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Pourquoi un étranger pour évaluer le potentiel de notre domaine minier ?

par Reghis Rabah*

(Deuxième partie)



Beicip-Franlab est une compagnie Française spécialisée plutôt dans les études de réservoir et présente en Algérie quelques années après la création de Sonatrach qui a accompagné ce cabinet conseil dans toutes les transformations de sa forme juridique. Elle fait partie de l'Institut Français de Pétrole, Energie Nouvelle (IFPEN). Elle dispose en2020 de 160 consultants avec un établissement en dehors du siège social. Ils se disent, en parcourant les informations fournies sur leur site que ce cabinet est réputé « pour leur qualité technique, leur fiabilité et leur compétitivité. Depuis près de 60 ans, ils fournissent des solutions logicielles et de conseil de premier ordre dans l'exploration, le développement de réservoirs et de champs, l'optimisation de la production, l'optimisation des processus, les études intermédiaires-aval. Ils disposent de solutions de récupération améliorée du pétrole de pointe et d'une vaste expérience dans l'évaluation et le développement des ressources d'hydrocarbures non conventionnels (schiste et réservoirs étanches) Leur mission est d'aider les clients à prendre les meilleures décisions possibles. Alors que la crise Covid frappe industrie de la France, ils soutiennent leurs clients et comprennent leurs besoins et leurs objectifs. Ils les aident à trouver et à mettre en œuvre des solutions optimales à court, moyen et long terme. Le boom lit -on dans une note d'e-bourse de ce cabinet français « aura lieu entre 2009 et 2014 » (01) grâce à un lobby à l'intérieur même de Sonatrach qui a fortement contribué à sa promotion notamment dans l'activité Production-Engineering-Développement (PED).

1-Pourtant, Beicip- Franlab a validé la conformité pour l'achat d'AUGUSTA

Après la polémique autour de l'achat de la raffinerie appartenant à ExxonMobil Augusta située en Italie, l'équipe d'Ould Kaddour ont tenté de convaincre d'abord les pouvoirs publics puis l'opinion publique en général. Ils ont avancé le critère de la taille. Pour eux depuis la crise des subprimes de 2008, plusieurs raffinerie de moins de 5 millions de tonnes ont été fermées et reconverties en centre de stockage. Or, soutiennent ils, « la raffinerie d'Augusta, a une capacité de 10 millions de tonnes», elle dispose d'un fort rendement en carburant étant donné sa «complexité.(02) Plus grave, ils ont déclaré publiquement que cette raffinerie est « excellente pour traiter le brut Algérien : le Sahara Blend. »Son unité de craquage catalytique (FCC) dont l'objectif peut traiter le fuel résiduel de la raffinerie Algérienne de Skikda. Cette unité de craquage catalytique des fluides est un processus de conversion les plus importants utilisés dans le processus de raffinage du pétrole. Le but de l'unité de FCC est de transférer le pétrole brut lourd dans l'huile légère. Sous l'action de la chaleur et du catalyseur, il améliore les fractions lourdes et à point d'ébullition élevé de la distillation du pétrole brut en les transformant en produits plus légers et à plus bas point d'ébullition, comme le gaz de craquage, l'essence et le gasoil etc. Beaucoup de produits incluent l'éthylène, l'essence, le diesel, le diesel lourd, l'huile de boue et bien d'autres, pourraient être obtenus en employant ce genre de process. Il est prévu selon ces orateurs, de traiter jusqu'à 85 000 barils/jour de Sahara Blend à partir desquels on peut extraire toutes les essences et le gasoil dont nous avons besoin sur le marché intérieur et l'excédent sera mis en exportation sur le marché européen et asiatique. Tout cela précisent -ils grâce à l'expertise « unité par unité » et « process par process » fait par le cabinet conseil Beicip Franlab qui a conclu à sa fiabilité à 98,1 % et l'a considère comme la meilleur raffinerie « en terme de maintenance et économique en matière. La même équipe devait rassurer le conseil de la nation qui avait interpellé les responsables de Sonatrach que toutes les procédures « de due diligence qui sont d'usage dans ce genre d'opérations ont été respectées.» (03) (04) (05)

2- Toutes les informations contenues dans cette expertise se sont avérées fausses

Après la rumeur qui se confirme de jour en jour sur un transfert d'argent de Sonatrach Petroleum Corporation (SPC), la filiale du mastodonte à Londres pour compléter le prix de son achat, évalué en définitif à plus de 2,2 milliards de dollars, voila que l'Economiste Maghrébin dans sa livraison du 23 décembre 2019 nous apprend (06) maintenant que l'entreprise a été obligée de contracter des prêts faire fonctionner la filiale et, partant continuer à alimenter les frais d'Augusta qui est devenu un vrai gouffre financier. L'article cite Arab Petroleum Investments Corporation (ARICORP) qui vient d'octroyer un prêt de 250 millions de dollars à Sonatrach Petroleum Investment Corporation (SPIC). Cette institution financière précise que cette filiale de géant pétrolier Algérien utilisera cet emprunt pour financer la maintenance de la raffinerie sicilienne d'Augusta qu'elle vient d'acquérir et de payer au même temps l'achat du brut à Saudi Aramco comme matière première pour la faire fonctionner. ARICORP interprète son action comme un encouragement de Sonatrach pour « diversifier » sa base industrielle et « assurer un approvisionnement régulier de la raffinerie en pétrole Saoudien brut ». Il s'agit pour cet organisme financier « d'étendre sa présence géographique.» Or, l'objectif de l'achat de cette raffinerie en Italie était nous avait -on dit à l'époque qu'il venait en appoint au raffineries Algériennes pour faire face à la consommation nationale en produits pétroliers notamment l'essence et le diesel dont l'Algérie en importe pour y faire face. Le détail tel qu'il est livré par ce bailleur de fond consiste en un préfinancement bilatéral de 100 millions de dollars pour l'entretien « immédiat » du complexe Sonatrach dit Raffinerie Italiana en Sicile Italie. Quant à la deuxième partie sous la forme d'une lettre de crédit « syndiquée » de 150 millions de dollars réservée à l'approvisionnement de ce complexe en matière première lorsqu'il sera fonctionnel, peut être d'ici quelques années. Le directeur de cet organisme financier n'a pas caché l'objectif de ce financement qui est celui de voir Sonatrach poursuivre sa diversification et surtout son « expansion géographique par d'autres acquisition à l'étranger » de l'autre côté le directeur général de la SPIC confirme selon lui « la stratégie de Sonatrach de s'installer en recherchant les opportunités dans le « raffinage à l'international » le liant curieusement pour « pallier au déséquilibre dans les réserves pétrolières » Est-ce réellement ce que vise la stratégie de l'aval pétrolier dont le trésor à mis toutes ses trippes pour réhabiliter les raffineries en Algérie ?

3- Dés le départ cette affaire est mal partie

Au moment de l'acquisition de la raffinerie d'Augusta en Sicile, appartenant à ExxonMobil conclue en mai 2018, voici les informations qui ont été communiquées par le PDG de Sonatrach, Ould Kaddour par le biais du quotidien français « l'Echo » : « L'accord que Sonatrach vient de signer porte sur l'achat de la raffinerie d'Augusta, en Sicile, d'une capacité de traitement de 175.000 bbl/j (soit environ 9 tonne/an) et de trois ports où les tankers peuvent accoster pour charger ou décharger du pétrole brut et des produits pétroliers en Italie, plus précisément à Augusta, Naples et Palerme ainsi que de leurs systèmes d'oléoducs associés, offrant une capacité de stockage supplémentaire 565.000 barils de gasoil 309.000 barils d'essence. » Le projet ajoute t-il s'inscrit dans une stratégie de développement à l'étranger. Rappelons que de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer une arnaque aussi bien du côté Algérien que celui Italien et notamment la municipalité de la ville où situe cette usine. On apprendra plus tard et moins de quelque mois après qu'ExxonMobil avait trouvé des d'énormes difficultés de la vendre voilà plus cde 3 ans a cause de la vétusté des installations. Il a été prouvé que le propriétaire de cette raffinerie de 70 ans subissait une perte en consentant des sommes importantes pour la mettre en conformité avec les normes environnementales. Sans un examen minutieux du dossier par le conseil d'administration de Sonatrach et avec un accord du premier ministre de l'époque Ahmed Ouyahia, la transaction devait aboutir par un forcing sans livrer ses secrets. Durant sa conférence de presse, le président de la république actuel a affiché clairement son intention de jouer à la transparence pour toute transaction qui causerait des pertes au trésor public et il l'a fait puisque le dossier est entre les mains de la justice.

1-Quels sont les présumées pertes qu'une enquête pourrait déterminer ?

D'abord le montant réel semble être proche de 725 millions de dollars ce qui s'écarte du montant avancé pourquoi ? En plus il y a eu engagements de Sonatrach pour « casquer » immédiatement le montant pour décontamination des sols et la prise en charge des stocks de produits qui n'appartenaient plus à la raffinerie. Uniquement à ce niveau et sans prendre en compte les rumeurs d'un financement occulte à partir de filiale de Sonatrach dans les Iles vierges Britanniques, ce montant pourrait revenir à un milliard de dollars non compris les pertes d'exploitation et les investissements futurs dans la conformité environnementale. De nombreux experts, repris par la revue petrostrategie de janvier 2020 « l'usine achetée est structurellement déficitaire, c'est pourquoi Augusta n'a été maintenue à flot, depuis son acquisition, que par des fonds qui lui ont été injectés par Sonatrach, sans perspective de rentabilité. Lorsqu'elle a été acquise les promesses qui ont été faites étaient celles de limiter les importations de l'essence et du diesel pour faire face à une consommation interne qui a dépassé aujourd'hui 18,3 millions de tonnes dont 12,6 de gas- oïl, 5,3 d'essence et 0,4 de GPLc et qui a contraint l'Algérie à importer plus de 3 millions de tonnes annuellement de ces produits pour un montant avoisinant les deux milliards de dollars pour combler le déficit .Or, deux problèmes n'ont pas été pris en compte par cette expertise de Beicip-Franlab selon toute vraisssemblance à l'époque et sur lesquels ils doivent rendre des comptes aujourd'hui. Le premier est que la raffinerie d'Augusta a été conçue pour le pétrole brut de qualité moyenne et lourde, et non pour le pétrole brut léger du type produit par l'Algérie. En conséquence, ces bruts ont dû être achetés à des tiers, car l'usine ne pouvait pas traiter le pétrole algérien. Cette situation a été aggravée par le fait que Sonatrach s'était engagée envers ExxonMobil à ce que l'usine d'Augusta fournisse à cette dernière un volume donné de lubrifiants de base pendant une période de dix ans. En bref, le nouvel opérateur n'est pas libre d'exploiter les installations de l'usine selon ses propres besoins ou ceux du marché, la raffinerie devant calibrer ses installations pour respecter cet engagement décennal. Il faut signaler que pendant que ce forcing pour cette acquisition s'opère avec la complicité des dirigeants extraconstitutionnels, le secteur avait lancé et terminer un vaste programme de rénovation de ses raffineries dont le lancement officiel d'une nouvelle raffinerie à Hassi Messaoud. La réhabilitation toute région confondue a fait passer la capacité totale de raffinage de 29,9 millions de tonnes à 30,7 millions de tonnes donc un gain 3,7 millions de tonnes. Cette réhabilitation a fait passer aussi l'essence de 3 à 4, 6 millions de tonnes et le gas oïl de 7,8 à 9,3 millions de tonnes. Il est prévu résorber le déficit totalement d'ici 2024, date de la mise en route de la raffinerie de Hassi Messaoud. Maintenant l'achat de cette raffinerie devient plus un problème pour Sonatrach qu'une solution à la consommation interne en carburant. Pourquoi ? Le déficit en carburant ainsi réduit serait plus rentable de l'importer que de le raffiner à l'extérieur. Un tel traitement leur aurait coûté environ 15 $ / tonne et le transport aller-retour environ 12 $ à 13 $ / tonne, soit un total de 90 millions de dollars par an au début, diminuant au fil du temps jusqu'à ce qu'il disparaisse complètement en 2024. Calculé très approximativement, cela représente une charge de traitement maximale d'environ 400 à 500 millions de dollars, sur la période 2019-2024, soit moins de la moitié des coûts d'acquisition. De plus, il y a les pertes d'exploitation annuelles récurrentes. Toute la question à poser aux initiateurs de ce projet qu'une fois ce déficit de consommation complètement résorbé : qui voudra acheter cette raffinerie et à Quel prix ?

*Consultant, économiste pétrolier

Renvois

(01)-http://bourse-dz.com/beicip-franlab-reconquete-de-sonatrach/

(02)-https://www.djazairess.com/fr/lexpression/293047

(03)-https://www.lesoirdalgerie.com/actualites/baisse-de-la-consommation-en-2017-5070

(04)-https://www.djazairess.com/fr/lesoirdalgerie/1005070

(05)http://41.110.185.28/index.php?option=com_content&view=article&id =32984:sonatrach&catid=119&lang=fr&Itemid=514i

(06)-https://www.leconomistemaghrebin.com/2019/12/23/onatrach-petroleum-investment-corporation-obtient-deux-prets-250m/