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Avec cran et détermination !

par Slemnia Bendaoud

La consécration n'est pas le seul prestige à conquérir dans une compétition d'une si huppée coupe continentale sportive. Elle n'est tout naturellement que le couronnement logique de nombreux paramètres et de beaucoup d'efforts à entreprendre à ce sujet. C'est comme une cerise sur un gâteau.

Celle-ci est dans le devoir de lui améliorer son goût, en sus du besoin de soigner son image et les apparences. Le manque d'un quelconque ingrédient peut à lui seul lui donner un goût d'inachevé. C'est la recette qui est en cause. Résultat de l'équation tentée : la fête ne peut être complète, dès lors que le récital du foot n'a pu être total. Il manquait ce petit quelque chose pour provoquer l'euphorie dans les gradins et devant les écrans de télé des férus de la balle ronde.

L'enjeu a tué le beau jeu

Le spectacle ne fut pas vraiment de très haute facture. Ce fut plutôt le résultat acquis très tôt qui l'avait éclipsé. Les joueurs ont eu leur coupe et le public attend toujours sa revanche. Le team algérien n'a certes pas eu la possibilité d'imposer à son adversaire du jour le style de son propre jeu, sa marque de fabrique. Il a plutôt intelligemment réussi à contenir celui en décodé de ce dernier cité. Il a su difficilement préserver un petit avantage pour définitivement s'emparer du sacre. Après la séduction, ce fut le hold-up parfait ! Les champions ont plutôt démontré leur capacité à résister à leurs adversaires qui voulaient revenir dans le match, après avoir mené très tôt à la marque. Car le but précoce dans pareille compétition a pour finalité de complètement changer la manière d'évoluer de l'équipe qui prend déjà option pour le titre. En revanche, il ne fera que davantage motiver et revigorer son adversaire du jour. Pour les férus du beau football, la fête ne fut pas totale, il y eut comme un scénario imprévu qui s'est imposé de fait, suite à cette heureuse réalisation algérienne. Cet avantage a plutôt crispé et grippé les capés du coach Djamel Belmadi. L'enjeu en était la véritable cause. Son évolution s'est faite au détriment du beau jeu. Préserver l'acquis leur intimait l'ordre de défendre crânement ce maigre avantage, à défaut de trouver la brèche susceptible de porter le groupe vers l'offensive. Ce fut un long repli du guerrier qui venait d'atteindre sa cible, sans jamais parvenir à l'achever. La victoire avait mis beaucoup de temps à pouvoir enfin se dessiner. Comme cueillis à froid, les Sénégalais se sont rapidement portés vers l'attaque. La douche froide venait de terriblement les secouer. Le but de la victoire en est d'ailleurs la principale illustration. Un hold-up parfait, au vu de l'ensemble du match dominé par les Sénégalais. Mais il reste qu'une finale, ça se gagne ! Et les Algériens l'ont bien réussie, trophée désormais en main. Leur cran, leur hargne, leur « grinta » et leur détermination ont su suppléer cette séduction qui manquait à l'appel au cours de cet ultime round. Leur brillant parcours ne s'est finalement pas terminé en apothéose comme à l'accoutumée ou souhaité, sur le plan de la qualité du spectacle fourni lors de cette finale. Ce qui ne les a pourtant pas empêchés de monter en vrais héros sur le podium. Cependant, dominer n'est pas gagner. Une leçon qui ne leur est désormais guère si étrangère. Et sur ce registre-là, ils ont été des plus réalistes. Ils ont su plier le match dès son entame, pour réussir après à vaillamment supporter tout le poids de la rencontre, depuis la 3e minute jusqu'à son coup de sifflet final. La sélection algérienne nous a montré un visage plutôt bien différent de celui que nous lui connaissions de tradition. Ses joueurs ont fait dans ce réalisme qui a relégué le beau spectacle au second plan. Il s'agit de ces particularités des matchs de coupe qui se jouent bien souvent sur un simple coup de dé : une balle arrêtée qui va au fond des filets, un penalty inespéré et transformé en but dans les temps morts, ou même un but marqué d'entrée de jeu comme dans le cas de cette finale et qui allait changer toutes les données de l'équation considérée.

Du but victorieux de Bounedjah au dribble inutile de Bensalah !

Dès la 2e minute, les jeux étaient déjà faits et la coupe avait, elle aussi, dès cet instant-là, jeté son dévolu sur l'équipe d'Algérie. Baghdad Bounedjah devait user de ce « sens inné de la réussite » que véhicule à souhait son nom patronymique pour tromper imparablement le gardien adverse, grâce à un tir contré qui fit un incroyable demi-cercle dans les airs avant de venir mourir au fond de ses filets. Dans l'ensemble, l'Algérie a fait un long et brave parcours d'un champion en puissance. En poule, ce fut un remarquable sans-faute. Lors des éliminations directes, elle a réussi à imposer son football de charme et très réaliste. Ce n'est qu'en finale qu'elle a plutôt laissé la manière à la maison et le spectacle dans les vestiaires. Nous eûmes droit à une équipe volontaire qui s'est substituée à celle pourtant très technique. La force de cette équipe réside dans son infaillible solidarité et utile complémentarité. Marquer très tôt pour rester ensuite très solide derrière demeure le secret de sa réussite. Ce match, décisif à plus d'un titre, ne fut sans doute pas le meilleur. Mais le titre dépendait de son seul résultat. Djamel Belmadi et son groupe ont réussi courageusement à le préserver. 88 minutes durant, ils ont lutté dur pour mériter ce second titre africain. Ce fut sans conteste ce but vraiment insolite qui mit très tôt fin aux débats. C'est grâce à ce succès étriqué que l'Algérie a obtenu sa seconde couronne, cette fois-ci en terre égyptienne. Entre la première consécration (1990) et cette dernière distinction (2019), il existe plusieurs similitudes qui ont leur prolongement au sein de l'arène du foot et en dehors de son terrain de jeu. Il y a, d'abord, le climat général de la situation du pays, ensuite l'état d'esprit des joueurs et de l'environnement sportif où évolue notre foot, et, enfin, le talent fou de toutes ces étoiles sportives qui grouillent de leur art sous la voûte céleste de cette terre de vrais combattants.

- Primo : dans les deux périodes considérées, le peuple algérien vivait une terrible effervescence et de profonds remous politiques; une sorte de renaissance dont le football en a été un détonateur assez fort et le catalyseur d'un appui conséquent, notamment durant ce mouvement social continu qui est encore d'actualité en ce moment.

- Secundo : l'état d'esprit des joueurs conjugué à un environnement adéquat ne pouvaient -ainsi réunis pour la même cause- que davantage les motiver à se donner à fond afin de marquer la Coupe d'Afrique de leur empreinte indélébile et de démontrer par-là à leurs adversaires, mais aussi aux leurs, qu'ils pouvaient être les meilleurs et jouer dans la cour des grands champions.

- Tertio : durant ces deux périodes très distinctes, le pays disposait d'une pléiade de joueurs au talent affiné et confirmé, tant à la maison qu'à l'étranger. Leurs entraîneurs furent deux Algériens, purs produits du football professionnel. Les deux ont réussi, chacun à son époque, le cocktail utile ?'joueurs locaux/joueurs professionnels'' qui a fait la force de leurs équipes respectives. Et même si durant cette ère si chère au regretté Abdelhamid Kermali les locaux étaient plus nombreux, il convient de souligner que Djamel Belmadi a su, à son époque, réhabiliter ces prodiges de joueurs talentueux ayant évolué au sein du championnat algérien avant de gagner d'autres cieux. La cuvée de 2019 avait notamment fait confiance à des garçons comme Boudaoui, Atal, Belamri, Bellaïli, Bensebaïni, Halliche, Doukha... Et ce n'est pas rien ! Car on y revient de très loin, pour avoir durant de longues décennies compté sur le seul produit qui nous arrivait des centres de formation français.

Deux arrêts sur image à très forte symbolique et un troisième qui nous propulse très haut dans les nuages

Il s'agit de deux buts algériens. Le premier fut l'œuvre de Riad Mahrez contre la formation nigériane, inscrit de manière admirable dans le temps additionnel. Tandis que le second a pour auteur Baghdad Bounedjah, unique réalisation lors de cette finale entre l'Algérie et le Sénégal. Chacun d'eux traduit une symbolique inédite dans son genre. Le magistral coup franc de Riad Mahrez qui a envoyé l'Algérie en finale fut un véritable but d'anthologie. Il est l'œuvre d'un nombre très réduits d'artistes de la balle ronde qui ont le secret de le réussir, comme s'ils catapultaient le cuir avec une précision inouïe dans ces endroits où il est quasiment impossible pour les gardiens d'aller chercher le ballon expédié avec une adresse imparable et une finesse incomparable. Sa symbolique est plutôt double. Pour sortir quelque peu du terrain de vérité, il importe de bien « déchiffrer » la signification « chiffrée » des deux acteurs qui s'apprêtaient à le transformer. Le public algérien en fera sur le champ une lecture purement politique pour sauver l'éthique, en prenant en considération les numéros de leurs dossards respectifs. Mahrez portait le numéro « 7 », tandis que Bellaïli affichait le « 8 ». Deux chiffres qui renvoient à deux articles-clefs de la Constitution algérienne. Ils ont pu avec brio débloquer une situation vraiment complexe pour ouvrir les portes de la finale à leur équipe. Le clin d'œil fait aux articles concernés de la loi fondamentale peut, lui aussi, en faire autant. Sinon bien mieux, au plan politique en faisant usage des mêmes numéros cités plus haut. Ce qui fut valable pour le foot peut-il l'être également au profit de la politique ? C'est ce que semble nous enseigner cette forte symbolique. Ses fins observateurs en sont, d'ailleurs, très conscients, eux qui ne cessent de toujours revendiquer leur mise en application. Quant au but de la victoire en finale, sa symbolique est d'un tout autre genre. Son auteur est flanqué du maillot numéro « 9 » et joue en pointe de l'attaque algérienne, tout comme d'ailleurs son aîné Chérif Oudjani de la sélection de 1990, lui aussi buteur lors de la finale de cette même année. Chérif Oudjani, flanqué de son numéro « 10 », libéra les spectateurs, en fin de match, durant ce mois de mars de l'année 1990. Tandis que celui de 2019 le sera dès l'entame de cette dernière finale, terminée, elle aussi, sur le même score. Leurs numéros respectifs collent parfaitement à l'indice final de l'année de référence de la finale où ils furent les seuls buteurs (le numéro « 10 » pour 1990 et le numéro « 9 » pour 2019). Il reste que la plus forte symbolique (la troisième) est véhiculée par ce vaillant et tout jeune entraîneur national, en l'occurrence, Djamel Belmadi. Son installation à la tête de l'équipe nationale fait suite à une revendication populaire. Il était venu mettre fin à une gabegie qui avait duré dans le temps pour devenir presque une tradition.

Ceux qui ont scandé haut et fort son nom avaient une idée très précise sur son truffé CV et les titres locaux et continentaux qu'il avait remportés, mais aussi un aperçu assez pointu sur le profil du technicien qu'ils recherchaient, depuis que le couple « argent sale et foot » avait versé dans cette sphère de corruption tentaculaire. Son prédécesseur y laissera à jamais le label de la star assortie de l'étiquette d'une vraie vedette. Ce fut ce coup terrible porté à cet art de dompter la balle ronde pour lui dicter toutes ces majestueuses trajectoires qui laissent pantois les défenses, les gardiens et même les spectateurs ! L'ère du renouveau footballistique algérien avait-elle sonné ? Tout porte à le croire, avec notamment la venue de cet artiste du ballon qui a de nouveau démontré qu'il était aussi bon sur un terrain de foot que sur le banc de touche, en faisant bien jouer les siens.

Pour la postérité et le retour à la vérité !

Les Algériens -dans leur écrasante majorité-connaissaient parfaitement le grand joueur qu'il fût mais pas encore suffisamment ce coach très aguerri qu'il est depuis devenu. Ce sont ses résultats enregistrés sur le terrain, en dépit de la très courte période de sa mise à l'épreuve, qui leur apporteront la preuve irréfutable qu'ils ne se sont guère trompés sur sa personne, en faisant appel à lui dans des moments aussi cruciaux et très difficiles. A ce sujet, ils sont très conscients à la fois de l'importance du jeu et de l'enjeu. Ils préfèrent tous saluer avec sincérité ce but victorieux de Bounedjah que de cautionner hypocritement ce dribble plutôt inutile de Bensalah. Ils sont pour ce réalisme des hommes courageux qui combattent de toutes leurs forces, et surtout contre toute instrumentalisation de ce succès populaire qui envoie le peuple algérien très haut dans la voûte céleste des êtres heureux.

Il est des images de la vie qui ont cette capacité légendaire de remonter le temps à la vitesse de la lumière. Non seulement elles immortalisent l'évènement, mais aussi nous renvoient à cette symbolique qui compte beaucoup dans notre présent. Les archives des écrans de télé en regorgent bien évidemment. Notre devoir consiste à de temps à autre convenablement les déterrer et les dépoussiérer avec précaution. Dans le cours de l'action ou de l'évènement en question, on ne peut malheureusement leur accorder toute leur importance. Mais au moindre souvenir, elles s'imposent à nous à travers le poids de leur symbolique. Elles nous désarment et condamnent à les revivre bien autrement, avec cet intérêt certain de leur accorder tout le mérite de nous ressusciter l'évènement, en force et avec ce souci de faire parfois dans le détail. Le voyage dans l'histoire de notre passé est aussitôt garanti. On y prend part et y savoure ces grands moments de plaisir ou de méditation. Celles de nos victoires y sont associées à celles de nos combats en cours. Elles demeurent ces archives qui appuient notre Histoire et confortent nos analyses à son sujet. Leur cliché nous ravive l'esprit et rafraîchit la mémoire. A mesure que nous les consultons à nouveau, nous plongeons dans ce mémorable passé qui nous est si cher pour prolonger notre désir d'immortaliser l'évènement. Pour les partisans du changement, le succès en Coupe d'Afrique des nations n'est qu'une étape de la victoire en gestation du Hirak, afin de mieux imposer leur Révolution joyeuse. Pour les tenants du statuquo, le sacre de 2019 doit remettre en selle le pouvoir, à l'image de celui de 1990 qui a conforté jadis les mêmes hommes aux mêmes fonctions étatiques et politiques. Que l'on soit d'un côté ou de l'autre, cette victoire footballistique est la bienvenue. Et si les premiers y trouvent un appui conséquent à leurs revendications, les seconds ne perdent guère leur temps pour d'emblée s'investir dans sa « subtile récupération » pour se poster en permanence à l'écran et sous les feux de la rampe, tels des héros de la politique nationale.

Le témoignage de l'image et la puissance de la séquence

Mais bien souvent, le propre de l'image ne s'arrête point à ce constat-là. La raison est bien simple : elle véhicule toute une symbolique qui nous impose une seconde lecture, un parallèle à faire, une autre aventure du même genre, une comparaison à tenter, une projection à amorcer, une trajectoire à prendre, un autre récit à sur le champ raconter... Avec du recul, l'image prend une toute autre importance, une plus étendue signification, une place prépondérante dans notre quotidien, un intérêt grandissant à y revenir autant que de besoin, de manière à y lire d'autres messages qu'elle contient mais aussi deviner certaines qualités que nous découvrons pour la première fois, en dépit de nos nombreuses consultations. Et même si l'image en papier ou la séquence de télé est restée la même, il n'en demeure pas moins qu'elle est désormais sujette à plusieurs interprétations. La différence réside plutôt dans notre façon de la considérer ou reconsidérer. Bien souvent, on y recourt à la lecture de ses aspects non apparents. On y dégage cette expression impossible à détecter dès notre première consultation. On y découvre forcément de nouveaux secrets. Mais aussi ce plaisir immense à s'en accaparer, à la déchiffrer, pour définitivement la posséder, à jamais s'en emparer. On s'y identifie, nanti de ce défi de ne négliger aucun aspect ni le moindre indice de mieux l'ausculter afin de pleinement en profiter. On y retrouve ce désir immense de nous rassurer pour fortifier notre analyse au sujet d'un souvenir qui compte beaucoup dans notre vie. Pour avoir longtemps tâté le pool, chacun choisit finalement son train et sa destination : les uns sont favorables à un retour à la maison, d'autres préfèrent rester encore mobilisés dans la rue, dans l'attente de cet providentiel train qui les conduira vers d'autres horizons et une bien meilleure destination. La morale à retenir de ce succès mis à profit a surtout trait à cette perte de temps née de nos suspicions, atermoiements, inquiétudes et ruses politiques, à toujours instrumentaliser le sport au profit de la politique. Le Hirak y voit une occasion de continuer à croire encore davantage en son combat, et le pouvoir une raison inespérée d'imposer le stand-by et ses désuètes lois. Mais pourquoi donc ce cache-misère nous mène-t-il encore et toujours en galère ?

Des manœuvres en trompe-l'œil comme solution à une grave crise

Rien ne sert de courir tout le temps derrière un ballon avide d'espace et de liberté, qui refuse manifestement ces vitrines politiques qui lui servent de show médiatique et de présentation pour les besoins d'une bonne exposition. Car l'art n'est pas un objet à marchander. Il est chevillé à la culture du peuple. Et puis, le jeu est plutôt ailleurs... ! Le trophée appartient aux légendes, l'arnaque politique aux gens fourbes ou surtout hypocrites. Les métiers s'apprennent souvent très tôt, mais le don est inné. L'art est à la croisée de ces deux importants chemins où la sagesse se confond avec la hardiesse et la grande utilité. Il hérite à la fois des qualités des premiers et du secret du second. En grands manœuvriers, nos hommes politiques savent changer de tablier pour nous paraître fort habiles à occuper leurs nouveaux métiers. Ils s'y initient tous à la manière de ces Messies, vrais porteurs de ce salut qui met fin au chahut et autres raffuts des tribus. Ils s'installent dans le déni de la farce et usent de leurs habituelles menaces. Ils font tout pour que le système reste toujours en place ou à défaut fasse du sur-place en guise d'avancées démocratiques à jeter comme de la poudre aux yeux à la face d'un peuple souvent ignoré, minoré et complètement désabusé. Ils ont cette souvent zélée audace de passer immédiatement à la casse lorsque le ballon leur joue de bien mauvais tours ou qu'il refuse manifestement d'obéir à leur élargie cour. Pour passer à l'action, ils ne mettent généralement pas de gants et n'y vont jamais avec le dos de la cuiller. Ils se considèrent tous être très fiers pour se soumettre à la raison ou encore se taire. En clair : ils veulent plaire autant à leur parterre qu'à leur peuple de misère. Ils cherchent à leur expliquer qu'ils ne sont pour rien dans cette fatalité qui suscite cette très drôle de mentalité à toujours laisser le pays en jachère. Contre tous ceux qui se soulèvent ou s'insurgent, ils sont tout le temps en colère. Ils leur réitèrent leur discours tout le temps ressassé et à l'envi réchauffé et remis sur le tapis. Du foot, d'habitude ils s'en foutent ! Car ce n'est guère leur croûte ! C'est une guerre qu'ils ne peuvent mener à distance. Mais lorsque le ballon rond prend des airs de vrai rebond, ils s'y intéressent en vrais visionnaires, en prenant le soin de changer complètement leurs plans ! Ils avancent, eux aussi, en rangs très serrés derrière leur supposé champion, en exhibant leurs magnifiques fanions et banderoles d'auréoles !

Le rêve manqué d'une démocratie préfabriquée

Le but à l'origine d'une victoire dans un match de foot est souvent assimilé à ce coup de tonnerre qui peut tout changer dans la hiérarchie politique de la pyramide du pouvoir. Le buteur (parfois providentiel) éclipse tout le reste de la vie quotidienne pour monter tout seul sur le haut podium. Mais le politique prend souvent le dessus. Il symbolise ce coup de billard né dans la confusion générale d'un orage imprévu, qui surprend tout son monde pour sur le champ redistribuer les cartes au sein de la sphère politique du pays, faisant émerger de nouvelles têtes et congédiant pour de bon les vieilles pratiques politiques. Le 22 février peut-il être un rêve manqué ? Ou au contraire, constitue-t-il cet idéal qui vaut tous les sacrifices du monde réunis, afin de garder sa flamme allumée et tout le temps ravivée, et l'espoir qu'il véhicule à jamais permis ? Pour s'en convaincre de cette hypothèse ou de cette autre éventualité, il suffit d'éventer le brasier pour attiser le feu de ce Hirak qui se répand en nombre comme une fumée compacte d'une tempête humaine qui gagne en force la rue. Il confirme que les jeux ne sont pas encore faits. C'est sur ce terrain mouvant que se déroule justement l'autre match de la vie que le Hirak aspire remporter haut la main contre un pouvoir qui laisse à chaque étape des plumes mais qui s'entête de manière si absurde à continuer à ignorer ce mouvement citoyen hors du commun. Dans cette partie très serrée et décisive à plus d'un titre, les forces en présence n'abattent pas toutes leurs cartes et atouts majeurs. Elles jouent à leur propre jeu, le plus souvent à l'économie de leur réel potentiel. Habitué, depuis très longtemps déjà, aux feintes de corps irrésistibles d'un pouvoir connu pour être un violent partenaire doublé d'un fin dribbleur politique, le Hirak joue sur sa défensive, à l'économie de ses réserves, en pratiquant avec un très grand succès cette ligne du hors-jeu où tombe souvent en proie expiatoire, pieds et poings liés, un régime désormais à bout de forces et souvent aux aguets. De temps à autre, il lui lance des flèches meurtrières, après de sévères avertissements, brandis en signes codés de menaces certaines, affichées tous les mardis et vendredis de chaque semaine, lors de ses somptueuses marches hebdomadaires estudiantines et plutôt générales. Le Hirak est resté toujours fidèle à lui-même. Depuis ce 22 février, il joue franc-jeu. Il est très fair-play. Il ne compte que sur la force de son groupe et ses légitimes revendications. Il sait qu'il dispose d'une très solide assise défensive et très populaire en même temps qui lui permet, de temps à autre, de lancer des offensives très étudiées et bien menées. Face à un pouvoir qui refuse la saine transition et franche compétition démocratique, il n'a que des poitrines nues léguées en signe de sacrifice pour la liberté et l'expression libre et engagée. Il ne craint ni l'artillerie lourde ni le jeu de coulisses. Dans ses rangs opèrent deux fers de lance : l'un est ce champion des coups-francs-goals, et l'autre est connu pour ses buts assassins.

A présent, il savoure sa coupe qu'il a gagnée avec un grand mérite. Ses chasseurs de buts que sont, entre autres, Mahrez et Bounedjah, affûtent leurs armes en prévision de la suite de la compétition. Ils sont tous conscients que le terrain politique est miné. Raison pour laquelle ils prennent tout leur temps avant de passer à l'offensive, le moment opportun.