Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Responsabilité morale, dignité et démission

par Zerrouk Ahmed*

Un être humain, une personne âgée, un Algérien de 75 ans est décédé le lundi 24 août 2020 vers 6 heures 15, suite à un malaise cardiaque, alors qu'il était dans une file d'attente devant un bureau d'Algérie Poste. Ce drame, cette perte d'un être cher pour la famille du défunt, interpelle chaque algérienne, chaque algérien, et exige des responsables d'Algérie Poste et du ministre en charge de la Poste d'être mis devant leurs responsabilités. Pourquoi ?

La réponse est aisée, l'Etat n'arrive pas à faire face à la question de la disponibilité des liquidités au niveau des bureaux d'Algérie Poste.

Ce problème de disponibilité de liquidités est récurrent. Devant l'ampleur de cette situation, ces deux (02) derniers mois, le Premier ministre a présidé le 28 juillet 2020 une réunion interministérielle.

Selon le communiqué des services du Premier ministre, la situation actuellement ne se pose pas en termes de disponibilité de liquidités, mais elle est plutôt la résultante d'une conjoncture tout à fait particulière liée aux impacts de la situation qui a provoqué un ralentissement de l'économie avec ses conséquences sur la circulation et le recyclage de liquidités.

En conséquence, le Premier ministre a pris cinq (5) décisions pour y faire face et les départements et services concernés ont été instruits à l'effet de les appliquer.

Le 29 juillet, une dépêche de l'APS répercute les déclarations du directeur général d'Algérie Poste, selon lesquelles le dispositif de coordination établi entre la Banque d'Algérie et Algérie Poste, sous la supervision du ministère des Finances, va permettre une mobilisation maximale de liquidités nécessaires au niveau des bureaux de poste.

Un article du Quotidien d'Oran, daté du 30 juillet, a rapporté les paroles suivantes prononcées le 29 juillet 2020 par le directeur général d'Algérie Poste dans une émission matinale de la radio chaîne 3 : « cette situation de perturbation » va être réglée dans les « prochaines 48 heures ».

Je crois qu'au jour du décès du citoyen âgé de 75 ans - ALLAH Yarhmou - ce délai de 48 heures était largement dépassé.

Par ailleurs et lors de la réunion du Conseil des ministres, le 12 juillet 2020, le ministre des Finances a annoncé que le pays pouvait injecter immédiatement pour l'investissement et la relance économique l'équivalent de mille milliards de dinars auxquels s'ajoute l'équivalent de dix milliards de dollars disponibles qui viendront s'ajouter aux économies susceptibles d'être faites sur les dépenses inhérentes aux services et autres études.

De ce qui précède, un constat amer et terrible s'impose à ce jour à cette question de disponibilité de liquidités, et les files d'attente devant les bureaux de poste sont réelles, évidentes et visibles pour chaque fille et chaque fils de notre chère Algérie. Et, les responsables du secteur comme les autres responsables de l'Etat ne peuvent être dans le déni de cette réalité qui décrédibilise l'Etat et ses institutions.

Pourquoi les décisions prises lors de la réunion interministérielle du 28 juillet 2020 présidée par le Premier ministre n'ont pas pu, plus d'un mois après, régler cette situation ?

Pourquoi le responsable d'Algérie Poste déclare le 29 juillet 2020 que cette question va être réglée dans les «prochaines 48 heures» ?

Pourquoi des citoyennes et des citoyens doivent se lever tôt pour prendre place dans une file d'attente devant chaque bureau de poste qui ouvre à 8 heures ?

Le ministre des Finances qui fait état de la disponibilité de mille milliards de dinars et de dix milliards de dollars, certes destinés pour l'investissement et la relance économique, mais devant les drames et ces files d'attente, notamment des personnes âgées, qui sont, de mon point de vue, une véritable atteinte à la dignité de ces personnes vulnérables, ne peut-il pas faire preuve d'initiative et d'imagination pour mettre à la disposition de la Banque d'Algérie et au profit d'Algérie Poste, le montant nécessaire pour faire face à ce problème de manque de liquidités et se faire rembourser ensuite ? Creusez vos méninges, trouvez une solution pratique !

Faut-il attendre une directive présidentielle pour que chacun s'agite et règle définitivement cette question ? Mesdames et Messieurs les responsables, vous avez des attributions, exercez-les. Mettez un terme définitif au calvaire, qui s'apparente à un acte inhumain, des citoyens devant les bureaux de poste (file d'attente sous le soleil et bousculade lors de l'ouverture des portes).

Faut-il attendre une instruction du président de la République pour faire ouvrir les bureaux de poste de 6 heures à 20 heures, par exemple, pour faire face à cette affluence exceptionnelle, exacerbée par le manque de liquidités ?

Faut-il attendre une injonction du président de la République pour faire bénéficier, à titre d'exemple aussi, d'une journée ou de deux journées de repos, en plus du repos hebdomadaire, les agents d'Algérie Poste qui exerceront deux (02) jours successifs de 6 heures à 20 heures ?

Faut-il attendre un ordre du président de la République pour que chaque responsable adopte une attitude et surtout une conduite responsable pour régler définitivement ce problème et ne pas se suffire des effets d'annonce, sans aucun impact ?

Enfin et avec cette perte d'une vie humaine, la dignité, le sens du devoir et surtout la responsabilité morale imposent la démission du ministre des Finances, du ministre en charge de la Poste et du directeur général d'Algérie Poste.

L'Algérie nouvelle, la République nouvelle doit faire émerger de nouvelles pratiques, une compétence, une abnégation et un don de soi dans la conduite des affaires publiques ainsi qu'un véritable sens des responsabilités où la sanction positive et négative est de rigueur avec un respect entier et effectif des citoyennes et des citoyens.

*Colonel à la retraite, ex-cadre / MDN