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La Palestine is my problem

par Ammar Koroghli

«La paix basée sur l'égalité et la justice passe avant tout par la fin de l'impunité d´Israël. Il faut un boycott politique, économique, sportif, moral à l'image de celui qui a fait plier le régime de l'apartheid» (Pierre STAMBOUL)

Un « plan de paix « ? Quel plan de paix ? Depuis belle lurette, le monde ébahi découvre que l'Amérique a élu un président autant fantasque qu'imprévisible. En matière internationale, demeure la récurrente question palestinienne. Un peuple privé de sa terre natale et historique. Israël ? Colonies tous azimuts et annexion de fait de Jérusalem. Et les USA -et l'Europe occidentale- n'arrivent toujours pas à réfréner ses ardeurs alors que, même en Israël, on a parlé d'apartheid. Pourtant, l'Afrique du Sud a plié sous la pression de ces mêmes pays. Pourquoi donc le printemps pour l'éclosion d'un Etat tarde t-il tant en Palestine occupée ? M. Trump pense t-il sérieusement contribuer effectivement à la résolution de cette question, alors même qu'il est sous le coup d'un impeachment dans son fief. Et, en toute vraisemblance, il vit d'ores et déjà l'angoisse d'une prochaine élection incertaine pour lui et son camp.

Retour vers l'Histoire

Rappelons-nous, tout commence le 2 novembre 1917. Un certain Arthur Balfour, ministre britannique des Affaires étrangères s'il en fut qui, dans une lettre ouverte, a pu écrire : «Le gouvernement de Sa Majesté voit favorablement l´établissement d´un foyer national juif en Palestine» (exit l´Argentine et l'Ouganda comme projet pour ce faire). Pour rappel, l´ONU adopta la résolution 181 partageant la Palestine en un État juif (56% des territoires pour seulement un tiers des habitants Juifs et le reste -48% des terres- pour les deux tiers d'habitants arabes). Ce, avec un statut international pour Jérusalem. Pour les Palestiniens, c´est la Naqaba, la catastrophe, la destruction de leur société et de leurs villages suivie de l´exil de la grande majorité de la population. Dès l'origine et à ce jour, les Palestiniens vivent la marginalisation, les discriminations, les assassinats «ciblés», la misère...Il s'agit tout de même de l´expulsion de tout un peuple de sa terre.

Et depuis plus d´un siècle, le sionisme applique la même stratégie : s'emparer des terres et institutionnaliser le fait accompli afin de marginaliser le peuple palestinien. Et pourtant en Palestine, et ailleurs dans les pays arabes du Machrèk comme du Maghreb, la communauté juive vivait paisiblement avec les Arabes de façon générale et les Palestiniens de façon particulière.

Peuple innocent, le peuple palestinien a été également trahi par les dirigeants des pays arabes. Ainsi, la guerre de 1948 a entraîné 800.000 expulsés (plus de la moitié de la population arabe de Palestine) et des villages entiers ont été effacés de la carte de la Palestine (plus de 500). Ceux qui ont pu échapper à l´expulsion forment aujourd´hui avec leurs descendants environ 15-20% de la population israélienne et vivent dans un Etat qui se définit comme juif en les ignorant superbement.

Cette duplicité (y compris des frères arabes) qui ne dit pas son nom continue. Il est vrai que l´Égypte a commencé dès le 1er mai 2008 ses livraisons de gaz à Israël. Elle s´engagea même à livrer 1,7 milliard de mètres cube de gaz par an à Israël au moment même où Ghaza, sous embargo israélien, n´avait pas d´électricité ! Et, en cela, M. Trump pourra dire qu'il ne saurait être plus arabe que les arabes eux-mêmes, sauf à dire que l'Amérique demeure encore l'un des rares pays sur la planète qui peut imposer la paix à Israël. Bien entendu, même en composant avec les groupes de pression agissant dans les sphères politique, économique et médiatique pour l'essentiel, le président américain bénéficie ès qualité d'une marge de manœuvre suffisante pour permettre une politique à même d'effacer définitivement cette injustice flagrante à l'endroit des Palestiniens.

Car ils continuent de souffrir le martyr du fait du sentiment de culpabilité des pays occidentaux sur lesquels un magistère moral est exercé en permanence par ces mêmes groupes de pression. Et, faut-il le rappeler, Israël reçoit une énorme aide de toutes natures des Etats-Unis (chaque année quelque cinq milliards de dollars) et autres livraisons d´armes ?

« Plan de paix » ?

Que peut M. Trump et que vaut son « plan de paix » ? Faut-il, en effet, rappeler que, de l'intérieur d'Israël même, des voix s'élèvent pour dire non à cette injustice et à l'impunité d'Israël ? Ainsi, ce qu'il a été convenu d'appeler les nouveaux historiens israéliens soulignent par exemple la responsabilité de Ben Gourion, entre autres, dans l´expulsion de plus d´un demi-million de Palestiniens. L'un d'eux, Ilan Pappé, dont l'un des ouvrages est paru sous le titre : «Le Nettoyage ethnique de la Palestine» ne manque pas de le souligner : «Quand la propagande israélienne répète inlassablement que «les Arabes sont partis d´eux-mêmes» à l´appel de leurs dirigeants, il s´agit d´un mensonge fondateur destiné à masquer le crime qui s´est déroulé, il y a 60 ans» (1). M. Trump peut-il adhérer à cette profession de foi ?

Certains journalistes israéliens ne sont pas en reste dans la dénonciation d'Israël, l'un d'eux écrit : «Deïr Yassin, c´est ce paisible village que les groupes juifs terroristes Etzel et Lehi avaient attaqué, le 9 avril 1948, en massacrant toute la population : hommes, femmes et enfants. Je ne rappellerai pas ici l´histoire sanglante des oreilles tranchées, des entrailles répandues, des femmes violées, des hommes brûlés vifs, des corps jetés dans une carrière, ni la parade triomphale des meurtriers» (2). M. Trump peut-il en dire autant ?

Et que dire alors de Sabra et Chatila ? De l'invasion du Liban et des massacres de Ghaza ? Alors, comment faire la paix dans ces conditions ? Si les présidents Bill Clinton et Barack Hussein Obama, présidents durant deux mandats pour chacun d'eux, n'ont pas réussi, comment M. Trump avec un prétendu « plan de paix »avec des propositions à l'emporte-pièce le pourrait-il ? Assurément, ce plan (car c'en est un) est un nouveau coup destiné à mettre fin à l'espoir non seulement des Palestiniens en tant que peuple, mais également de toute personne et de toute nation éprise de paix et de justice. M. Trump pourrait-il dire, à l'unisson, avec Pierre Stamboul que : «La paix basée sur l´égalité et la justice passe avant tout par la fin de l´impunité d´Israël. Il faut un boycott politique, économique, sportif, moral à l´image de celui qui a fait plier le régime de l´Apartheid» ? (3). Faut pas rêver !

Pour cette question de paix éminemment urgente (dont celle urgente de la Palestine), force est d'observer qu'à ce jour, la perspective de la paix n'a pas eu les résultats escomptés. Et sans aucun doute, même l'éventuelle réélection de M. Trump ne sera pas de nature à permettre la paix dans la région avec un Etat en Palestine ave El Qods comme capitale. Et pour cause, l'Amérique a été bâtie sur fond de violence à l'endroit des Amérindiens et des Noirs d'Afrique devenus des citoyens de seconde zone. Elle a été dans le malheur de nombre de peuples à travers le monde dont le Viet Nam, l'Irak, l'Afghanistan... M. Trump ne saurait l'ignorer. Il est vrai qu'en son temps, un auteur américain, William Blum, ayant gravité dans l'Administration américaine en qualité de haut fonctionnaire, a exposé lucidement les intérêts de cette administration, voire de certaines couches et individualités localisées et liées aux grandes sociétés pétrolières et au complexe militaro-industriel américain. Comment, dans ces conditions, croire aux plans de paix qui se révèlent être autant de stratagèmes et de plans de pure diversion ?

M. Trump cherche à nous divertir sur le dos de peuples ayant peu de moyens pour se défendre. De fait, en l'absence de contrepoids sérieux, crédibles et efficaces dans l'opposition à l'Administration américaine conçue comme une nouvelle Rome impériale, force est d'observer que celle-ci monopolise (pour combien de temps encore ?) la violence (armée, économique et diplomatique) à l'échelle planétaire sous le couvert de «mondialisation». Et, faut-l le rappeler, elle agit de façon fort belliqueuse depuis 1945 afin de mettre toutes les économies considérées comme périphériques, sinon à genoux, à tout le moins tournant autour de sa galaxie... Ainsi, pour atteindre ses objectifs, M. Blum nous rappelle que l'Administration américaine a été l'auteur de bombardements du Japon (bombe A sur Hiroshima et Nagasaki) et du Vietnam (un million de morts et vingt ans de destruction de ce pays). Elle a utilisé de l'uranium appauvri (qui est radioactif) lors de la guerre du Golfe, ainsi que des bombes à fragmentation (4).

In fine, il est certes louable de contribuer au règlement de la question palestinienne. Il s'agit là d'un devoir de la plus haute importance (notamment par ce qu'il a été convenu d'appeler l'Occident dont les USA sont devenus le fer de lance). Ce, d'autant plus que les Palestiniens -les Arabes, et les Musulmans également- n'ont pas de lobby qui oeuvrent pour leur cause. Ou si peu. Combien, en effet, la Maison Blanche compte t-elle de collaborateurs et autres conseillers Arabes et Musulmans ? Il y va de la crédibilité de la politique de l'Amérique et de son peuple dont on pourrait attendre un « printemps » et un hirak à même de secouer la conscience de ce pays pour réparer ses lourdes fautes historiques à l'endroit de mains peuples. Et donc soutenir également l'édification d'un Etat palestinien avec pour capitale El Qods, dans une région où Juifs et Arabes (Musulmans et Chrétiens) pourront vivre ensemble, libres et heureux dans une nouvelle Andalousie.

Notes

1/ Ilan Pappé : Le Nettoyage ethnique de la Palestine (Ed. Fayard, Paris).

2/Israël Shamir: Les chasseurs de vampires Jaffa, le 14 mars 2001 (cité par L'Expression du 12 Mai 2008).

3/Pierre Stambul : Il y a 60 ans, la Naqaba.

4/ William Blum : L'Etat voyou, éditions Parangon, cité dans ma contribution : «L'Irak : les leçons d'une agression» in El Watan du 6 avril 2008.