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Projet de la loi de finances 2019 : Ce que ne dit pas le ministre des Finances

par Reghis Rabah *

Le fond monétaire international (FMI) dans son analyse publiée par l'APS(01) le 11 octobre dernier avait annoncé que l'Algérie devrait se rapprocher de l'équilibre budgétaire à partir de 2019 avec un solde global budgétaire de -0,5% en 2019 et +0,1% en 2020.

Après avoir creusé le fond en 2015 avec -15,3% jusqu'à assécher compétemment le fond de régulation des recettes (FRR), il devrait se rétrécir progressivement jusqu'à atteindre le niveau sus indiqué. L'institution internationale va loin dans son analyse pour prédire des excédents qui seront enregistrés à partir de 2020, 0,2% en 2021 et 0,3% en 2022 et devraient permettre à l'Algérie d'atteindre la phase de l'équilibre budgétaire. Cette analyse, au demeurant forte intéressante, se base sur des scénarios que de nombreux experts ont jugé crédibles. Par ailleurs, les revenus de l'Algérie devraient représenter 32,3% du Pib en 2018 contre 29% en 2017, une hausse qui pourrait être attribuée à l'amélioration des cours de pétrole cette année dans les limites qui arrangeraient les principaux protagonistes soit cette fourchette 70-80 dollars le baril qui semble se confirmer dans le temps. Le ministre des finances algérien, Abderrahmane Raouya, a déclaré à la même période de l'année dernière aux députés soit le 05 octobre 2017 que l'Algérie a besoin d'un baril de pétrole à 70 dollars pour atteindre l'équilibre budgétaire. Vu la situation de l'époque du marché des hydrocarbures, le ministre avait affirmé que la planche à billets constituait la seule issue possible.

C'était au moment où il présentait la loi sur la monnaie et le crédit pour amendement devant les députés de la chambre basse. Tout récemment, le PDG de Sonatrach avait annoncé qu'un prix du baril au-delà de 80 dollars n'arrange ni les producteurs encore moins les consommateurs. La fourchette 70-80 dollars par baril est défendable. Pourquoi disait-il ? « Quand le baril était à 40 dollars, on ne savait pas où aller, on n'avait pas l'argent pour agir, et quand il a atteint les 100 dollars, on a gaspillé l'argent, on investissait à tout va, ce n'est pas normal ni rentable» Rappelons que Cette annonce est faite au moment même où la commission du World Oil Outlook 2018 rendait son rapport perspectif qui insiste sur la prédominance de l'énergie fossile dans le mix énergétique au moins d'ici 2040.

La veille, le Joint Ministerial Monitoring Committee (JMMC), félicite l'Algérie et plus particulièrement le président de la république Abdelaziz Bouteflika de l'effort soutenu fait pour le maintien de la cohésion de l'OPEP, non seulement depuis la rencontre d'Alger de 2016 mais aussi de son adhésion en 1969.

A la surprise générale, l'exposé des motifs du projet de la loi de finances pour l'année 2019 n'est pas d'accord avec cette approche. Le ministre a dévié à 180 degré pour déclarer ni 70,ni 80 ni 90 ne sont suffisants pour équilibrer le budget 2019. Il faut selon ces rédacteurs 92 dollars le baril pour équilibrer la balance du paiement 2019. Pourquoi ? « Au plan financier lit-on,, la détérioration des cours du pétrole, dont le niveau fluctue actuellement autour des 70 dollars le baril, limite nos ressources internes et externes et met sous tension nos équilibres macroéconomiques et financiers sur la période 2019-202.1 »Le ministre des finances précise aux députés , que «compte tenu (?) des différentes contraintes énoncées et du profil de notre commerce extérieur, la balance des paiements nécessiterait, pour qu'elle soit équilibrée en 2019, un prix du baril de pétrole de 92 dollars. »Pourtant l'année 2018 a été très favorable au prix du baril puisque du 1er janvier au 23 octobre, le baril du Brent a été en moyenne de 75,12 dollars auxquels il faudrait en rajouter 2 pour la prime de légèreté d'un taux de soufre bas du Sahara Blend algérien.

Les experts sont unanimes, la cause n'est pas le déficit commercial seulement mais le paiement de services techniques dans le secteur pétrolier ou de services de transport et d'assurance des importations ainsi que de la rémunération des activités d'entreprises étrangères dans les domaines du bâtiment et des travaux publics pour la réalisation de projets publics notamment.Il faut préciser par ailleurs que les services pétroliers encouragés à outrance occupent une partie importante. Ensuite, l'exécutif déclare suivre les orientations du président de la république qui ne veut absolument pas d'endettement externe ramené ces dernières années à prés de 3% du PIB mais par ce déficit fait exploser l'endettement interne qui le contraindra s'il persiste sur cette tendance à aller vers le premier. Ainsi après avoir complètement asséché comme il est dit plus haut le Fond de Régulation de recette en 2015, ce déficit est passé de 8,8% à 21% en 2016 puis 48% en 2017 pour s'établir à prés de 70% en 2018 à cause de la planche à billet.

*Consultant, Economiste Pétrolier

Renvoi:

01- Lire les détails

http://www.aps.dz/economie/63832-l-algerie-se-rapprochera-de-l-equilibre-budgetaire-a-partir-de-2019