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L'union sacrée face aux crises !

par Cherif Ali

Pointant un doigt accusateur en direction d'Israël, Abdelaziz Djerad, le Premier ministre qui intervenait lors d'une conférence commémorative du 60e anniversaire des manifestations du 11 Décembre 1960, n'avait pas manqué d'évoquer « des opérations étrangères visant la déstabilisation de l'Algérie ».

Une appréhension qu'il impute à des indicateurs réels et assez clairs aujourd'hui, « au vu de ce qui se passe à nos frontières » de par, poursuit-il, « les développements en cours dans l'espace maghrébin et africain entourant l'Algérie en termes de périls, d'instabilité et de guerres ». Et d'exhorter, en conséquence, les citoyens, la classe politique et les élites à « rester vigilants et d'œuvrer pour la préservation de la stabilité du pays et la protection des citoyens ».

- Et partant, œuvrer à la consolidation du « front interne » !

Il avait emboîté, ainsi, le pas à l'Armée nationale populaire qui a fait remarquer, dans le dernier éditorial de son organe de presse officiel El-Djeïch, « la détérioration de la situation régionale le long de notre bande frontalière et la menace que font peser certaines parties ennemies sur la sécurité de la région ces derniers temps ».

Et d'appeler les Algériens « à se tenir prêts à faire face à des menaces imminentes ». Aujourd'hui, nous sommes face à une situation conflictuelle difficile. Nous avons des conflits à nos frontières. En Libye, au Mali, il y a la tension permanente avec le Maroc : propos émanant de l'ancien diplomate Abdelaziz Rahabi qui a estimé que la présence de puissances étrangères aux frontières de l'Algérie est un élément qui conforte l'appel à la mobilisation de l'ANP.

- Tout le monde s'accorde à le dire, l'heure est grave

Décidément, 2020 est une « annus horribilis » ! Par la faute aussi et surtout des gouvernements qui se sont succédés ! L'Algérie déficitaire était soumise aux contraintes du FMI dans les années 1990. Elle est devenue un temps excédentaire et même créancière de ce même FMI. Elle redevient, aujourd'hui, à nouveau déficitaire non sans avoir entre-temps brûlé la chandelle par les deux bouts !

Ceux qui étaient aux manettes jusque là, prenaient un malin plaisir de mettre en garde la population, comme si cette dernière avait quelque emprise sur la politique énergétique du pays ; en parallèle, ils donnaient «vicieusement » l'ordre d'accélérer les recherches et d'augmenter la production, mais également d'entamer l'exploitation du gaz de schiste.

- Et au diable les générations futures !

L'Algérie d'aujourd'hui, tourne le dos au pays profond où les zones d'ombre font florès : 8 millions d'algériens vivent dans des conditions difficiles, voire misérables.

Les walis, pourtant, majoritairement «énarques » n'ont pas amélioré le développement local, encore moins créé de l'emploi et de la richesse ! Certains parmi eux se sont retrouvés en prison pour mauvaise gestion et corruption en attendant que d'autres délinquants « en col blanc » les rejoignent à El Harrach.

Les plus raisonnables parmi les experts, prédisent au pays exportateur de pétrole que nous sommes, des années insupportables. Il en serait de même concernant beaucoup de pays producteurs qui ont besoin d'un cours de l'or noir élevé, pour financer leurs dépenses, a affirmé l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) dans son dernier rapport.

Notre pays, selon les mêmes experts, a besoin d'un baril de plus de 100 dollars pour maintenir ses équilibres budgétaires et préserver sa position financière extérieure, sérieusement fragilisée par la diminution des rentrées du pétrole et du gaz, lequel gaz est indexé au pétrole et à sa chute.

Pour sortir de cette situation, Karim Younès, l'ancien président de l'APN estime qu' « il est urgent de battre le rappel de toutes les intelligences pour dessiner la voie de l'Algérie du siècle en cours, et dresser l'inventaire des nouveaux défis. Il évoque, entre autres, les 40 000 cadres supérieurs exilés au Canada dans les années 1990 et tous ceux, partis bien avant la décennie rouge, fuyant la vindicte des cancres, dit-il, accrochés aux postes de responsabilité ». Il est grand temps, s'il n'est pas encore trop tard, d'activer le chantier d'une nouvelle perspective, de redéfinir une stratégie de développement du pays, de le projeter dans le monde pour y tisser des relations internationales, y faire reconnaître nos atouts potentiels, assumer notre part dans la coopération et le partenariat avec les pays de l'Afrique, a-t-il ajouté. Moins optimiste, Abderrahmane Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque centrale d'Algérie, prédit : Si les pouvoirs publics ne changent pas de vision, l'Algérie ne pourra pas éviter le rééchelonnement, tout en mettant en exergue que le FMI n'est pas, comme on le croit, une institution financière mais plutôt un instrument de domination. Le FMI sert, selon lui, aux Etats-Unis à contrôler l'économie mondiale et soumettre les pays à sa volonté. La sphère dirigeante manifeste une espèce d'indifférence, singulièrement, effrayante ; des déclarations contradictoires émaillent la scène médiatique, des propos scindés entre ceux qui affichent un optimisme factice, en dépit de cette menace économique qui est à nos portes, et ceux qui exposent un pessimisme, réellement, tangible. En fin de compte, tous ces débats, donnent le tournis au citoyen lambda, qui pense que « l'Etat ne dépense pas trop, au regard de tout ce qu'il a réalisé jusque-là, mais qu'il se fait voler ! » ; il s'attend, néanmoins, à des perspectives difficiles, d'autant plus qu'il se perd en conjonctures, malgré les sorties optimistes des ministres les plus en vue du gouvernement, et en l'absence d'une communication officielle du Premier ministre sur le sujet.

L'heure est grave, disent les plus pessimistes d'entre nous, mais c'est à l'Etat qu'il revient de prendre les mesures qui s'imposent et à Abdelaziz Djerad de parler et d'affranchir la population sur ce qui l'attend. Il doit le faire, à la télévision nationale, pour rassurer les uns et les autres et leur dire, par exemple, qu'il est temps pour le pays « d'aller vers une économie de production, casser la dynamique routière, c'est-à-dire libérer l'investissement et l'initiative de création d'entreprises et stopper, aussi, la tendance à ?l'informelisation' de notre économie ».

À ce propos, il est intéressant de noter la remarquable sortie d'un expert qui a plaidé, dernièrement, pour l'élargissement de l'assiette fiscale, en encadrant le secteur de l'informel. Le préjudice causé par l'informel a été chiffré, selon lui, à 6000 milliards de dinars ! C'est une des solutions admises, à même de faire face à la réduction des recettes suite à la chute du baril de pétrole.

Ne pas collecter cet impôt, c'est rééditer l'exemple de la Grèce qui a payé cher son « laisser aller » en la matière.

La Turquie, contrairement à la Grèce, a réussi à s'extirper du poids du circuit de l'informel grâce à des mécanismes proactifs de recouvrement de l'impôt, des réformes macroéconomiques, notamment concernant les entreprises. Des politiques à prendre en modèles, selon certains !

Un autre expert, Abdelmalek Lamiri, pense, que les mesures prises par le gouvernement jusque-là sont isolées en ce sens qu'elles touchent, différemment les secteurs, alors que la solution passe par des décisions globales ; on ne peut pas, par exemple, développer l'agriculture si les autres départements ne suivent pas ! Ce qui nous amène à penser qu'il est plus que temps de revoir la composante de l'équipe ministérielle dont certains membres, pour faire dans le politiquement correct, n'arrivent pas à suivre la cadence et qu'il est temps pour eux de passer le témoin à ceux qui ont le potentiel pour relever les défis à venir.

Conflits aux frontières, bruits de bottes, déflation, récession, chômage accru et nouvelle tempête financière sur l'Algérie ne sont pas des menaces en l'air ! Le pays, en ces moments difficiles, a besoin de toutes ses énergies y compris celles de l'opposition qui peuvent, nous dirons même plus, qui doivent intégrer le prochain gouvernement. Personne, d'ailleurs, n'imagine un grand gouvernement où tout le monde se tiendrait, tendrement, la main pour le plus grand bonheur possible. Ce serait ridicule et même malsain, car la démocratie, c'est aussi la bagarre et l'alternance.

Dans l'urgence d'aujourd'hui, on pourrait admettre qu'il existe des choses plus urgentes et plus importantes que celles consistant à exiger, de manière aussi redondante que lassante, une période de « transition » ou des élections présidentielles « anticipées » !

Alors, peut-on, de là où nous sommes, espérer de ceux qui prétendent n'avoir d'autre sacerdoce que l'Algérie, ou ceux parmi les experts, les chefs des partis politiques et autres personnalités nationales, un sursaut comme celui consistant à « décréter » une petite pause dans leur chers pugilats, afin de permettre au pays de s'en sortir et aux, justes, réformes d'aboutir ?

Et passé le plus dur, le jeu de massacre pourra recommencer, gaiement !

Bien entendu, ce n'est pas facile, car cela revient, pour chaque camp, à brutaliser son aile la plus conservatrice. « Gouverner, c'est tendre jusqu'à casser tous les ressorts du pouvoir », disait Clémenceau, figure française de l'Union sacrée pendant la grande guerre, mais qui n'a jamais cessé de boxer, férocement, ses adversaires politiques.

Un bel exemple à suivre par tous les patriotes !