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L'invisibilité

par El Yazid Dib

Il n'y a pas que l'absence du Président (Allah yachfih) qui cause des embrouilles dans le paysage national. Il y a aussi le suspens qui habite dans l'incertitude des proches lendemains. Vois-tu quelque chose ?

L'on ne peut parler d'invisibilité proprement dite lorsqu'on est en face d'un manque de visibilité. Comme pour un pays aux commande de sa trajectoire, malgré le balayage des essuie-glaces, du système de dégivrage, des feux anti-brouillard, l'horizon lui reste quand bien même obscur et brumeux.

L'on ne décode pas un écran éteint, qu'il soit noir ou blanc. L'on tente, cependant de le percer à fortes doses d'analyse. Mais lorsqu'il prend une densité intensément ténébreuse, nul instrument n'est capable de blanchir sa noirceur envahissante. Pas même des optiques branchées. L'on ne sait plus qu'est-ce qui se passe ou ce qui va se passer. Cette situation de blackout force chacun à bâtir une conception, une opinion sans toutefois avoir en maitrise les outils de la vérité. Où est le Président reste la première inquiétude d'un peuple qui ne cherche qu'à savoir son proche avenir.

C'est ainsi que devant une opacité politique beaucoup de gens, de canaux, de sites vont devenir des vraies sources officielles fonctionnant à la primeur de l'information. Tout le mal est là. C'est quand on laisse la place vide ou libre, que l'on s'apercevra qu'elle vient d'être occupée et l'on s'arrangera par la suite à coup de démentis mal en point et inutiles de vouloir l'effacer. Difficile métier que l'on attribue à la gomme.

Un système au pire de sa pathologie. Une société en pleine tourmente pandémique et qui se soucie peu de son sort, un peuple épars, presque absent ne vivant qu'à ses dépens. c'est cela le rythme auquel vont les jours. L'agenda national est pris en otage par le menu du virus, du destin de la république, de la maladie d'un homme. C'est si comme à l'arrêt d'un feu tricolore, toute la circulation s'arrête ou tergiverse ne sachant plus différencier les couleurs. Le terrible mal de l'incertitude. Ou pire encore si un vent souffle dans les hauteurs d'Alger l'on devient de si tôt tous fébriles. La politique est certes flexible et maniable mais manque d'actes déterminants. Elle tourne, elle titube et même, elle ne semble plus exister. Est-ce la simple image sur facebook d'un wali distribuant des bus ou des masques ou donnant « un coup d'envoi » à quelque chose d'insignifiant qui peut prendre la valeur d'un acte d'une gouvernance ? La même chose pour un ministre qui installe - par image de facebook- un directeur nouvellement nommé ou reçoit un visiteur qu'il qualifie d'important. Toutes ces parodies donnent l'impression que tout est visible, oui, tout est visible sauf l'essentiel. Ou va L'Etat ?

La crise est déjà dans les caisses du trésor, au goulot des puits. Les clairons s'ameutent au moment où d'autres moins audibles font dans la retenue du souffle et tentent de conserver l'espoir chétif . L'on force la croyance que l'on est dans l'attente d'un événement alors que tous les événements se ressemblent. Pas de renouveau. Pas de nouvel aménagement gouvernemental. Le sur-place fait des mousses et ne stimule point le besoin d'afficher la moindre espérance à revoir un regain des projets perdus. La faillite de l' ENIEM, les tours de justice sont des choses de la vie entre bien d'autres, le vaccin est une question de mort et de vie, mais la santé d'un Président est une affaire publique. Sa gestion garde également des zones d'ombre malgré l'effort d'un ministre de la santé que sa solvabilité tend à le mettre à décharge de quelques griefs et un ministre de la communication en défaut studieux d'informations.

La recherche d'une certaine hygiène politique n'était pas sans faire d'énormes dommages à plusieurs personnels hier en charge des affaires du gouvernement. Ceux qui n'ont pu, doucereusement accepter leur état, se trouvent dans l'anxiété ou à la merci de l'infarctus du myocarde, les autres sont confondus à leur sort judicaire. La liberté provisoire ou la prison. Voyez-vous, rien ne dure. Le pouvoir dans son essence, ses attractions n'a pas fait que créer des heureux, il a probablement suscité la création de malades et surtout de coupables.

En l'état la vie du pays est suspendue à cette clarté manquante dans la vision qui sangle l'échéance du retour présidentiel. Rien n'est ficelé en apparence quand tout apparaît comme étant complètement achevé, telle une feuille de musique millimétrée tenue en secret jusqu'à l'ouverture des ...plis. Il est fort probable que ce retour va l'être en toute normalité. L'on s'égosillera à dire que c'est normal tant que la norme chez nous n'est qu'un usage hiératique et non un résultat académique. A ce jour c'est le flou d'ensemble qui est le maitre de céans dans les firmaments divins. Ainsi aucune personne n'est censée avoir accès aux secrets des divinités terrestres. Seul le vœu, le simplisme et l'enthousiasme se tiennent en posture debout pour s'affirmer en d'authentiques prestidigitations prophétiques. Ces absences de déclarations officielles, partisanes, d'autres de présumées allégeances, des sites, des colportages, des ouï-dire essayent quand bien même de faire prendre leur caprice pour une vérité à l'assener mordicus au peuple. Attendons voir venir, semble être le sacerdoce de tout un chacun. Si c'est l'analyse qui s'érige en mécanique de disséquer une complexité, c'est aussi donc à la lumière de déloger l'obscurité, si toutefois le coupe-circuit est hors portée de mains. Mais par devant, à juste titre cette vague vision, tout devient permis. De la supputation à l'imagination, tous les scenarios s'érigent en eux-mêmes comme hypothétiques. Une certitude est potentiellement valable, le Président retournera au pays. Le comment, c'est la sempiternelle donne du système. C'est presque génétique, systémique et l'on n'y dérogera pas de si tôt. Car les questions les plus pertinentes qui s'observent ,s'articulent autour de : Où est le Président? Quand va-t-il rentrer ? Quelle sera la situation du paysage politique après son retour ?

Par ailleurs, c'est ce manque de visibilité qui facilite à certains voix notamment électroniques, de planter un panorama laissant apparaître que le Président sera en invalidité au moins pour huit mois. Fadaise, le poisson est trop gros pour être de la sorte avalé. D'autres affirment son retour imminent, usant d'un mauvais emploi du conditionnel (dans les heures qui suivent de ce lundi 07 décembre - selon un quotidien électronique national). C'est dire que ce genre de conditionnel frôlant la propagande ne travaille ni le Président, ni le peuple ni encore la crédibilité qui se perd d'un pays appelé à se relever. Il ne travaille non ni plus les forces démocratiques qui aspirent à un changement radical pacifiques, ni à celles qui désirent voir le chaos se réinstaller. Ce flou placé néanmoins par devant le pare-brise national est-il voulu sciemment et pour quelle raison d'État, le cas échéant ? Est-il Indépendant, involontaire et subi pour cause d'incompétence ? Difficile de concevoir une quelconque réponse suffisante. Seuls les approximations, les raconte-t-on, les déductions usuelles et autres ou ferveurs ou écœurements font guise de tentative de réponse.

L'histoire par son opiniâtreté tend parfois à se répéter. Dans ce chapitre de flouage d'images l'on assiste à des similitudes de situations entre la maladie de Bouteflika et l'absence de Tebboune. A la seule différence que Bouteflika avait sous-loué son cachet où des nominations, des décisions étaient prises et l'on sait par qui. Avec Tebboune tout est figé, en sursis. Pas de nominations, de décisions. Autre différence, hier la bataille se passait en haut lieu entre un EMG et un conseiller-président. Cette fois-ci, chacun est confiné dans son propre coin tout en ne pouvant laisser croire qu'il existe tout de même quelque chose qui se trame déjà. On ne laisse pas un navire en pleine houle sans commandement. L'éclaircie ne se voit qu'après le passage des nuages, la clarté ne se découvre qu'après l'envahissement des obscurités. Quelle que soit la longueur d'une nuit, la rétention d'une information ; le jour finira pas se pointer, la chose par se savoir.