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ChinAfrica

par Akram Belkaïd, Paris

Le rendez-vous est désormais devenu incontournable. Cette semaine la Chine a organisé à Pékin le septième Forum sur la coopération sino-africaine. La presque totalité des pays du continent était à ce rendez-vous qui a attiré l’attention des grands médias internationaux. Il faut dire que ce genre de sommet «sud-sud» où aucun acteur occidental de poids n’est présent est rare. En accueillant 53 pays africains, Pékin démontre ainsi son influence grandissante dans un monde à la recherche d’un nouvel équilibre entre grandes puissances.
 
Du «gagnant-gagnant»…

Comme à chaque fois, le thème récurrent des commentaires a été de savoir si la Chine s’inscrit dans la tradition coloniale, ou néo-coloniale, voire impérialiste, d’accaparation des richesses africaines. Pour les autorités chinoises, il n’est question que d’économie, d’échanges «gagnant-gagnant» et de commerce. Pour les sceptiques, la Chine applique une autre politique de contrôle, différente de celle de la canonnière mais dont le résultat serait le même. Les intérêts chinois seraient de plus en plus puissants en Afrique, ils veilleraient aussi à écarter la concurrence, notamment européenne, et cela grâce à des leviers de pression financiers.
 
L’importance du poids de la Chine en Afrique est confirmée par les chiffres. L’empire du Milieu est le premier partenaire commercial du continent avec des échanges évalués à 170 milliards de dollars. La barre des 200 milliards de dollars pourrait même être atteinte d’ici cinq ans. On dénombre aussi plus de 10.000 entreprises chinoises installées en terre africaine, soit 300.000 à 500.000 emplois directs. La nature du partenariat «gagnant-gagnant» est connue. D’un côté, la Chine importe des matières premières. De l’autre, elle écoule sa production de produits finis et de biens de consommation tout en intervenant sur les grands projets d’exploitation. On relèvera néanmoins que les sites chinois de production industrielle restent rares en Afrique.

Si le commerce constitue le nœud des échanges sino-africains, la dette est le socle de cette coopération. Depuis le début des années 2000, Pékin est vue à la fois comme le «prêteur en dernier recours» et le «prêteur sans exigences politiques». Contrairement à ses rivaux occidentaux, le gouvernement chinois estime, en effet, que les conditionnalités politiques ou sociales n’ont pas lieu d’être. Voilà pourquoi des pays pointés du doigt par l’Occident pour, par exemple, leur non-respect des droits humains, ont accès aux crédits chinois dont l’encours total dépasserait les 160 milliards de dollars sur une durée de vingt ans.
 
Aide liée
 
Or, s’il n’y a pas de conditionnalité il y a tout de même un «package», autrement dit une aide liée. Contre les milliards de dollars avancés à des taux souvent très bas, il y a en échange des contrats d’infrastructures, des accès prioritaires pour l’exploitation de tel ou tel gisement ainsi que pour d’éventuelles privatisations ou transformation d’une activité économique régie par les États en concessions de type partenariat public-privé. Et plus la Chine aide financièrement (55 milliards de dollars annoncés à l’ouverture du Forum) et plus ses marges de manœuvres augmentent. Cela peut passer par des annulations de dette, par des restructurations de créances ou par l’octroi de nouveaux prêts.

C’est d’ailleurs l’un des points de divergence entre Pékin et ses partenaires occidentaux. Ces derniers aimeraient que la Chine s’aligne sur les critères du Club de Paris (créanciers publics) et qu’elle tienne compte des recommandations du Fonds monétaire international (FMI) avant d’allouer ses crédits. Exigences que les dirigeants chinois rejettent au nom de la souveraineté de leur pays. En d’autres termes, l’Afrique, au-delà des bonnes affaires qu’elle y réalise, est aussi le terrain d’affirmation de l’essor géopolitique de la Chine. Et ce n’est qu’un début.