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Aller voter, oui; mais pourquoi et pour qui ?

par El Yazid Dib

« Ils arrivent, ils sont là ! De tous temps, de partout. Ils sont prêts à tout, l'air de rien. Qui donc ? Mais les opportunistes, bien-sûr. Ces profiteurs d'occasions, ces saisisseurs de circonstances, ces caméléons électoraux et girouettes politiques. Ils sont de gré à gré et d'abord de leur intérêt. » Daniel Confland

Il a beaucoup plu en cette campagne. Il a fait un peu froid. L'urne va s'essouffler à devoir contenir des voix essoufflées. Si les gens vont venir en ce samedi 27 c'est que déjà dans leur tête il y a une certaine personne sous un numéro à faire emprisonner dans un étui. Ils sont troublés dans le choix qui ne leur offre pas la possibilité de rayer les scories, les encombrants, les lourdauds les incompétents, les profiteurs, les opportunistes ; Allah ghaleb « makla forci », se disent-ils.  

Dans le pays, rien ne dit que l'on vit une campagne. Tout est présumé que l'on se trouve en face dune situation électorale habituelle. Des affiches, des minimes attroupements à majorité densifiés d'intéressés. La conviction n'existe pas, autant quelle doit d'abord gagner les propriétaires de ces listes. La conviction devenant une denrée inaccessible pour presque tous reste encore un cursus qu'il faudrait avoir non pas dans des billets de banques ou dans des sacs de semoule mais bel et bien dans la punch, le brio et le bon verbe. Mais comme le pli et le repli, les us et l'usage tellement corrodés et corrupteurs de mœurs, arrivent remodeler la pratique politique ; il n'est pas sacré de voir encore des pseudos députés ou des faux sénateurs croire diriger la pensée de la ville pour parrainer tel ou tel projet de maire. L'on ne peut se prévaloir d'une certaine détention de représentativité sauf si celle-ci est saine et sans retouches. Ne pas avoir l'assentiment de ses proches c'est la première condamnation à l'exil.  

Ces joutes auront donc marqué le temps par une forte insouciance populaire du fait des visages des placardés. Pas tous heureusement. Et comme le choix est difficile voire impossible l'élection concomitante à la cherté de la vie, aux affres delà loi de finances; s'installe aux dépens d'un engouement général. Beaucoup de personnes aimeraient constituer une belle mosaïque comme liste électorale, tirant un tel de telle liste, l'autre de telle autre et ainsi de suite tout en arrivant à une symbiose de complémentarité et une harmonie de profils. Cette composition n'est pas permise hélas. On vote pour une liste ou l'on s'en abstient. D'ou un choix terriblement moral qui s'impose à tout un chacun. C'est dire par ailleurs que l'on n'est pas mieux loti d'aller ce samedi chacun selon ses préceptes pour corroborer ou invalider la complexité qui nous envahit. Dans le silence de son isoloir interne, les mains tremblent, l'on palpe des papiers avec stylo, sans gomme et il n'y a ni rajout, ni suppression ni modification. Là, un moment glacial vous court le long de votre histoire, l'espace de votre géographie, profane les caveaux de vos pensées, crève les secrets de vos songes et dévoile les vérités de vos illusions. Vous n'allez pas quand même favoriser le papier choisi et privilégié sans vous faire grincer les méninges à propos d'un nom ou d'un numéro.

L'instant est grave, car il s'agit d'un avenir, d'une prospérité qui va durer plus d'un mandat tant les cicatrices des précédents ne se sont pas encore estompées. L'instant de l'isoloir va se finir et votre choix n'est pas encore fixé, nonobstant sa conceptualisation bien anticipée datant des premières rumeurs, des premières colères. Vous vous y verrez dans ce confessionnal non pas comme une simple carte d'électeur ou un citoyen crédule et croyant mais tel un peuple uni et rationnel, sincère et attentif en quête d'un bien-être viable et vivable pour son douar. Vous lisez une énième fois l'identité des inscrits, vous vous référez à toutes vos encyclopédies cervicales, à vos souvenirs d'enfance, aux coins de vos multiples quartiers et là, seul votre soupir ou votre sourire vous dicte le bon emploi.

Il est vrai que la sensation qui morfond certains de tout un chacun de dire que la « politique » au sens algérien actuel ressemble intimement à cette pathologie d'origine virale dont l'on ne peut éviter les germes nauséabonds qu'elle éjecte à force de trop s'y approcher. Le débat n'est plus un débat plus qu'il tend vers l'avis à infliger à tout prix. La tolérance défie l'éthique en même temps que la gabegie et le n'importe qui et quoi se permettent d'analyser l'horizon économique planétaire du troisième millénaire et encore oser se porter candidat. Si un intrus croit connaitre tout, si un prétentieux croit être le voisin de Dieu, si un matelot d'eau douce croit dompter les océans, si un nullard aspire à devenir le maire de la ville ; que reste t-il yarham waldikom aux autres ? Changer de circonscription électorale, tout en luttant pour se préserver à finir ses jours dans sa ville natale. Quand le monde qui vous contient devient hypocrite à l'extrême, trouvez-vous en un autre à moindre frais moraux où la réalité serait une chimère et la vérité un songe passager.    

N'est-il pas démoniaque d'être à la fois, récidiviste, candidat, tête de liste, président d'Apw et venir à une commune qui n'a rien à voir avec vos trippes? Est-il politiquement correct de savoir quelqu'un pris dans un parti autre que celui qui lui a permis d'accomplir un ou deux mandats, voire trois ? Pour la simple raison que cette fois-ci sa candidature n'était pas acceptée. Des transfuges on en a vus, mais des caméléons, des sans honte, sans virilité, eh bien ça existe aussi. Alors, ce type d'être humain reste indigne de tout placement de confiance, tant il s'est retourné contre son géniteur pour lui avoir, face à un énième une mandature, dit non, basta. Vouloir mettre tout sous sa seule dent n'entrainera que le succès de se mettre en entier sous les dents des autres. De surcroit si l'on troque déjà sa dignité et l'on se laisse sous la laisse de son ego qui malgré les mandats n'aura jamais les lauriers de la cité. La politique est un art dans le monde de la noblesse, la noblesse est un mode de vie. Il y a encore des gens qui omettent de mettre en relief leur palmarès personnel sans nul panache extérieur pour ne s'identifier que sous des titres précaires et révocables, dire qu'ils ont été estampillés à la naissance députés, sénateurs, maire ou autre ! Alors, pour ce faire il ne faudrait pas être un simple « candidat » tête d'affiche et pas de liste, mais une tête pensante. Une bonne tête d'émerveillement, et de gestion et non de simple suiveur ou d'ombre muette et servile et se prendre pour un charismatique et surtout aimer grignoter des pistaches au cabinet du wali.

L'on a vu des gens promettre et rire sous cape une fois l'applaudissent tinté et le satisfecit visiblement obtenu. Le jour important, sans le redire ne saura pas être dans le claquement des mains, ni dans la densité des meetings. Le jour important arrivera par la bouche d'une autorité indépendante électorale. Une fois prononcé ; il n'y aura ni l'ombre des promesses, ni la reconnaissance numérique des visages leur ayant fait face. Les autres, ceux que l'on a essayé de mettre dans les chaises de permanences seront toujours là pour servir et valoir ce que par défense et rendu de monnaie assurent le cauchemar et le bourdonnement. Ainsi, dans l'attente du verdict et de le pesage de la récolte ; cette campagne qui ressemble à un monde conçu pour les intéressés va connaitre son épilogue coutumier. Se faire oublier. Les têtes vont compter leur argent, leurs dépenses leurs futurs gains. Les autres vont approfondir le sommeil et garnir chacun un siège à l'abri de la neige qui tarde à s'annoncer.

Un candidat qui aurait le sens de l'argumentation avec programme en bout, face à des flâneurs, des curieux, ou des fervents sympathisants en quête de dissiper définitivement leur incertitude est d'abord celui qui croit en son engagement. Cependant certains partisans convaincus sont là en « permanence » sans être totalement portés sur une décision de vote. Un parti n'aurait pas besoin de « zernadjia », trottoir pris pour scène et enquiquinant carrément dans leur indifférence les passants et les flâneurs. La traque des voix, suppose-t-on est ailleurs que dans l'ennui tapageur que provoquent de telles situations dignes d'une kermesse. « un carnaval fi dachra ». La politique peut parfois revêtir le caractère intrinsèque d'un véritable métier. Dans la politique subsistent deux acteurs essentiels : les producteurs et les consommateurs. Que chacun produit selon ses capacités Que chacun consomme selon ses besoins. Ces élections n'auront pas en finalité à changer le mode de vie des Algériens. Gérer une mairie ne se contient plus dans le fait de créer des fusées ou de lancer sur orbite des satellites. C'est aussi simple que ça. Il suffit de savoir faire enseigner la civilité et la citadinité. Enseigner le comment vivre ensemble dans une situation de propreté et de salubrité publique. Savoir créer le bonheur communal est une attribution illusoire des communes.

Etre candidat, pour certains, s'assimile à une plainte contre son sort ou une demande d'emploi sans toutefois un cv brillant ou adéquat. Pour d'autres ce n'est qu'un challenge personnel, une finition passionnelle de ses vieux jours. L'assaut sur les listes cette fois-ci est l'œuvre de toutes les catégories. De l'industriel au pensionné, du sans rang social au rêveur de trônes, tous aspirent à conduire ou être dans le bateau ivre d'une commune en vogue la galère. Nonobstant les inquiétudes, les schismes, les scandales, les mises sous contrôle judiciaire... certains s'acharnent non seulement à se faire reproduire, à réessayer leurs hasards, ou à répéter leur mauvaise pratique mais encore prédisent leur triomphe et promettent (encore) de tenir leurs promesses. Pour les nouveaux candidats partis en campagne, voulant se faire voir, et excellant dans la description de l'état des lieux ; ils n'ont manqué aucune occasion pour décrier la gestion communale précédente. Oubliant du coup que leur parti était partie prenante dans celle-ci. Et encore qu'ils étaient, pour certains eux-mêmes aux postes de commande municipaux.   

A l'instar de toute initiative, l'opération électorale doit avoir un objectif. S'il est clairement défini dans les textes avec une emphatique phraséologie ; cet objectif n'a jamais été atteint au plan local. L'on vote pour avoir un bon maire, pas un fonctionnaire. Un maire apte à travailler les routes, pas uniquement à astiquer ses fringues. L'on vote pour avoir un bon président d'APW, pas un rond de cuir incapable de fédérer ses membres, inapte à telle place d'une ville qui ne le dépasse. Alors pensez, réfléchissez et libellez votre enveloppe en toute âme et conscience en ayant en tête cette grande maxime « Le seul mauvais choix est l'absence de choix » .que chaque ville vote pour ses enfants, à défaut de ne pas avoir vu chaque enfant se porter candidat dans douar.