Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le Hirak semble arranger les affaires des sociétés pétrolières

par Reghis Rabah*

Un gouvernement qui gère les affaires courantes, une actualité fortement centrée sur une crise politique en Algérie qui tarde de trouver son issue voilà près de 3 mois semblent arranger les affaires des multinationales notamment pétrolières qui multiplient les accords, souvent au détriment de la partie algérienne si l'on considère les aspects stratégiques pour lesquels le mouvement de dissidence populaire n'arrête pas de revendiquer hebdomadairement par un changement radical.

En effet, le géant Français Total qu'il ya à peine un mois «pleurnichait» du blocage du transfert de ses avoirs en Algérie par la banque d'Algérie, vient d'acquérir les activités Afrique d'Anadarko, suite à l'OPA lancée par Occidental Petroleum sur cette dernière. Cette information rapportée par le site DZVIDEO sous la plume de Khelil Ferhani vient de contredire celle donnée il y a un mois par un le quotidien français la Tribune. En effet, Chevron avait annoncé l'acquisition d'Anadarko Petroleum pour 33 milliards de dollars (29 milliards d'euros), ce qui devrait la propulser au deuxième rang des plus grandes compagnies pétrolières au monde et renforcer nettement ses activités dans le schiste aux Etats-Unis. Cette transaction, une des plus importantes dans le secteur pétrolier depuis de nombreuses années, se fera en actions et en numéraire. Elle reprendra également la dette de l'entreprise. Elle a pour objectif de renforcer Chevron dans le pétrole et gaz de schiste et le gaz naturel liquéfié (GNL), précisait la société et rapporté comme par hasard par l'agence Reuters. Elle investit massivement sur les sites australiens de GNL de Gorgon et Wheatstone et dans le Bassin permien (Texas, sud). La combinaison des actifs de grande qualité d'Anadarko et de son portefeuille renforce sa position de leader dans le Bassin permien, permet aussi d'étendre ses capacités dans le golfe du Mexique et renforce son activité dans le gaz naturel liquéfié. Rappelons que l'action Chevron perdait 2,79% à 122,50 dollars il n'y a pas si longtemps, tandis qu'Anadarko flambait de 32,01% à 61,78 dollars. Dans le détail, les actionnaires d'Anadarko recevront 16,25 dollars pour chaque titre détenu et 0,3869 action Chevron. Une telle proposition valorise l'action Anadarko à 65 dollars, ce qui représente une prime de 39% comparé au cours de clôture le mois dernier. L'opération se fait à 75% en actions et à 25% en numéraire et Chevron va également reprendre les 15 milliards de dollars de dette d'Anadarko, ce qui équivaut à une valeur d'entreprise totale de 50 milliards de dollars. Elle devrait générer quelque 2 milliards de dollars d'économies, dont 1 milliard en synergies, dès la première année suivant sa finalisation. Chevron envisage par ailleurs de céder pour 15 à 20 milliards d'actifs d'ici 2020 et 2022 afin de réduire sa dette et de choyer ses actionnaires en leur versant des dividendes et en rachetant ses propres actions. Ce mariage, qui aurait pu être finalisé au second semestre de cette année, doit encore être approuvé par les autorités de la concurrence, les conseils d'administration des deux entreprises et les actionnaires d'Anadarko. Il se trouve qu'entre temps, les choses ont évolué en faveur du français Total. En effet lit-on dans le papier de DZVIDEO «A court de cash pour cette acquisition et surtout pour surenchérir sur l'offre de Chevron Texaco sur Anadarko, Occidental Petroleum a du recourir au célèbre financier Warren Buffet et son fonds d'investissement Berkshire Hathaway qui a accepté de ramener 10 milliards de dollars d'argent frais»

1- Qu'est-ce que tout cela a avoir avec le secteur pétrolier en Algérie ?

Pour avoir intervenu à temps pour ramener du cash, Anadarko a promis au Français Total de lui céder son activité en Algérie, Ghana, Mozambique et Afrique du Sud en échange de la modeste somme de 8,9 milliards de dollars rapportés en frais. Total bien entendu, fortement aidée par le pouvoir politique vise par cette opération l'Algérie en premier lieu. Pourquoi ? Parce que cette opération lui permettra de prendre le monopole de la production pétrolière en Algérie au détriment de la compagnie nationale. En plus de sa position très confortable autour du GNL avec Sonatrach depuis la signature du complexe du steam cracking en 2018, le géant Français pourrait rajouter les 320 000 barils /jour que pèse l'américaine Anadarko à ses 140 000 baril/jour pour arriver pour arriver à une production de 460000 barils/jour. Une telle position lui donnerait un monopole de la production pétrolière et affaibli grandement la position de Sonatrach. Quand on connait les ambitions de l'ancienne puissance coloniale dans son ingérence dans les affaires en Algérie, le lecteur imaginera l'influence qui attendra la diplomatie Algérienne dans un secteur aussi névralgique que celui des hydrocarbures. Cette annonce à fait réagir tout de suite l'expert Mourad Preure dans sa page facebook pour alerter les pouvoirs publics qui semblent occupés ailleurs «Il est important que l'Etat algérien à son plus haut niveau prenne ce problème très au sérieux et s'entoure des meilleures expertises nationales et internationales pour le traiter. L'exercice du droit légal de préemption me semble indiscutable. Il renforce notre compagnie nationale Sonatrach et préserve notre souveraineté. Il serait très dangereux qu'un partenaire étranger, quelle que soit sa nationalité, atteigne des positions de monopole ou pour le moins dominantes dans notre secteur pétro-gazier. C'est une question stratégique de la plus haute importance. Sonatrach ne peut pas la traiter seule. Il faut une implication de l'Etat.»

2- Accélération ces deux dernières années pour affaiblir le mastodonte Algérien

Toute porte à croire que la crise politique dans laquelle est plongée l'Algérie ces derniers jours arrange les affaires des multinationales , «pressé d'octroyer les dernières affaires» à ses amis lit-on dans une dénonciation anonyme selon toute vraisssemblance de cadres supérieurs, honnêtes et soucieux de l'intérêt suprême de Sonatrach et de ce qu'il représente pour le pays. Ainsi après l'entrée en grande pompe d'ExxonMobil pour l'exploitation des ressources non conventionnelles, la création d'une joint venture pour la commercialisation des produits pétroliers sans compter la délocalisation du raffinage en Suisse en Cécile, le 13 mars dernier la société britannique Petrofac avait remporté un contrat de 1 milliard de dollars pour le champ gazier d'Ain Tsila. Selon cette source anonyme cela ne va pas s'arrêter là. Car cette société, s'est avérée la moins disante de tous les soumissionnaires dans l'appel d'offre de la raffinerie de Hassi Messaoud estimé à 4 milliards de dollars, tente à travers son lobby de peser de tout son poids pour le concrétiser avant les prochaines élections présidentielles de crainte du changement du management de Sonatrach. Il faut rappeler que cette entreprise, spécialisée dans l'ingénierie pétrolière et gazière est présente dans 24 pays dans le monde mais réalise les 25% de son chiffre d'affaire en Algérie.

3-Comment est-elle arrivée à cette performance financière en Algérie ?

D'abord par la même méthode qu'utilisent de nombreuses compagnies pétrolières en Algérie à savoir, la création de leur propre lobby en l'entretenant par le biais des versements des commissions et des pots- de- vin. Cette britannique est entrée en Algérie en 2000 dans le cadre du projet Ohanet comme soit disant un investisseur au moment même où le pays en recherchait pour booster le secteur des hydrocarbures afin d'augmenter ses reserves qui constituent sa principale ressource qui lui assure des recettes pour ses différents besoins. A peine quelques mois après, la compagnie australienne BHP Billiton a délégué Petrofac pour la réalisation de toutes les installations du champ d'Ohanet, dans le cadre du contrat à risque pour le développement du gaz dans cette région. Le montant forfaitaire de cette prestation était de 1 milliard de dollars. Petrofac détenait 10% de l'investissement de ce projet. Le champ de l'Ohanet a été reversé à la Sonatrach, suite à l'expiration du contrat en octobre 2011.En 2007, l'association Sonatrach/BP/Statoil Sonahess a confié à Petrofac, un contrat de 665 millions de dollars, pour la mise en place d'une compression de gaz à Krechba. Le 6 octobre 2008, Petrofac a été sollicitée pour la réalisation d'études pour le développement de gisements de gaz des champs de Tinrhert et d'Ahnet ainsi que ceux de Menzel Ledjmet Sud Est. Le gros lot durant cette période pour cette compagnie a été réalisé le 3 mars 2009, lorsque le groupement Berkine : Sonatrach/Anadarko, a confié à Petrofac, la réalisation en EPC des installations de CPF El Merk, pour un montant de 2.3 milliards de dollars. Le 11 avril 2011, la société In Salah Gas (ISG), une filiale commune entre Sonatrach (35%), BP (33%) et Statoil (32%), a attribué à Petrofac, le contrat de réalisation en EPC du projet In Salah Gas pour un montant de 1.2 milliard de dollars. Ce projet de développement des quatre (04) champs du Sud d'In Salah Gas, en vue de maintenir le plateau de production de gaz naturel à 9 milliards de m3/an. Le 31 juillet 2013, Sonatrach a signé avec le groupement Petrofac, un contrat de réalisation des installations de séparations et de Boosting d'Alrar dans la région de Stah à In Amenas pour un montant de 52.878.090.785 dinars, équivalent à prés 700 millions de dollars. 11 mois plus tard, soit le 11 juin 2014, le groupement Reggane composé de Sonatrach/Repsol/Rwe Dea Ag/Edison a attribué à Petrofac le contrat de réalisation des installations pour le projet Reggane Nord de la consistance en EPC des Installations de Surfaces, réseaux de collecte et de pipeline d'expédition pour un montant de 976 millions de dollars. Une année avant, son lobby qui a atteint le summum de sa puissance avait tenté d'imposer la création d'un Joint-venture entre Sonatrach et Petrofac. Mais la résistance des cadres du groupe pétrolier algérien avait repoussé cette tentative. Elle a profité du malheur de l'Algérie lors de l'attaque du champ gazier de Tiguentourine pour rafler un dédommagement de plusieurs centaines de millions de dollars pour avoir immobilisé son personnel pour un contrat non encore mis en œuvre.

*Consultant, économiste Pétrolier