Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

FICTION OU REALITE ?

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

La dernière enquête. Roman de Tabti Daho. Casbah Editions, Alger 2019. 157 pages - 600 dinars.



Une petit village quelque part en Algérie. Une brigade de gendarmerie avec tout juste ce qu'il faut comme personnel. Le chef, c'est Hassan, un adjudant-chef venu tout droit d'un ailleurs qu'il avait «fui», ne supportant pas les pressions multiformes des «potentats» du coin... et quelques hommes. Bref, une affectation des plus tranquille, malgré la chaleur et l'éloignement. Heureusement il y a les mots croisés découpés dans de vieux journaux.

Le héros, Hassan, est grand, brun, très athlétique, les cheveux noirs coupés en brosse, les yeux couleur charbon au regard doux qui devenaient durs comme de la pierre lorsqu'il se mettait en colère... Le décor est planté et ne manquent plus que les protagonistes.

Au début il y a une... femme... au physique agréable, cela s'entend. Elle vient déclarer («d'un ton calme et détaché») que son époux, parti pour «affaires»... avec une serviette pleine à craquer d'argent, a disparu depuis quelques jours...

L'enquête démarre suivant le protocole habituel de la Gendarmerie, je suppose : interrogatoire des proches, des amis, des voisins, des associés... des amis, des concurrents et des adversaires... le cafetier du coin, la maison de tolérance (si, si, ça existe (rait) encore !), le bar-restaurant de luxe du coin.

Comme tout bon policier (ou gendarme enquêteur) qui a «roulé sa bosse», il y a même des rencontres inattendues rappelant une «autre vie»...

Et, bien sûr, comme dans toute bonne histoire, il y a... la rencontre avec... la future femme bien-aimée. Le «coup de foudre». Car, j'avais oublié de vous dire que notre héros est... célibataire.

L'enquête va rapidement aboutir. Les coupables, car il n'y en a pas un seul, vont être assez vite découverts... Vous le saurez en lisant l'ouvrage et vous y découvrirez que le beau Hassan a enfin trouvé «chaussure à son pied». En tout bien, tout honneur.

L'auteur : Né le 22 janvier 1951 à Mascara. Diplômé en agronomie... exerçant dans le secteur agricole durant une dizaine d'années ; puis perdant par la suite la vue suite à une grave maladie. Très actif en matière d'animation culturelle (dont une participation active au ciné-club de la ville) et dans la vie associative. Premier roman.

Extrait : «Ecrasés par la chaleur torride qui sévissait depuis le début de l'été, le petit village de Garnine semblait désert. Et pour cause ! Tout le monde ici faisait la sieste. Y compris les animaux» (p. 7).

Avis : Un roman policier. Seulement et pas plus ? Pas sûr (car il décrit au passage la vie «normale» d'un village du pays profond) mais c'est amplement suffisant en ce temps de confinement où l'on s'ennuie ferme. On aimerait bien voir (et lire) souvent ce genre et ce style de littérature : clair, simple, sans grande prétention... mais utile pour nous créer (enfin) des héros modernes, jeunes, beaux... et utiles.

Citations : «Regarder un homme pleurer, fût-il une brute, n'avait rien de réjouissant» (p. 77).



L'impopulaire. Essai de Slemnia Bendaoud. Tafat Editions, Alger 2020, 150 pages - 500 dinars.



Jamais un homme politique n'a eu autant de «succès» médiatique auprès de l'opinion publique et de la presse... et de la justice que le ci-devant énarque Ahmed Ouyahia, un (ex-) grand «prince» de la politique de ces dernières décennies.

Il est vrai qu'il a réussi en près de trois décennies - à partir du début des années 90, devenu ministre puis chef de gouvernement, à amasser - dit-on - une fortune de plusieurs dizaines de milliards (des Cts de Da) et... une masse énorme de haine, de rancunes et d'envies (pour la plupart dissimulées, cela va de soi).

Il a, aussi, réussi le tour de force de voir - de son vivant - publiés, déjà, en plus des articles, études et analyses, plusieurs livres (Voir celui de Nasreddine Akkache, «Les coulisses d'une décennie algérienne, 2014, déjà présenté dans cette rubrique)... qui, bien sûr, le «descendent en flammes», au propre comme au figuré.

Vous avez en mains (si vous ne l'avez déjà acheté) le tout dernier-né.

L'auteur n'y va pas par quatre chemins. D'ailleurs, le titre à lui seul est annonciateur d'un contenu qui ne présente globalement que le «côté obscur» du personnage... ses qualités (comme la «volonté de réussir» et la grande «capacité de travail») sont vaguement évoquées et rapidement évacuées.

Bref, le «héros» a toutes les «qualités» (sic !) pour être impopulaire... tout particulièrement auprès de ceux qu'il a «dirigés» de près ou de loin... et qui, hier, avaient la courbette et le sourire en bandoulière. Rares ont été les «rebelles». Il y en eut... beaucoup l'ont payé assez cher, par des mises à l'écart ou pire... et certains ont échappé de justesse à la guillotine administrative...

Revenons à notre homme. Objectivement, le pouvoir était à sa portée... il avait tout prévu et tout calculé et peut-être même tout préparé (n'est-on pas «énarque», nom d'un... ), tout prévu... sauf un «imprévu» qui a tout remis en cause... : l'entêtement du pouvoir en place (et en fauteuil roulant), celui du clan Boutef', à briguer un 5ème mandat. On connaît la suite... un Hirak, avec l'apparition sur la scène de Son Excellence... le peuple... et le reste. Du palais d'El Mouradia au palais du gouvernement en passant par le club des Pins... puis au palais de justice et à la prison d'El Harrach. Grandeur et décadence !

L'auteur : Chroniqueur de presse, traducteur et auteur.

Extraits : «Sans Ouyahia, le système est en panne, orphelin de son âme» (p. 11). «Ahmed Ouyahia est un personnage très particulier, assez singulier, un peu inique. Vraiment unique en son genre ! Il n'est pas ce responsable qui cherche à plaire à son monde» (p. 15). Cette double attitude est devenue le propre de ces responsables politiques fourbes qui n'éprouvent aucune honte à jouer à ce jeu trouble dont ne tire aucun profit la société . Ils ont tous appris à changer d'habit et de rôle pour passer du bourreau à la victime et vice-versa, dans un climat de totale impunité» (p. 73).

Avis : Un essai au sens propre du terme. Frisant le réquisitoire et le pamphlet. L'auteur s'en défend, mais...

Citations : «Le pouvoir est comme une bougie. De loin, il illumine celui qui en est séduit ou qui exprime de désir de s'en saisir à la volée, d'y adhérer ou de s'y coller» (p. 12). «Donner au peuple de l'eau, du pain, de l'air et de l'ombre est-il suffisant pour le gouverner sans même le consulter sur des questions qui touchent, en particulier, à son quotidien, à sa liberté, à son statut, à son avenir et au devenir du pays ?» (p. 75). «S'accrocher au pouvoir rend fou. Ceux qui n'en sont pas encore fous, doivent-ils le regretter ? Sinon se considèrent-ils tous désintéressés du pouvoir pour que la flamme de le conquérir à n'importe quel prix les abandonne à jamais ? Ou alors sont-ils autrement fous que plus personne ne se rend vraiment pas compte de leur folie non apparente ? Ou encore subtilement dissimulée ?» (p. 122). «Qui a exercé le pouvoir connaît parfaitement la solitude de l'homme. La solitude de l'homme a pour matrice l'effacement de la sensibilité personnelle au profit de la mission du groupe aux commandes du pays» (p. 139).