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«Le coronavirus est une bénédiction salutaire»

par Hadj Ahmed Bey

En ces époques sécularisées fascinées par la quincaillerie technologique, la disparition des prêtres - depuis des temps immémoriaux jusqu'à il y a peu, préposés aux oraisons et aux extrêmes onctions - a laissé place aux processions des médecins qui envahissent les journaux et les plateaux de télévision depuis le mois de mars. Le Pr Éric Caumes, chef du service des maladies infectieuses à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, dans une interview au Parisien (ce dimanche 02 août) a eu une « idée de génie ».

Cet infectiologue émérite estime impossible d'imposer aux jeunes de 20 à 40 ans de porter « le masque partout », ou de « leur interdire de se rassembler, surtout en plein été ». « Le problème, c'est que l'on court toujours après l'épidémie au lieu d'anticiper. Ce virus est visiblement trop intelligent pour les Européens, à l'exception des Allemands », dit-il.

Faute de pouvoir interdire les comportements à risque des jeunes, il propose d'opérer un revirement acrobatique à 180° qui a donné le vertige à nombre de ses collègues. « Ce n'est peut-être pas politiquement correct, mais je pense de plus en plus qu'il faut les laisser se contaminer entre eux. »

1.- Entendons-nous bien : « Laisser les jeunes se contaminer entre eux », c'est accepter qu'ils meurent. Et ils mourront en grand nombre. « Les jeunes peuvent aussi avoir des formes graves... », reconnaît pourtant le professeur avec un cynique confondant.

Appelée par BFMTV à réagir à ces déclarations, l'épidémiologiste Catherine Hill a estimé que laisser les jeunes « se contaminer entre eux » était « une extraordinaire mauvaise idée ». « Une idée catastrophique » « C'est une ignorance complète des relations entre les gens, dans la ville, dans l'espace. Les gens de moins de 30 ans vont croiser des gens de plus de 30 ans (...) Cette histoire ne tient pas du tout la route. Il faudrait que l'on vive dans des mondes étanches, avec étanchéité en fonction de l'âge, c'est complètement fou (...) Les gens jeunes rencontrent des gens de tous les âges tout le temps ». (Huffingtonpost 02 août 2020)

L'OMS avertit de manière très claire : « Nous l'avons dit et nous le redisons encore : les jeunes peuvent être contaminés, les jeunes peuvent mourir, et les jeunes peuvent transmettre le virus »

La proposition de E. Caumes est d'autant plus surprenante que les « savants » ont fait depuis le début de cette malheureuse affaire, la démonstration de leur connaissance limitée du virus et de l'évolution de la pandémie. Ce qui amené les politiques qui les ont écoutés à des décisions qu'ils ont regrettées.

2.- Ce chef du service des maladies infectieuses le reconnaît encore : Les jeunes deviendront « un réservoir de contamination et on se retrouvera avec une épidémie ingérable. Ne les stigmatisons pas, disons-leur de respecter les anciens. » C'est pourquoi il leur pose une condition : les jeunes ne devraient pas voir « leurs parents ni leurs grands-parents ».

Il se résout donc à accepter qu'ils se contaminent entre eux parce qu'il serait illusoire d'espérer leur imposer quoi que ce soit et cependant il leur pose des conditions qu'il espère les voir respecter.

Qui est naïf ?

3. Cette sommité médicale semble savoir parfaitement ce qu'elle fait. Elle contribue à sa manière aux politiques libérales darwiniennes conduites par la Grande Bretagne de Johnson, l'Amérique de Trump ou le Brésil de Bolsonaro qu'ils veulent imposer à tout le monde depuis le début de la pandémie. Ils appellent ça « l'immunité collective ». De quoi s'agit-il ?

L'immunité de groupe serait obtenue au-delà d'un certain seuil (70%) par l'infection naturelle ou par la vaccination. Et comme il n'y a encore ni traitements ni vaccin... On imagine le sort des 30% qui ne sont ni rescapés sans séquelles, ni asymptomatiques.

L'immunité collective, en l'état actuel des connaissances, est un mythe qui ne protège personne, sinon peut-être les privilégiés confortablement installés dans des cocons dorés, loin de tout, à l'abri des mauvaises rencontres, immunisés depuis le berceau contre la mauvaise fortune et les aléas épidémiologiques.

Il n'aurait qu'un objet : hâter le retour au labeur des travailleurs, préserver les intérêts économiques et financiers des possédants et cesser le « gaspillage » par le financement public des « chômeurs partiels », les payer à ne rien faire en endettant la collectivité, c'est-à-dire ceux qui se posent comme les uniques et authentiques créateurs de richesses.

Pour éviter cette dilapidation de précieuses ressources, il suffirait, comme le préconise notre professeur, de faciliter la diffusion des virus au lieu de la contrarier. Ce qui aurait dû être fait depuis le début au lieu de ruiner la nation en confinant tout le monde.

Laissons de côté les libertaires et les foules égarées qui manifestaient à Berlin ce 1er août et écoutons ce qui se chuchote derrière les murs de ces sociétés vertueuses et exemplaires.

« L'immunité collective est une œuvre de salubrité publique qui permettra de délivrer les hommes en quête de légitime sécurité, liberté et prospérité de toute une foule de parasites :

« - Des vieux « improductifs qui coûtent cher à la sécurité sociale. Surtout les vieux indigents qui encombrent les hôpitaux, les services d'urgence et abusent de l'esprit charitable des honnêtes gens. »

« - Des pauvres « qui ne servent à rien et qui embouteillent les services sociaux et les rues. »

« - Des chômeurs qui rechignent à travailler, ces écornifleurs qui ne songent qu'à vivre sur le dos des vrais créateurs de richesses »[1]

« - Des étrangers attroupés à plusieurs par logement qui ne produisent rien sinon des enfants en grand nombre, des délinquants en herbe qui menacent la paix publique des braves gens qui eux travaillent et aiment leur pays et ne vivent pas grâce aux aides sociales et aux allocations familiales »

« - Des prisonniers entassés dans leurs cellules, dans la crasse en compagnie des rats et des cafards, une populace de délinquants majoritairement étrangère qui coûte aux contribuables et que personne ne pleurera... sauf peut-être une cohorte éplorée de droit-de-l'hommistes en mal de causes porteuses »

« - Des malades mentaux au fond de leurs hôpitaux psychiatriques déjà zappés par les médias et dont la disparition fera des économies à des budgets dont chacun connaît l'état d'indigence et soulagera les familles les moins hypocrites ainsi soulagées de coûts, de peines et de pesantes obligations morales...

« - Enfin de toute cette multitude proliférante qui déborde de partout sur une planète exigu, ces milliards de crève-la-faim qui menacent de submerger le monde civilisé et qu'aucun Mur aussi haut soit-il ne semble pouvoir endiguer.

« Ces hordes manifestent bruyamment, renversent les statues, brûlent nos héros et veulent réécrire l'histoire en biffant les pages les plus glorieuses. Et puis quoi encore ? »

« La pandémie, une bénédiction ! Pas un malheur. »

« Cela fera de la place.

« On pourra enfin aller à la plage sans être piétiné par ces populos mimétiques qui étalent leurs profils et leur gras sur le sable, bousculent l'élémentaire décence et polluent le paysage.

« On pourra enfin visiter des églises et des musées sans être importunés par ces foules d'ignares bruyantes, irréversiblement incultes qui y vont parce que l'instituteur du coin a prétendu que c'était important pour la promotion de leurs chiards accrochés à leurs portables et qui s'en fichent.

« Cela aèrera l'environnement et fera taire ces écolos qui ne cessent de nous emm... avec leurs préventions et leurs alertes à la c... de nous culpabiliser avec notre empreinte carbone et les improbables et millénaristes futures fins du monde. »

Naturellement, il serait aussi absurde qu'injuste de faire peser sur les épaules de ce brave médecin le poids de tous les enchaînements logiques et cohérents qui précèdent, aussi excessives paraissent-elles, choquant les oreilles prudes et hypocrites.

En fait, il a allumé une mèche dont il ne soupçonnait peut-être pas la taille du baril de poudre qu'elle menace de faire exploser. Pris au piège à un spectacle médiatique auquel les corps médical a été exceptionnellement invité, il suggère tout haut ce que pensent, tout bas, certaines élites occidentales, Hautes Consciences et bien-pensants ainsi que la plupart des dirigeants de ce monde chargés d'administrer une « démocratie obsolète et mal digérée » qui leur fait obligation de « protéger et d'entretenir une foultitude de oisifs improductifs, protestataires et, tous comptes faits, malfaisants ».

La pandémie met au grand jour à la fois ce que les hommes ont de meilleur en charité, en dévouement et en solidarité. Un peu partout dans le monde des prouesses d'abnégations et de sacrifices ont été observées. Elle révèle aussi ici et là ce qu'habituellement la bienséance recommande de taire mais qui habite, honteusement dissimulées, des pensées et des actions exécrables entreprises discrètement derrière des discours convenus. Je recommande chaudement la lecture d'auteurs oubliés, comme Octave Mirbeau en son « Jardin des supplices », qui ont fait la peau à des idées de ce genre, à la mode sous une IIIème République où triomphaient le boulangisme, le colonialisme universaliste et l'antisémite.

Sous cet angle, le coronavirus pourrait être tenu pour une bénédiction.

Note

[1] Des entreprises américaines se sont plaintes que les aides aux chômeurs réduisent leurs capacités de négociation et perturbent un marché organisé de telle sorte qu'il demeure toujours à l'avantage de l'offre. Le président de la Réserve fédérale de Dallas, Robert Kaplan, a tenu à les rassurer : « Bien que cela ait pu compliquer l'embauche de certaines entreprises, cette aide a contribué à créer des emplois en contribuant à doper les dépenses de consommation, de sorte que l'effet net a probablement été positif pour l'économie de l'emploi. » (Reuters, lundi 03 août 2020). Avec quelle élégance euphémique ces choses-là sont dites...