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Le ministre qu'il faut, le gouvernement qui peut

par Brahim Chahed

L'art de gouverner c'est l'art de vaincre les difficultés ; l'art de vaincre les difficultés, c'est l'art de choisir les hommes selon leurs aptitudes : et cet art, c'est le secret de toute grandeur, c'est l'explication que donne l'histoire de l'éclat des plus illustres règnes. Emile de Girardin (Les pensées et maximes ? 1867)

Une nation se construit au fil du temps, se renforce avec le temps et s'affirme tout le temps. Elle se construit avec le concourt de l'ensemble de ses enfants, chacun avec ce qu'il sait faire de mieux et tous avec cette intelligence collective et cette générosité débordante. Elle se construit par tâtonnement, par superposition d'efforts, elle se construit sur les enseignements tirés des échecs et sur la confiance induite par les succès. Elle se construit par tous et pour tous. Elle se construit par le discours de vérité et par des actions réfléchies. En tout état de cause c'est les meilleurs qui participent le plus et c'est des meilleurs qu'on attend le plus. Dans tout les cas c'est les meilleurs qui représentent, et c'est les meilleurs qui sont appelés à agir.

Du problème de la crise de représentation que tout le monde s'accorde à poser avec acuité, nous nous préoccupons, tous, de la mal-gouvernance. Un bon gouvernement, un gouvernement ouvert et responsable, devrait être l'émanation des valeurs de tout le peuple et des attentes de chacun.

Un gouvernement est déjà un choix et des arbitrages ; le choix renvoie inévitablement au renoncement à tout le reste. Nous devons prendre conscience de la difficulté de choisir, de la difficulté de s'assurer de la justesse de notre choix et plus encore de la difficulté de convaincre les autres.

Il n'existe aucune garantie que le gouvernement des meilleurs soit le meilleur gouvernement comme il n'existe aucune certitude que les meilleurs fassent partie du gouvernement. Entre garantie et certitude, les questions de la volonté et de la sincérité deviennent des marqueurs indélébiles des actions menées par les hommes politiques, de leurs réflexions et de leurs convictions.

Le président de la République, dès son élection, a annoncé le début « de l'œuvre du redressement national » qui touchera tous les domaines et a courageusement, j'espère sincèrement secoué l'ordre établi.

En temps de crise plus qu'en temps normal, le semblant est la réalité et la réalité est le semblant sans suggérer la culture du paraître, le président devrait chercher surtout à recruter un grand communicant, au risque de commettre l'erreur grotesque mais monumentale de ne pas assez mettre en valeur le travail accompli, de ne pas réussir le pari de rassurer et d'échouer dans l'entreprise œuvrant pour mettre le peuple en confiance.

Un bon ministre devrait être choisi sur sa compétence et son investissement, sur sa capacité à gérer le présent en pensant à l'avenir, sur sa connaissance des rouages de l'administration et sur ses talents multiples. Un excellent ministre devrait être convaincu et efficace, sachant faire appel à l'expertise. Il devrait être ambitieux juste pour accomplir sa tâche. Un grand ministre devrait avoir beaucoup lu, écrit et réfléchi pour s'être forgé des convictions robustes, il ne devrait être ni complaisant ni indiffèrent.

Spinoza nous disait ainsi que les hommes se croient libres parce qu'ils ignorent les causes qui les déterminent. Mais choisir c'est aussi faire confiance à l'image qu'on se fait de soi, de l'image qu'on se fait des autres, de l'mage qu'on se fait des degrés d'engagement des autres.

Si l'on veut que les Algériens fassent confiance au gouvernement, celui-ci doit faire confiance aux Algériens et nous ne pourrons rien réussir, même pas à changer, un tant soit peu, le quotidien de nos concitoyens, si les responsables politiques n'arrivent pas à gagner et maintenir cette confiance.

Pour mériter la confiance des Algériens, les ministres devront toujours faire preuve d'intégrité, de respect des normes les plus élevées d'impartialité et prêter une attention constante aux attentes du peuple et un engagement continu. Les ministres doivent conduire les affaires avec honnêteté et exactitude et travailler de façon constructive et respectueuse les uns avec les autres. Si, pour être efficace le représentatif est tout naturellement composite, l'exécutif doit impérativement être homogène.

Les ministres ont également une responsabilité collective à l'égard des actions du gouvernement, ils ne peuvent s'y dissocier encore moins les désavouer. Cela signifie qu'ils doivent être prêts à expliquer et à défendre les politiques et les mesures du gouvernement et ils partagent la responsabilité collective d'exécuter le programme gouvernemental, en étroite collaboration et de façon solidaire afin que leurs objectifs soient pris en considération dans le contexte global.

Cette façon de faire garantit l'intégration et prévient les désaccords coûteux. La solidarité se matérialise par la coordination constitutionnelle grâce aux instances collégiales : Conseil des ministres, Conseil du gouvernement et autres réunions interministérielles ainsi que grâce aux procédures qui permettent au Premier ministre d'inscrire toute action sectorielle d'un ministre dans l'action collective du collège des ministres où les conséquences sont assumées collectivement.

Le moment est solennel, les enjeux historiques et les espoirs majestueux, alors l'illusion technocratique, la normalité surfaite et les espoirs vains de voir fléchir la contestation populaire sont autant de facteurs de risque d'échec que tout bon gouvernement devrait savoir esquiver afin de déployer ses actions et mener à bien ses chantiers. La pratique de l'intérêt général se vérifie par la lisibilité, la responsabilité et la réactivité. L'exécutif sait maintenant que, nouvelle pratique démocratique oblige, l'action gouvernementale est mise à rudes épreuves autant par les résistants que par les contrôleurs.