Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Gestion des activités pédagogiques au sein d'un établissement de jeunes: Une démarche unilatérale ?

par Nadir Hama*

La dynamique des activités au sein des établissements de jeunes est accusée de statique. Les causes sont multiples. Comme palliatif, un mécanisme d'insertion du mouvement associatif dans ses structures est envisagé.

Ce dispositif réglementaire proposé au profit des associations vêt, à la fois, une importance majeure et une opportunité au meilleur moment, tant pour l'association qui fera usage de siège et espaces d'exercice pour exécuter son programme d'action et/ou la convention cosignée entre l'établissement de jeunes qui ressent un vide et ayant constaté son incapacité à gérer, manque de moyens humains et savoir-faire ou compétence d'encadrement que l'association mettra en œuvre.

Ce mode de gestion conventionnelle paraît ambigu et déconcerté, s'agit-il sous forme de «concession» ou «gestion déléguée» ou bien «une sous-traitance », puisque autres formes d'actionnariat, de commandité, de partenariat, unipersonnel et sociétal sont exclues, obéit au respect des clauses de la convention bilatérale cosignée entre les deux parties concernées et approuvées par la Direction de la jeunesse de wilaya. Cette convention doit être accompagnée par un dossier administratif déposé au niveau de la direction de l'office dont l'accord doit recueillir l'aval du conseil d'administration de l'office après avis favorable du comité pédagogique de l'établissement de jeunes concerné.

Paru dans le JO n°38 en date du 12 juillet 2015 sous l'intitulé arrêté fixant les conditions et modalités d'octroi de la gestion des activités ou certaines activités pédagogiques se déroulant au sein d'un établissement de jeunes par voie conventionnelle à une ou plusieurs associations, sous forme de chapitres au nombre de 04 accompagnés en annexe par un modèle de la convention de gestion totale ou partielle des activités pédagogiques à cosigner entre les deux parties concluantes, avec des canevas de documents administratifs liés à l'état et nature des activités pédagogiques octroyées en gestion totale ou partielle au profit de l'association, état des biens mobiliers mis à la disposition de l'association par l'office, état nominatif et profils du personnel affecté par l'association. Ces documents sont concluants.

Consistance de la convention : son aspect technique est éméché ?

La convention doit prévoir une série de clauses inhérentes à la définition de l'activité ou les activités pédagogiques octroyées en gestion au profit de l'association, la durée de la convention estimée à une année renouvelable, fixer les obligations et droits des deux parties concluantes et comment s'effectue le contrôle et par rapport à quel critère ? sans toutefois oublier que les mesures conservatoires en cas de l'irrespect des clauses de la convention qui seront largement abordées et enfin la modification, l'avenant, la résiliation de la convention seront aussi développés.

Cette approche juridique fait défaut à plusieurs niveaux dans le fond et sur la forme, c'est que la convention est purement à caractère juridique. Le volet technique est absolument éméché. La question posée : où est le cahier des prescriptions techniques et clauses de faisabilité ? Où est le barème financier des activités ? Où est la nomenclature des activités pédagogiques que l'établissement ou son substitut, voire l'association partenaire, doit respecter. Donc, la convention est déclinée. Les deux parties se mettent d'accord au sujet de la gestion de l'espace, du matériel, le temps, mais le fond, voire la nature des activités, dans la qualité et la quantité par rapport aux besoins des jeunes locaux, sont foncièrement occultés.

Conditions exigibles à la conclusion de la convention pour l'association

Ce sont des conditions permettant à l'association d'agir conformément à la réglementation en vigueur, à savoir être légalement constituée, voire possédant un agrément; compter dans son effectif des potentialités humaines qualifiées ayant des références et des antécédents concluants dûment prouvés en matière de gestion des projets et d'activité de jeunesse.

Sans toutefois présenter essentiellement un projet éducatif cohérent lequel devra faire ressortir les objectifs éducatifs escomptés, démarches pédagogiques pressenties, actions d'animation envisagées, définition des activités projetées en matière de finalités poursuivies, de leur contenu et des moyens engagés pour sa mise en œuvre, assumer sa responsabilité civile par une souscription d'une assurance valable durant toute la convention et enfin verser annuellement à l'office une ristourne de l'ordre du 20% au titre des frais d'adhésion revenant à l'établissement de jeunes contracté et des recettes générées par les activités pédagogiques organisées.

Par contre, pour une association postulant à une gestion partielle des activités pédagogiques : outre les conditions énumérées ci-haut, on trouve, disposer d'une expérience dans l'activité pédagogique proposée et présenter un projet d'animation et d'action cohérent pour l'activité pédagogique considérée.

Dans cette phase, la démarche paraît unilatérale. La convention est rédigée seulement par l'office. Les conditions n'arrangent ni les associations anciennes ni les associations nouvellement créées.

En matière de patrimoine et inventaire, l'article 8 précise que les deux parties, à savoir le directeur de l'office et le responsable de l'association procèdent à l'établissement avant et après la conclusion de la convention d'un inventaire mobilier de l'établissement de jeunes dressé contradictoirement. Comme ils fixent la durée de la convention conclue estimée de point de vue réglementaire à une année renouvelable. Quant aux frais d'adhésion mentionnés dans l'article 12, la disposition mérite un débat éclair. Une contradiction est foncièrement soulevée. Car, ce n'est plus l'assemblée générale de l'association qui décide du montant d'adhésion comme stipule la loi du 12 janvier 2012 relative aux associations, les frais d'adhésion doivent être conformes à la réglementation en vigueur régissant les établissements de jeunes. Une ambiguïté juridique !

Aussi, on relève, au terme de cet arrêté, une incohérence au niveau des responsabilités mal définies, l'inventaire est dressé par le directeur de l'office alors que la convention est signée conjointement par le directeur de l'établissement de jeunes et responsable de l'association.

Nonobstant, toute association est de point de juridique une structure qui fonctionne avec un organigramme, le président qui est habilité à signer tout document relevant de l'association, ou bien chacun sa propre compétence, ici le trésorier engage sa signature puisqu'il est chargé du patrimoine et l'inventaire fait partie. Donc, qui est responsable ?

Entrée en vigueur de la convention : des passages à niveaux à surmonter ?

La convention devient exécutable lorsque une panoplie de mesures est accomplie, on cite la signature par les deux parties concernées de ladite convention, accord préalable du conseil d'administration et celui du comité pédagogique de l'établissement de jeunes pour le projet pédagogique présenté, son approbation par le directeur de la jeunesse et des sports de wilaya et enfin sa notification à l'association concernée, voire la mise en œuvre de la convention qui interviendra dans un délai d'un mois à compter de la date de notification contenue dans l'art. 10.

Outre des passages à niveaux à surmonter à partir de la cosignataire, le double accord supposé, une approbation et la notification à sens unique, si l'association temporise l'entame de l'exécution, y a-t-il une conciliation ?

La convention : cas de dysfonctionnement, inexécution de l'Ods et résiliation unilatérale :

Si l'association ne mettra pas en œuvre son projet pédagogique ou activités pédagogiques dans le délai réglementaire suite à la notification, voire un délai d'un mois, l'office, lui, adresse une mise en demeure de 48h, à l'expiration de ce délai, l'office peut prononcer la résiliation.

Cette résiliation peut provenir également devant deux situations conflictuelles : primo, si l'association n'a pas obtempéré à une mise en demeure de l'office, après la constatation d'un manquement à ses engagements. Secundo, si l'association gère les activités pédagogiques dans les conditions déférentes à celles prévues dans la convention.

Néanmoins, la décision finale d'entériner la procédure de suspension ou résiliation unilatérale est prise par le directeur de la jeunesse de wilaya sur rapport dûment établi par le directeur de l'office. Aussi, au sujet de la notification de l'Ods, la décision de résiliation ou suspension est notifiée par la DJS au responsable de l'association, qui est susceptible d'un recours auprès du MJS dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de la notification.

Considérant cette clause contestable, c'est que ni l'association, ni l'office, ni l'établissement de jeunes sont juridiquement responsables sur la convention, avant ou après la signature ou durant sa mise en œuvre. Ici, le directeur de l'office ou le responsable de l'association sont désengagés dans la responsabilité des actes relatifs à l'inexécution de l'Ods, résiliation unilatérale de la convention, la mise en demeure; on trouve l'administration et l'association qui se sont engagées. Donc, il s'agit d'une fuite de responsabilités. Qui fait quoi ? Qui est responsable devant telle ou telle activité ? Qui est l'interlocuteur principal dans tout acte concernant la convention ?

Dans ce document juridique, l'association est présentée toujours comme une personne morale mineure, forte de ses compétences ou victime de son défiance temporaire contrairement à l'office qui est présenté comme seigneur scrupuleux, aucune solution à l'amiable comme rétablissement de la situation conflictuelle n'est prévue à sa faveur.

Collaboration (in) effective de l'office : positionné en qualité de partenaire, l'office se propose, outre les restrictions du champ d'action du prestataire, d'apporter son assistance en matière : matérielle, pédagogique, technique nécessaire permettant à l'association d'œuvrer à la réussite de son projet éducatif et/ou d'animation et d'action et de lever les contraintes susceptibles de perturber leur déroulement. Comme il reste éveillé quant au droit de regard, suivi, durant la convention, l'évolution du projet ainsi que l'état physique et fonctionnel d'équipement et matériel mis à la disposition de l'association.

L'office peut suspendre la convention si l'association transgresse ses obligations de façon répétée, et ce, après sa mise en demeure ou lorsque l'intérêt général ou une nécessité l'exige. Dans ce passage, la mesure est contestable. il s'agit d'un abus du pouvoir d'un partenaire; une ingérence, les concepts intérêt général, nécessité, transgressent ses obligations mais ne touchent pas aux droits du contractant, doivent être définis au préalable. Sur ce registre, on signale que la liberté d'action et d'initiative pour l'association est bafouée. Il est considéré, aux yeux de l'office, un appendice ou accessoire, ce mode conventionnel est qualifié de la sous-traitance, puisque la gestion déléguée ou la concession sont aussi des modes avec des mécanismes plus flexibles aux objectifs prédéfinis.

Contrôle de gestion des activités et/ou l'activité octroyée à l'association est effectué par les services compétents de la DJS de wilaya concernée : aucun référentiel préalable à la conformité ou post-évaluation.

Cette disposition, quoique bénéfique, objective et entame d'une évaluation, néanmoins, elle touche aux principes fondamentaux dans l'organisation et fonctionnement du mouvement associatif ainsi que les garanties constitutionnelles liées à la liberté de conscience, d'opinion, d'action, d'association du citoyen, garantie par la Constitution.

Disposée à remettre tout document ou informations liées à la gestion des activités octroyées, l'association est soumise au contrôle périodique. Ce contrôle prend comme référence la convention, document contractuel entre les deux parties concluantes dans ses segments relatifs à la réalisation des objectifs techniques, l'exécution des clauses de la convention, état des équipements et matériels mis à sa disposition. Si une irrégularité ou manquement est relevé par les agents de contrôle qui établissent un PV à cet effet, l'association, mise en demeure de lever les réserves dans un délai de 15 jours à compter de la date de la notification de la mise en demeure, est sujette à la correction conformément à la convention.

Ce qui est reprochable à ce texte juridique, hormis un seul et unique article 13 qui stipule une collaboration positive, d'autres clauses prévoient essentiellement la suspension provisoire, la résiliation, inexécution de l'Ods, la mise en demeure art. 10, 16, 18 et 19.

Modification et prévision d'un avenant et traitement en cas de litige

Toute modification de la consistance de la convention de base, les deux parties doivent être associées sous forme d'un avenant signé contradictoirement par les deux parties concluantes et approuvé par le Djs de wilaya respective. A l'expiration de la durée de la convention y compris l'avenant lié au délai prorogé, l'association est tenue de mettre les choses à leur état initial et enlever ses équipements. Enfin, c'est à l'avant-dernier article dans cet arrêté, le 27, une clause de compréhension et comportementale en cas de contestation, litige pouvant survenir à l'occasion de l'exécution ou de l'interprétation des clauses de la convention, les deux parties conviennent de privilégier les voies de règlement à l'amiable.

En conclusion, certes, cet arrêté intervient, paraît-il, à un moment où les structures de jeunes souffrent d'une léthargie et de l'insouciance des autorités et que les associations se manifestent par un savoir-faire capital et bénéfique au profit de la frange juvénile, mais comme propositions salvatrices pour pallier aux éventuelles contraintes, accorder une crédibilité et transparence à cette offre ainsi qu'attirer l'attention médiatique et mouvement associatif, le ministère de la Jeunesse et des Sports aurait mieux fait s'il avait lancé carrément un appel à candidature au profit d'une typologie d'associations, appuyé sur un cahier des charges dont l'offre technique et financière est distincte. Comme ce dispositif devrait, au préalable, associer les acteurs du mouvement associatif à cette démarche conceptuelle et multilatérale. Une réflexion commune !

*Dpgs en management de projets