés à la filière lait par les abattages clandestins et le recours aux solutions de facilité qu'offre l'importation tous azimuts faisant de notre pays un assemblier de produits importés, il est recommandé :

- de ne pas importer des femelles gestantes pour réduire les risques liés aux transports, de les acclimater d'une part et d'autre part, de faire tourner à plein régime le centre national d'insémination artificielle aidé lui-même par les différentes écoles vétérinaires et pourquoi pas des vétérinaires agréés.

- de cesser d'opter quasi machinalement pour l'importation de races de très grand gabarit très exigeantes en termes de conduites, d'affourragement, d'entretien et de soins, d'hébergement, et de milieux d'élevage, achetées sur catalogues qui vantent à l'évidence les potentialités de production laitière proches de celles obtenues en laboratoires. Des qualités que nos « experts » ne manquent pas de prendre en compte pour échafauder des plans prévisionnels de production de lait présentés à des décideurs contraints souvent à agir dans l'urgence à la recherche d'une solution pour calmer les esprits en ébullition, comme la panacée. Cette façon de faire a conduit indéniablement à la situation actuelle tournée vers l'importation de la quasi-totalité des intrants, des cheptels et des équipements nécessaires à la production de lait frais et reconstitué au détriment de solutions nationales basées sur l'exploitation rationnelle de nos importantes potentialités jusque-là gaspillées. Il ne faut pas perdre de vue qu'une vache qui sue donne moins de lait et consomme plus d'eau. De ce fait, les conditions climatiques qui caractérisent notre pays constituent indéniablement une contre-indication pour l'importation de cheptels à haut gabarit.

- de privilégier le mode de conduite prenant en compte les conditions naturelles du milieu (notre pays classé en zone semi-aride et aride faut-il le rappeler), les possibilités d'accueil qu'offrent concrètement les paysans ayant fait le choix d'adhérer au plan national lait, le choix de l'espèce animale (caprin, ovin, bovin camelin,...) et la race, pour tirer profit des millions d'unités fourragères que recèlent nos parcours et ZNIGAS, et nos forêts, gaspillées annuellement, et réduire significativement les risques d'incendies.

6-Engager résolument les instituts de cherche, réduits jusque-là à émettre des « fetwas » techniques pour importer des intrants, des aliments pour élevage, des cheptels... pour mettre au point des produits de substitution aux importations et des modes de conduite raisonnés et appropriés à chaque type d'élevage. Dixit un professeur en agronomie.

7- Mettre en place les mesures d'accompagnement des producteurs-acteurs du plan national lait qui doivent être motivés et confortés dans leur rôle d'acteurs économiques structurés au sein d'un système coopératif d'entraide adapté pour jouer, entre autres, un rôle d'interface entre les producteurs et les services publics.

8- Réorienter les subventions versées aux différents intervenants vers le financement d'actions inscrites au titre du plan national lait dont l'amélioration des capacités d'intervention de l'ONIL pour jouer pleinement le rôle que lui confère sa mission d'organisme de développement de la filière lait.

CONCLUSION

Il est indéniable que la raréfaction de cette denrée de base défiant toute logique, source de tensions et de mal-être, reste préoccupante à plus d'un titre. Entre les paysans producteurs qui triment pour produire du lait, l'État qui consent un budget colossal pour approvisionner le marché et les consommateurs qui ne trouvent pas de lait, s'est installée une mare aux canards où grouille une faune de cupides, de prédateurs et autres saprophytes qui vampirisent les subventions des produits de large consommation aidés dans cet acte répréhensible par des « je-m'en-foutistes » tapis dans les rouges de la filière lait, beaucoup plus préoccupés par les privilèges qu'offrent leurs positions que par le bien-être des citoyens et la rigueur dans la gestion des deniers publics.

Aussi, il est temps d'admettre que la solution ne viendra pas (à moins de s'entêter à persévérer dans le déni de réalité et de défier la nature) de mégaprojets de production de lait tant décriés dans leurs pays de « naissance » en raison des conséquences dommageables qu'ils entrainent. Ce type de projets promus par des promoteurs affairistes (loin d'être des philanthropes ou des bons samaritains) alléchés par les avantages consentis par les pouvoirs publics et la plus-value escomptée n'hésitent pas à abandonner l'activité laissant derrière eux la désolation.

Naturellement, sous le règne de l'argent, les scientifiques, les ingénieurs et techniciens dont la raison d'être est de sauvegarder la nature en veillant à faire valoir les règles éprouvées pour assurer l'exploitation rationnelle des ressources naturelles en ayant le souci incorruptible de protéger les ressources naturelles et la vocation originelle des écosystèmes, sont marginalisés, quand ils ne sont pas utilisés pour délivrer des « fetwas » techniques pour servir de faire- valoir, formaliser le dossier. La solution réside, à ne pas en douter, dans l'intéressement et la mobilisation des producteurs agricoles professionnels, jaloux de leur noble métier d'acteurs économiques de l'ombre exclus des aides de l'État, des crédits de campagne et d'investissement, victimes collatérales de l'ultralibéralisme mis en place depuis le début des années 80, pour acquérir des moyens et des facteurs de production, leur permettant d'intensifier et de rationaliser l'exploitation de leurs terres. De fait, ces dizaines de milliers de petites mains expertes sont exclues de l'effort national de construction de notre souveraineté alimentaire sécurisée pendant que les projecteurs sont braqués sur un hypothétique mégaprojet « tape-à-l'œil » que viendrait réaliser un bienfaiteur capitaliste (peu importe sa nationalité ils poursuivent la même objectif, se remplir grassement les poches). Ne dit-on pas que les petits cours d'eau font les ruisseaux et les ruisseaux font les fleuves ?

Et pour finir je dirais que dans ce monde incertain où se font et se défont les alliances très souvent factices, notre souveraineté alimentaire est avant tout l'expression d'une volonté politique clairement affichée en style d'actions mode « compter-sur-soi », car il n'y a rien à attendre de ceux qui nous vantent leur technologie et nous vendent des mirages en guise de mégaprojets ! J'ose donc espérer que les travaux d'assises sur le secteur de l'agriculture auront tout au moins abouti à cette principale conclusion, pour justifier leur pertinence et leur utilité !

*Agronome