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Pourquoi le PDG d'ENI ne se dérange pas pour parapher un simple MoU

par Reghis Rabah*

(Deuxième partie)



La première hypothèse qui étaye cette arnaque est manifestement le fait que de nombreux exemples de la présence de l'ENI dans le monde ont montré que la justice italienne notamment le tribunal de Milan a toujours intervenu lorsqu'il dispose d'éléments pour venir en aide aux sociétés italiennes qui opèrent à l'étranger. On se rappelle de l'issue de la plainte de la communauté du Nigeria « Ikebiri » contre le groupe ENI qui opère dans son pays en 2017.

3-Les autres hypothèses

La cession en 2015 par le même groupe d'un gisement de gaz découvert au large de l'Egypte pour ne citer que ceux-là, alors pourquoi pas l'Algérie ? La deuxième hypothèse pourrait être liée au contexte même de cet accord. Il est passé durant la période d'Abdelmoumen Ould Kaddour lui-même coaché par Chakib Khelil qui avait un dossier de corruption au tribunal de Milan qui pourrait être monnayé avec un abandon des charges contre l'ancien ministre de l'énergie et son complice Farid Bedjaoui. En effet, le 20 janvier 2020, le tribunal de Milan en première instance a confirmé la relaxe de la maison mère ENI et de son patron Paolo Scaoni ainsi que Farid Bedjaoui, l'homme de confiance de Chakib Khelil lui-même blanchi. La troisième serait cette histoire de la réalisation du gazoduc sous une procédure accéléré qu'on veut lui collet un jargon ad hoc « fast track » alors qu'elle est un affolement et une panique de nombreuses multinationales présentes en Algérie suite aux événements du hirak qui a réussi à annuler le cinquième mandat de Bouteflika et précipiter la chute d'Ould Kaddour qui constituait leadership de leurs lobbies en Algérie. Il y avait d'abord ExxonMobil qui a décidé à surseoir à son installation en Algérie, la française Total qui a changé sa stratégie en multipliant les projets pour viser de prendre le monopole de l'activité pétrolière en Algérie enfin Anadarko qui s'est proposé en 2016 non seulement de développer les ressources conventionnelles mais de proposer de forer 1000 puits dans le gaz de schiste et prendre en charge toute la logistique, il suffit uniquement de lui créer un port-sec dans les régions à développer, s'est mise après le 22 février 2019 a céder l'ensemble de ses actifs d'abord à Chevron puis à Occidental Petroleum en catimini. Aujourd'hui, cette transaction est scellée mais les assets d'Anadarko en Afrique refilés par OXY à Total sont en cours d'exécution avec quelques difficultés en Ghana et en Algérie mais la crise sanitaire semble dissuader le groupe français.

4-Zoom sur la genèse de l'accord Sonatrach/ENI sur le bloc 403

Il faut rendre à César ce qui est à César, cette accord a été rendu public pour la première fois par une investigation du journal électronique « eboursedz » (11) qui a donné tous les détails des dessous de cette affaire qu'on tente aujourd'hui de présenter comme une « bonne affaire » soit un « exemple à capitaliser. » Ce site connu comme une plateforme crédible francophone dédiée à l'économie Algérienne, mais avec le temps s'est spécialisé dans le domaine pétrolier et gazier. Le rédacteur de l'article semble l'avoir fait avec ses tripes au point où il déroge au caractère informatif de l'événement pour le juger de cette manière « dans d'autres pays, le PDG de Sonatrach et les collaborateurs qui ont fait ces concessions, seraient jugés par la Cour d'assises. ». Qu'en est-il exactement selon les anciens responsables dont certains sont toujours en poste ? Cette idée a déjà émise par ENI en 2012 et même avant car l'italienne a toujours voulu valoriser son Asset du bloc 403, comme il y a eu une chute de production elle espérait récupérer les gaz très riches en liquides pour amortir ces investissements. EN 2007, Sonatrach avait prévu la mise en place d'un HUB gazier dans le bassin de Berkine, pour exploiter seule, en effort propre à partir de 2030, après l'expiration des contrats en association, tous les gaz associés y compris éventuellement les niveaux profonds (Cambro-ordovicien et Silurien) lors de la phase Blow Down, avec un profil estimé 20à 25 Millions de m3jour. En 2016 cette question a été encore soulevée par ENI, mais Sonatrach ne l'a pas prise en considération car elle était très préoccupée par le niveau de la récupération de Bir Rebaa Nord (BRN) et Bir Rebaa Sud. Ces 2 champs sont en principe concernés par le maintien de pression par injection de gaz miscible, il y a un volume de 20 milliards de m3 à récupérer. Ce projet ne nécessitait aucun investissement mis à part le pipe de 185 km et récupérer cette capacité en milliards de m3 qui vont servir à maintenir et sauver les installations de Menzel Ledjmet Est (MLE) qui sont en limite de fonctionnement et ce sont des gaz très riches en GPL et condensat dépassant les 180 grammes par m3. Sonatrach considérait cet investissement à partager entre Sonatrach et ENI comme au profit entièrement de l'italienne donc soit qu'elle prenne en charge son problème soit qu'elle abandonne le site et Sonatrach s'en charge seule en effort propre. En 2017, Ould Kaddour s'est conformé aux orientations qu'il a ramené dans ses bagages et poussé avec son équipe par cette euphorie de vouloir augmenter les recettes pétrolière en vendant le maximum de volume de gaz même au détriment du profil de production des gisements existants. Il s'agit de faire des recettes pour montrer une économie prospère et faire passer Bouteflika pour lequel il est venu. Il faut rappeler que même Anadarko entre 1999 et 2001 avait formulé une demande similaire pour la récupération du gaz du bloc 404 mais Sonatrach avait refusé car le mastodonte est partenaire certes, mais pas pour régler les problèmes techniques qui se posent individuellement aux multinationales présentes dans le territoire Algérien parce qu'elle a aussi ses propres soucis. Là où on est arrivé maintenant est qu'ENI va récupérer les gaz contenant les liquides avec les 3 blocs additionnels obtenus par cet accord dans le même projet qui lui permettra de recouvrir tous son investissement au détriment du trésor public Algérien. Est-ce vraiment là un exemple à capitaliser ?

5- Sonatrach a toujours occupé les terrains difficiles, sous pression lobbyiste

Le domaine minier hydrocarbures occupe une superficie de 1 553 588Km². D'un point de vue pétrolier, le domaine minier algérien des hydrocarbures est subdivisé en trois provinces : Est, Ouest et Nord. La province Est englobe les bassins d'Illizi, Berkine, Oued Mya et le môle Amguid-Messaoud. C'est au sein de cette province, où se trouvent les gisements géants de Hassi Messaoud (huile) et Hassi R'mel (gaz), que l'essentiel des découvertes d'huile et de gaz ont été réalisées jusqu'à aujourd'hui. C'est aussi cet endroit que visent les partenaires parce qu'il est sûr et à proximité des champs pétroliers géants (Near Fields) et des installations existantes (Near Infrastructure) Ceci arrange les affaires des partenaires et laissent la partie émergent (Emerging Play) et frontier (New Concepts) à Sonatrach. Ceci devait être confirmé par le premier responsable de Sonatrach son président directeur général, ensuite son vice-président qui était chargé de piloter avec les cabinets étrangers l'avant-projet de loi sur les hydrocarbures lors de son débat à la commission des affaires économiques, du développement, de l'industrie, du commerce et de la planification à l'Assemblée Populaire Nationale. (APN) (12) Ils ont démontré que Sonatrach n'a rien capitalisé, ni consolidé ni encore fertilisé en savoir et en savoir-faire pétrolier et gazier voilà maintenant plus de 5 décennies et demi d'exercice dans la prospection, la recherche, le transport, le traitement et la commercialisation des hydrocarbures pour finalement ignorer complètements domaine miner national alors que le mastodonte agissait en tant NOC (National Oil Compagny) pour le compte de l'Etat avec des cadres de très hautes valeurs. Ainsi on apprenait par cette équipe que Sonatrach avait investi 16 milliards de dollars entre 2000 et 2015 soit en moyenne un milliard de dollars par année mais les« résultats ne reflètent pas l'important volume des investissements engagés par le groupe » Tandis que les partenaires étrangers qui de 1986 à 2015 c'est à dire 29 ans ont investi 9961 millions de dollars seulement soit 524 millions de dollars par année, ont obtenu un résultat meilleur. Ces partenaires lit-on (13) ont contribué à faire passer les réserves en une décennie 1989-1999 de 3,47 milliards de tonne équivalent pétrole (Tep) à 5,12 milliards de Tep soit une augmentation substantielle des réserves de prés de 68%. En ce qui concerne les deux autres provinces, il s'agit de la province Ouest qui englobe les bassins de l'Ahnet, Timimoun, Béchar-Oued Namous, Reggane, Tindouf, Taoudenni et Sbâa. Cette province, essentiellement à gaz sec, suscite beaucoup l'intérêt des compagnies pétrolières. Quant à celle du Nord de l'Algérie, elle englobe les bassins du Sud- Est Constantinois?Melrhir, du Hodna, du Chélif, de l'offshore et de l'Atlas saharien. C'est au sein de cette province qu'ont commencé les premiers travaux d'exploration dès 1890, dans le bassin du Chélif. C'est aussi dans cette province qu'a été mise en évidence en 1948 la première découverte commerciale d'huile réalisée à Oued Gueterini. (14)

6- quelques données sur l'occupation de ce domaine

Près de 44% du domaine minier est en effort propre, soit 58 contrats de recherche en vigueur et 14 autorisations de prospection. La superficie occupée en partenariat représente 3% du domaine minier, avec 8 contrats de recherche en vigueur et deux autorisations de prospection. La surface occupée par Sonatrach est concentrée principalement à l'Assets Ouest (Bassin Tindouf Reggane Sbâa, Ahnet Gourara et Bechar Oued Namous) avec près de 56%, suivit de l'Assets centre (Bassin Amguid Messaoud et Oued Mya). Sur la période 1972-2018, la densité des activités sismiques terrain varie de 0,2 à 1,7. L'activité sismique est plus importante sur l'Asset Est et Centre. Elle est moins forte sur l'Asset nord. La densité de forage oscille de 82 à 5, l'activité est plus importante à l'Asset Est et Centre et moins forte à l'Asset Ouest et Nord. Sur la période [1986-2019] un total de 1 254 puits de forage ont été réalisés, dont 917 puits wildcats qui est un forage d'exploration effectué dans une zone où la production n'a pas commencé. Le nombre de forage réalisé durant l'année 2019 est de 72, dont 48 sont des puits Wildcats. Soit une diminution de 6% par rapport l'année 2018 (77 puits forés dont 68 des wildcats). Le nombre de puits forés en 2014, passe de 101 puits à 94 en 2015, pour atteindre 72 puits forés en 2019 après une légère reprise de l'activité en 2017. Sonatrach selon plusieurs spécialistes, n'a jamais connu tant d'échecs dans cette activité forage fortement capitalistique qu'en 2020. Ainsi selon les premiers chiffres, sur les 118 puits de développement prévus en 2020, 80 auraient été terminés et les 38 restant sont en cours de forage jusqu'au 31 décembre 2020. 46% seulement des puits ont débité e. considérés comme économiquement viables. 34% ont eu un faible débit, première dans l'activité forage à Sonatrach au prix moyen actuel, ils ne sont pas rentables. Le reste soit 20% ont été ratés portant ainsi le total non économique à 54%. Si l'on estime le cout moyen d'un puits de développement à 8 millions de dollars, la perte remonterait à 352 millions de dollars pour ces 44 puits de développement sans compter le manque à gagner en production au prix de 40 dollars le baril seulement qui pourrait monter à plus de 400 millions de dollars. En général, selon les spécialistes de la structure PED (Production-Engineering-développement) de Sonatrach, le taux d'échec de puits de développement n'a jamais dépassé 2 à 5%. En ce qui concerne la catégorie des puits d'exploration, sur les 70 prévus, 43 ont été forés et 27 sont en cours et n'ont pas encore donné de résultats. On estime selon plusieurs cadres un échec de 60% sur les forages déjà effectués. Pour eux, l'exploration n'a jamais dépassé 30% du moins les 5 dernières années. Au coût moyen d'un forage de 12 millions de dollars, en considérant que les puits qui n'ont rien donné seront les plus chers à cause de la multitude des opérations nécessaires à l'évaluation. Le coût de ce genre de puits pourrait atteindre 20 millions de dollars. On pourrait estimer la perte cette année 2020 dans cette catégorie à plus de 500 millions de dollars. La perte totale dans l'implantation des puits de forages toute catégorie confondue, pourrait atteindre facilement 1à 1, 250 milliards de dollars. Il a été relevé que techniquement les boues de forage endommagent les réservoirs alors qu'il fallait intégrer cette contrainte dans une modélisation multicritères dans la décision de forer pour une meilleure rentabilité des investissements

7- Où es est l'Audit, tant attendue par le Président de la république ?

Le président de la république avait ordonné un audit profond sur la gestion de sonatrach, suite à un constat réel alarmant, et attendait beaucoup de cette initiative, aussi, le Président de la république avait insisté sur l'expertise afin d'identifier de façon très précise toutes les causes ayant conduit à ce constat, et de sortir ainsi avec des propositions concrètes et urgente. Les promesses de Sonatrach , tant médiatisées en 2020 sur la relance effective de la production, sur le déploiement de la ressource humaine, sur le retour de l'investissement étranger, ne sont pas tenues. Il est évident que le bilan très décevant et très préjudiciable pour le pays ne pourrait d'aucune manière être imputé exclusivement à la crise sanitaire

Renvois

(11)-https://bourse-dz.com/sonatrach-eni-un-casse-qui-ne-dit-pas-son-nom/?fbclid =IwAR3pEtJzJ hMXtoOLu4sxZ NdPNJ _fCYlBUbnFbDljEiw X_XG-DnWsXD2c-GI

(12)-http://www.aps.dz/economie/96604-la-loi-sur-les-hydrocarbures-affranchira-sonatrach-des-contraintesreglementaires-et-fiscaleshttp://www.aps.dz/economie/96584-hydrocarbures-le-projet-de-loi-offre-plus-de-flexibilite-a-travers-les-differents-types-de-contrat

(13)-https://fr.calameo.com/read/000781596 b34b0fd74102

(14)https://www.energy.gov.dz/?rubrique =hydrocarbure#:~:text= Le%20 champ% 20 de%20Hassi%20 Berkine, mis%20en %20exploitation %20en% 201998.

Lecture complémentaire sur ce dossier

http://bourse-dz.com/sonatrach-officialisation-du-bradage-des-ressources/

http://bourse-dz.com/quand-eni-cede-sur-4-milliards/

http://bourse-dz.com/tpe-il-fallait-aller-au-bout-des-le-debut/

https://www.eni.com/en-IT/global-presence/africa/algeria.html

https://algeria-watch.org/?p=10197

https://www.algerie-eco.com/2020/03/02/sonatrach-eni-achevent-realisation-gazoduc-reliant-deux-champs-petroliers-berkine/