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Halte à la télé poubelle !

par Cherif Ali

L'expression télé-poubelle est un terme péjoratif et familier désignant l'ensemble des programmes télévisés jugés comme ayant une valeur culturelle moindre ou nulle par rapport à l'ensemble des émissions télévisuelles proposées (wikipédia).

De l'avis des observateurs, deux chaînes de télévision privées qui se sont illustrées par des émissions border line ont leur place dans la définition supra !

Les émissions qu'elles ont diffusées avaient interpelé l'opinion, partagée entre dépit et indignation.

La première, Echourouk tv, a invité une femme se targuant d'avoir trouvé un remède contre le virus, assimilé par de nombreux internautes algériens au tabac à chiquer; les animateurs se sont même prêtés au jeu du test en direct

La même chaine s'était déjà illustrée par une scène, diffusée dans son programme «Khat ahmar» portant le thème «Zawdji houwa djanati» (Mon mari est mon paradis), montrant une femme embrassant les pieds de son époux devant les téléspectateurs abasourdis.

La seconde, Ennahar tv a diffusé, dans le cadre du programme «Ma waraa el-djodrane» (Derrière les murs), un épisode consacré à la fuite d'une épouse du domicile conjugal, après avoir été victime de torture et de pression psychologique de la part de son époux. Ce dernier s'est présenté à l'émission dans l'espoir de la faire revenir au foyer, en essayant de profiter de la religion pour atteindre ses objectifs.

La diffusion de ce type de programmes qui font à la fois la promotion du charlatanisme et de l'obscurantisme, sans égard à la morale, ni aux valeurs qu'elles sont censées promouvoir signe, sans aucun doute, au-delà de l'audience recherchée, l'indigence culturelle et l'absence de professionnalisme qui caractérisent irrémédiablement ces chaînes «offshore», archétypes de télés poubelles.

Et à chaque fois, l'Arav, ce gendarme de l'audiovisuel, sous la pression de la réaction de l'opinion, les rappelle à l'ordre, mais sans pour autant pouvoir stopper ces dérives à répétition !

A l'heure où la course effrénée de l'audimat bat son plein, comment ne pas s'affoler face au flot de médiocrité déconcertant, déversé à la télévision, et qui ne cesse de se montrer sous ses formes les plus pernicieuses, notamment pendant le ramadhan !

A l'heure aussi de la tyrannie de l'audience, comment ne pas s'alarmer face à un tel degré zéro de réflexion au point d'en anesthésier, pire même d'en euthanasier toute pensée critique ?

Par ailleurs et dès que survient le moindre événement sur la scène politique, économique ou sociale, généralement gonflé à escient par certains journalistes-animateurs, on a le droit à tous les pseudo-connaisseurs du sujet !

Tout se passe en effet comme si les télévisions, surtout privées, se mettaient en devoir, en ces temps de crise politique, d'inviter «au pied levé», une ribambelle d' «experts» et de «stratèges militaires», officiers supérieurs en retraite en l'occurrence, choisis sur une short liste.

Tout le monde l'aura remarqué, des hommes plutôt que des femmes, censés, soi-disant, apporter au large public leur savoir et leur décodage des évènements.

On sait peu de choses sur ces «bons clients», inscrits sur les tablettes des présentateurs télé.

Pourquoi certains ont-ils la faveur des émissions ? Tandis que d'autres «ne passent pas» ?

Comment ces experts se servent-ils des médias qui les asservissent ?

Qui utilise qui, en définitive ?

Et fatalement, les chaînes en question, nous ressortent «ad nauseam» les mêmes experts prémâchés et prédigérés qui pullulent, dans les formations politiques, les universités, les institutions publiques et les syndicats, sans originalité ni épaisseur.

Et souvent ignorant tout de la thématique dont ils parlent en direct live !

Pour les responsables des émissions de débats, indiquait quelqu'un au fait du sujet, faire appel à ce type d'expert, habitué des plateaux c'est s'éviter par exemple de lui recommander qu'il devra arriver à temps pour passer par la loge maquillage ; c'est aussi lui rappeler qu'il doit bien se tenir, ne pas ronger ses ongles ou tapoter son micro cravate.

Un journaliste qui s'est penché sur la question a accusé les animateurs de se « repasser » ce type d'expert ou de consultant, avec le risque de les entendre ressasser ce qu'ils ont eu à dire sur des précédents plateaux de radio ou de télévision. Il y a aussi les routines journalistiques, la paresse intellectuelle et les réseaux affinitaires qui se nouent entre les journalistes et les experts, qui expliquent, pour partie, la défection des téléspectateurs.

Des experts de salon, disons-le sans ambages, loin de la réalité et qui se font passer pour des stratèges aux lieux et places des compétences avérées, celles qui ont côtoyé le monde extérieur et acquis ainsi, de solides connaissances et des expériences potentielles bénéfiques. Défenseurs de portes ouvertes, adeptes de la langue de bois, ces aspirants-experts-économistes-politologues, en herbe, ne manquent pas d'air, si l'on en juge par leur niveau d'audace.

Alors qu'ils n'ont pas vocation à le faire, ils n'hésitent jamais à donner leur avis, franco de port, face à la caméra, ou pour peu qu'on leur tende un micro. Généralement, ils manquent d'informations les plus élémentaires et les plus utiles à l'élaboration d'une vision claire des sujets qu'ils abordent. Ils ne disposent d'aucun élément pour en faire l'évaluation.

Qu'à cela ne tienne, nos experts traitent tous les sujets, de manière désinvolte, avec cette facilité déconcertante qui sied aux ingénus !

Il arrive souvent à ces experts de jouer de leur «expertise» pour surmonter leur frustration, régler des comptes et aussi et surtout faire passer leur opinion politique !

Tel que distillé, leur avis et c'est là que réside le danger, peut être perçu comme le sentiment prédominant dans notre pays voire même, comme la position officielle. A ce sujet, gardons toujours à l'esprit, que ces gens là, heureusement minoritaires, interviennent souvent en direct sur les ondes radios et les canaux de télévisions étrangères, et l'impact de ce qu'ils avancent, comme analyses, affirmations, fake news, ou éléments de langage redondants, se paye cash.     

Ces experts n'occupent-ils pas le vide laissé en la matière, par ceux qui sont sensés prendre en charge la communication, quelle soit officielle ou qu'elle participe de l'avis intellectuel et/ou scientifique ? C'est aussi une bonne question. Car, ce que l'on a retenu de leurs interventions passées, outre la langue de bois, c'est l'indigence du discours développé, tenant de la discussion de bureau ou du café de commerce, entre potes et collègues, où les mots fusent comme une logorrhée.

Tout d'abord pourquoi persistent-ils alors à faire des interventions très minimalistes, comme celles que font les personnes à court d'idées ?

Pour ensuite, se confondre en conjectures sur des thèmes divers, sans éléments en main, pour en faire l'évaluation ?

Ou, plus grave encore parler de choix stratégiques et sécuritaires, indûment ?

C'est pour sortir de leur anonymat, apparaitre à la télévision, épater leur famille et accessoirement se manifester auprès «de qui de droit», sait-on jamais, en cette période précisément !        Et la qualité de leur expertise se retrouve donc, clairement mise en cause !

Les experts à l'exception des consultants agréés viennent en général dispenser leur savoir gracieusement. Certains ne sont pas désintéressés pour autant s'ils venaient à faire la promotion de leur dernier livre. Ce qui arrive rarement chez nous ! Aux avocats, médecins et autres professions libérales, le label « vu à la télé » permet de rabattre des clients. Aux autres, l'exposition de leur personne peut booster leur carrière.

L'autre motivation, au contraire, est nombriliste selon les spécialistes qui précisent que «se faire voir à la télévision est un plaisir narcissique dont il ne faut pas avoir honte à condition d'en être conscient pour ne pas s'égarer» !

Pour en finir avec ce sujet, citant ce réalisateur de télévision qui, pour justifier la présence d'un politologue souvent invité sur les plateaux-télé a dit de lui qu'outre ses connaissances avérées, il a aussi une qualité rare : « il se tait quand il n'a rien à dire » !

Et aussi cette blague qui court sur les experts et autres stratèges catholiques : Ce sont des gens qui en connaissent énormément sur très peu de choses, et continuent à apprendre de plus en plus, et de moins en moins de choses.

De ce qui précède, les télés privées avec leurs programmes sans fond, sans but, sont destinées seulement à scotcher le téléspectateur dans son fauteuil pour pouvoir le lobotomiser l'espace d'un temps, tout en l'inondant de fake news, sans fondement !

Peut-on conclure pour autant que la télé poubelle rend idiot ? Oui, c'est maintenant prouvé scientifiquement (France Soir).