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Les nouveaux bacheliers : entre le bac, la moyenne pondérée et l'université

par Abdellatif Megnounif*

Le système d'évaluation, synonyme d'amélioration de la qualité, dans l'enseignement en général reste encore un chantier largement inachevé. Car le concept qualité a évolué d'une simple mesure de la conformité intrinsèque des produits à une mesure des variations dans tout le système qualité avec amélioration continue des processus. De ce fait, les normes qui caractérisent les systèmes qualité sont devenues indépendantes des types d'activité des organisations, ce qui a rendu la notion de qualité applicable à tous les domaines et en particulier celui qui nous intéresse ici : le domaine de l'enseignement. Ce dernier, comme tout système, n'échappe pas actuellement à la notion de qualité qui est recherchée surtout à travers le principe d'une évaluation continue le long du cycle de vie du système. L'objectif de l'évaluation est de déterminer, en utilisant une combinaison d'activités de prédiction, d'analyse et de mesure, les vraies caractéristiques du système pour s'assurer que le système remplit avec succès sa mission. Cette évaluation est donc définie comme une mesure des acquis d'un étudiant, de la valeur d'un enseignement, etc. en utilisant des critères qui non seulement doivent être bien choisis et déterminés mais aussi doivent être priorisés et classés selon les objectifs tracés. On parle actuellement de mesure, de diagnostic, de contrôle, d'audit, de test, d'expertise, d'appréciation, d'estimation, d'examination, de validation, de notation, d'inspection, d'observation... Tous ces termes prouvent que l'évaluation occupe une place prépondérante dans le management de n'importe quel système. Le besoin d'amélioration de la qualité de l'enseignement n'a pas seulement une influence sur les étudiants mais également sur les enseignants, les gestionnaires, les employeurs, la société... enfin sur toutes les composantes du système « enseignement ». Cette qualité, il faut la chercher dès le début, à l'entrée même de l'étudiant à l'université, une fois obtenu son Bac. Les critères de sélection, d'orientation, ... ne sont que des paramètres qui doivent être rigoureusement choisis de façon à satisfaire le plus grand nombre de parties prenantes (futurs étudiants, leurs parents, les enseignants, les responsables...) et non l'inverse. Et c'est précisément grâce à la mise en place d'un bon système d'orientation qu'on peut réussir l'intégration de deux catégories de besoins qui, pour être différentes, ne sont pas radicalement opposées : ceux de l'individu et ceux de l'université. Un taux de satisfaction élevé dans l'orientation des nouveaux bacheliers va sûrement contribuer positivement dans la résolution du problème d'abandon en première année.

Dans tout ceci, n'oublions pas qu'une évaluation des acquisitions des élèves de terminale à travers le Bac reste tributaire de beaucoup de phénomènes tant psychiques, psychologique, physiques... Que d'étudiants brillants ratent une partie ou tout dans un examen de Bac à cause du stress. On a beau former scientifiquement nos enfants mais on ne les a jamais préparés à faire face à des situations stressantes.

En théorie, il y a deux types d'évaluation, une implicite ou informelle où chacun de nous est un évaluateur et est en même temps évalué. Le deuxième type est l'évaluation instituée ou formelle. Là, l'évaluation est organisée, annoncée et exécutée selon une procédure bien définie utilisant des critères ciblés. C'est ce type d'évaluation qui permet au futur bachelier d'avoir une moyenne ; qui est devenue par la suite une moyenne pondérée, lui permettant de concourir pour une formation universitaire. Deux années d'application de cette « moyenne pondérée » du Bac, un feed-back serait peut-être nécessaire pour apporter des ajustements afin d'améliorer le système d'orientation et d'inscription aux différentes formations universitaires.

Avant cela, rappelons la situation actuelle. En Algérie, chaque titulaire du Bac a droit à une place pédagogique dans l'un des différents établissements supérieurs. Plusieurs formations sont proposées à travers le territoire national et sont présentées aux futurs bacheliers dans une circulaire que le ministère de l'Enseignement supérieur prépare avant chaque rentrée universitaire. Cette circulaire permet alors aux bacheliers d'être orientés selon des critères dont les plus importants sont :

- La moyenne obtenue du Bac « pondérée » selon les types du Bac

- Le nombre de places pédagogiques disponibles dans un établissement supérieur

- Le type du BAC

- La circonscription géographique.

De tous ces critères, celui de la moyenne pondérée reste, à mon avis, le plus prioritaire et le plus admis par tous (surtout les futurs bacheliers et leurs parents). Tous s'accordent, et travaillent durement pour l'obtention d'une bonne moyenne pour accéder au choix de la formation souhaitée.

Depuis deux années, on a modifié la notion de la moyenne du Bac par une moyenne dite « pondérée » qui devienne la moyenne d'accès aux formations universitaires. Cette moyenne est calculée selon une formule mathématique prenant en compte la moyenne générale du Bac et la note de la matière essentielle (selon le type de Bac et la formation universitaire souhaitée) obtenue dans le Bac.

Ce changement a surtout touché les sciences et techniques (ST, SM, MI, SNV et sciences médicales) alors que dans les autres sciences (de la grande famille des sciences humaines et sociales, économiques et juridiques) seules les langues et la traduction ont été concernées par ce changement. Alors pourquoi il faut revoir cette notion de moyenne pondérée ? Ma modeste expérience de responsable m'a fait constater que l'application de cette moyenne pondérée pendant ces deux dernières années a fait plus d'insatisfaits que de satisfaits. Je m'explique. D'abord, le candidat est déjà pénalisé par les différents coefficients pris dans le calcul de la moyenne du Bac. Généralement, la matière essentielle a un coefficient très élevé par rapport aux autres matières. On lui ajoute une deuxième pénalité par la fameuse « moyenne pondérée ». Et troisièmement, il est pénalisé en augmentant la moyenne de ceux qui ont eu une bonne note dans la matière essentielle. Le candidat sent « qu'on lui enlève pour donner à l'autre ». Il est donc souhaitable de revoir cette notion dans le sens de l'amélioration continue du système d'orientation des nouveaux bacheliers. Les objectifs principaux à atteindre à travers cette réflexion sont :

- Augmenter le taux de satisfaction de toutes les parties prenantes (bacheliers, parents, gestionnaires,...), et donc améliorer la qualité.

- Favoriser la réussite des étudiants à travers la satisfaction de leurs choix.

- Faire aimer l'université aux futurs bacheliers dès le départ.

- Diminuer le nombre de candidats (déjà bacheliers) qui repasseront le Bac en cherchant la moyenne demandée.

L'atteinte de ces objectifs nécessite une mise à jour des conditions d'orientation et d'inscription et surtout cette notion de « moyenne pondérée ». Avec cette approche, deux possibilités peuvent être dégagées pour discussion et enrichissement à travers les canaux officiels de notre institution :

Comme première proposition, on peut juste revenir à l'ancien système d'orientation où c'est la moyenne obtenue au Bac qui est prise en considération. Le calcul de cette moyenne est bien réfléchi en choisissant les coefficients de pondération adéquats et surtout elle est largement acceptée par les futurs bacheliers, puisque le principe est utilisé dès leur scolarisation. Une grande partie de l'effet psychique est déjà prise en compte. De plus, toutes les filières seront traitées de la même manière et il n'y aura pas de « ségrégation » entre les sciences et techniques et les autres sciences.

Dans la deuxième proposition, le principe de la moyenne pondérée est gardé mais en la réajustant. L'idée de donner un bonus pour ceux qui ont obtenu une très bonne note dans la matière essentielle n'est pas à écarter. Ça leur permet de poursuivre dans des formations de leurs vœux et donc de les satisfaire. Mais, en regardant la nature de l'examen du Bac, qui reste un examen décisif, au-delà de tous les efforts fournis pendant toute la formation scolaire (du primaire au lycée) on s'aperçoit facilement les conséquences que pourra avoir cet examen sur la vie future de nos enfants. Pour cela, le fait de réussir cet examen est lui-même une grande réussite dans la vie d'une personne. La première réaction quand un bachelier apprend qu'il a eu son Bac est de consulter tout de suite sa moyenne obtenue. Il se pourra qu'il soit choqué, mais il acceptera facilement le résultat (il est déjà préparé pour ça). Ce n'est pas le cas de la moyenne « pondérée » où le bachelier, en voyant sa moyenne descendre de 2 points ou plus (pour ne citer que ce cas, et ils étaient nombreux. Rappelons le Bac de l'année 2021 où la note des sciences naturelles était globalement moyenne), réagira sûrement différemment. C'est difficile à admettre et on sentait de l'injustice quelque part. Juger des candidats à travers une seule note obtenue dans la matière essentielle au Bac est tout à faire contraire à ce que prône notre système où la notion par exemple de l'évaluation continue est largement favorisée, internationalement y compris nos décideurs, par rapport aux autres types d'évaluation. Un candidat ayant eu une moyenne générale au Bac de 16/20 avec une note en sciences naturelles de 12/20 se voit sa moyenne descendre à 14.67, soit 1.33 de moins en moyenne, à multiplier par le nombre total des coefficients de toutes les matières et on trouvera la note totale perdue. Alors que celui qui a eu une bonne note dans la matière essentielle se voit sa moyenne augmentée autant. C'est cette idée de « prendre des notes du premier cas pour donner au deuxième cas » qui a fait beaucoup d'insatisfaits et a fait naitre un esprit d'injustice chez nos enfants. Alors, que propose-t-on ? Dans cette perspective et afin d'augmenter le taux de satisfaction de nos bacheliers, il est peut-être souhaitable de rester sur l'idée de la moyenne pondérée mais retenir comme moyenne d'orientation la valeur supérieure des deux moyennes ; celle obtenue au Bac et celle obtenue par pondération. Avec ceci, ceux qui ont obtenu une bonne moyenne générale avec une note faible dans la matière essentielle ne seront pas pénalisés et seront satisfaits (psychiquement et psychologiquement). Alors que ceux qui ont eu une bonne note dans la matière essentielle seront gratifiés et on gagnera un pourcentage en plus de satisfaits.

D'où, on proposera alors :

Moyenne d'orientation = Sup (moyenne du Bac, moyenne pondérée)

Cette nouvelle proposition, on pourra l'appliquer pour tous les types de formation. Le monde actuel est dans l'interdisciplinarité et aucune science ne pourra être traitée différemment par rapport à d'autres.

Pour terminer, je souhaite que des spécialistes puissent se pencher sur cette idée pour réajuster le système d'orientation des bacheliers afin de rendre l'Université algérienne plus attractive pour nos futurs bacheliers et diminuer autant que possible le taux d'abandon en première année en augmentant le taux de satisfaction des bacheliers.

*Prof, Université de Tlemcen