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Emploi entre le décent et le précaire

par M. T. Hamiani

Le but fondamental de l'Organisation Internationale du travail (OIT) aujourd'hui est que chaque femme et chaque homme accèdent à unitravail décent et productif dans des conditions de liberté, d'équité, de sécurité et de dignité. Tel est le grand dessein de l'Organisation, le point de convergence de ses quatre objectifs stratégiques, à savoir la promotion des droits au travail, l'emploi, la protection sociale et le dialogue social.

C'est dans cet objectifque s'inscrit le mandat de l'OIT. Comme le disposent les différentes déclarationsdu travail décent, l'une des obligations de l'OIT est de seconder la mise en œuvre de programmes propres à réaliser l'emploi des travailleurs à des occupations où ils aient la satisfaction de donner toute la mesure de leur habileté et de leurs connaissances et de contribuer le mieux au bien-être commun.

C'est là le fondement du travail décent, un an après l'adoption de la déclaration de 1998 sur les principes, les droits fondamentaux des travailleurs et leur suivi, l'OIT a cherchéà se doter d'un projet commun, rassembleur, unitaire et valable, quel que soit le niveau de développement économique, social et politique. Bref, il s'agissait de dégager un objectif universel pour fédérer des droits universelsdans une optique toujours tripartite.

Il s'agissait pour l'organisation, non pas d'adopter de nouvelles normes ou de créer de nouveaux droits, mais de se donner un but qui lui permette de clarifier son image auprès du public, de se moderniser et de fédérer les institutions internationales autour d'un objectif commun

Pourquoi l'OIT a-t-elle choisi le terme de travail (et non pas emploi ou activité par exemple)? C'est certainement en raison de son acception large. Il s'agit en effet de s'adresser à tout travailleur, salarié ou non (travailleur indépendant, travailleur à domicile), ayant un emploi ou non (travailleur actif/chômeur), homme ou femme, du secteur formelou du secteur informel.

Tout travailleur, ainsi entendu, a des droits ?au travail-(en termes de conditions de travail et/ou d'emploi).L'obtention d'un emploi est central , selon le terme utilisé dans le rapport de 1999, et la lutte contre le chômage ou le sous-emploiest bien un aspect du travail décent Mais pour l'OIT, il ne s'agit pas seulement de créer des emplois mais de créer des emplois d'une qualité acceptable.

Les travailleurs pauvres ont bien un emploi mais ils sont sous-employés,sous-payés, sous protégés sur le plan des conditions de travail, sans protection sociale et sous représentés dans les instances de dialogue social ou politiques. C'est dans l'association d'une approche à la fois quantitative et qualitative de l'emploi que réside un des apports essentiels de la notion.

Toutefois, si l'appréciation de la qualité de l'emploi varie selon la diversité des niveaux de développement, des cultures et des systèmes de valeurs, il faut se diriger vers des systèmes économiques et sociaux qui garantissent leminimum indispensable en matière de sécurité et d'emploi. Ce minimum indispensable, supposé commun, est compatible avec deux contraintes, la diversité et l'adaptabilité des systèmes économiques, politiques et culturels.Toutes ces initiatives en faveur des exigences relatives au travail décent démontrent qu'il s'agitd'une réoccupation sérieuse.

Elles présentent des résultats non négligeables si on se réfère sur le rapport sur les tendances des indicateurs du travail décent. Cependant, s'il est nécessaire de relever ces quelques résultats positifs, il faut constater qu'il existe encore un décalageimportant entre les textes et les initiatives prévues en ce qui concerne la réalisation d'un travail décent en Algérie, tel que prévu par les normes de l'OIT.

Ceci est d'autant plus vrai car les programmes prioritairesaxés dans la réalisation des droits de l'homme en lien avec travail, la promouvoir la déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail et son suivi, l'élimination progressive du travail des enfants sauront faire une tache d'huile importante pour un nouveau départ à travers des activités consacrées aux normes du travailpour un travail décent effectif et justiciable pour tous.

D'une part, l'emploi et les revenus, le cadre politique, le renforcement de la protection sociale et de la sécurité sociale, l'ajustement aux changements sociaux, l'extension de la protection sociale, l'amélioration de la gestion de la protection sociale seront pertinents pour assurer la liaison entre les mesures visant à la fois le marché du travail, l'emploi et la protection sociale.

D'autre part, la prise en compte des grands problèmes de protection sociale, celles liées aux systèmes dynamiques de protection sociale, l'amélioration de la protection sur le lieu de travail, le défi du travail informelet le renforcement du dialogue socialsauront, dans une optique de consolidation de l'essor de la tripartite conforteront les stratégies pour les organisations d'employeurs et ou des organisations de travailleurset du gouvernementen faveur du soutien de l'OIT à un dialogue social équilibrépour l'effectivité du travail décent.

Néanmoins, Il est Opportun de noter que les dimensions nationales du dialogue Socialdevront arriver à faire face aux réalités localespour rendre plus efficace les capacités institutionnelles pour atteindre les objectifs stratégiques et leurs conséquences sur la gestiondu travail décent.

Toutefois, une budgétisation stratégiquement conséquent,un contrôle et une évaluation appropriés sont des outils pour réceptionner la politique du personnelcar ce sont les connaissances, les compétences et l'engagement des fonctionnaires qui détermineront pour une large part le succès ou l'échec des nouveaux efforts dans la recherche de l'effectivité normative et de l'efficacité institutionnelle dans le domaine du travail décent.

La législation du travail réglemente la relation individuelle employeur-employé, y comprisles alternatives au contrat de travail standard, la flexibilité des conditions de travail, et lelicenciement. Pour cerner l'ensemble de ces effets, quatre indices sont utilisés : un indice des entraves au recrutement, un indice de rigidité des heures de travail, un indice des entraves au licenciement et un indice global de rigidité de l'emploi, qui est la moyenne des trois premiers indices. Les données sur le recrutement et le licenciement de travailleurs sont basées sur une étude détaillée des législations et réglementations du travail ainsi que sur les dispositions constitutionnelles pertinentes. En conséquence, le travail informel n'est pas prisen compte dans le calcul de ces indices.

L'Algérie affiche les scores les plus moyens en termes de difficultés de recrutement et également en termes de rigidité des heures de travail. Cela rend le marché du travailtrès rigide en termes d'embauche.

Tout problème a une solution, les travailleurs profiter davantage d'un travail décent si des garanties juridictionnelles et non juridictionnelles efficaces et adaptées à leurs réalités.

L'amélioration du travail décent passe par la conception de tout programme à partir des structures existantes, y compris les systèmes classiques de protection sociale. En parallèle, les défis de l'intégration sociale et notamment ceux liés à la portabilité des droits sociaux ne pourront être surmontés qu'à la condition que l'évaluation des réalités et opinions locales et nationales s'accompagne d'approches régionales.

Croissance performante et emploi : le développement des compétenceset l'amélioration de l'employabilitésont des éléments essentiels à la réalisation de l'Agenda du travail décent en Algérie. Les compétences doivent être coordonnées avec les politiques sociales et économiques,y compris les politiques en matière d'éducation, et intégrées dans les cadres nationaux de développement. Pour faire face à l'inadéquation des compétences, un certain nombre de propositions sont faites: une implication plus marquée du secteur privé et des organisations de travailleurs dans la conception, la planification et la supervision de la formation; améliorer la qualité et la pertinence de la formation; des activités d'apprentissage.

La persistance d'un décalage important effectif entre les textes, et les initiatives et la réalité vécue par les travailleurs persiste et perdure, les normes fondamentales du travail ne trouvent pas toujours une concrétisation et de ce fait d'autant que le travail décent se voit parfois comme une sorte de mythe.

En effet, dans un grand nombre d'entreprises notamment relevant du secteur privé, même si le Code du travail reconnaît le droit d'association, l'on ne devrait pas perdre de vue que la majorité des travailleurs sontexclus du champ du Code du travail parce qu'ils exercent dans l'agriculture ,le BTPH ou l'économieinformelle, où le Code du travail n'est généralement pas appliqué.

De ce fait, il se pose plusieurs nécessités : Nationaliser un revenu décent pour une vie décente: Promouvoir le respect universel d'un revenu décent couvrant au minimum les besoins fondamentaux des travailleurs et de leur famille. Les politiques de développement ne peuvent se limiter à rechercher une croissance économique dont l' effet de ruissellement présumé s'est révélé une idée fausse. Les populations les plus pauvres ne bénéficient généralement pas de cet effet et l'absence de politiques de répartition des richesses a tendance à augmenter considérablement les inégalités.

Les politiques de développement fondées exclusivement sur les bas salaires ne fonctionnent pas. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et tendre vers plus decoopération et vers la régulation du marché du travail et des acteurs privés. Le premier des objectifs de développement durable se fixe d'éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde afin d'allerau ?delàdes normesfixant le seuil de pauvreté à 1 dollar par jour et par personne comme ce qui était insuffisant pour mener une vie décente ; pour le développement durable, il faut promouvoir des politiques économiques qui établissent un revenu décent garantissant une parité de pouvoir d'achat universelle et assurent la connexion de l'évolution des salaires réels aux gains de productivité, par le biais d'une répartition équitable des revenus du capital et du travail.

La protection sociale est undroit humain reconnu. Les personnes sans travail doivent pouvoir bénéficier d'une allocation adéquate (retraite, maladie ou chômage...). De plus, la protection sociale constitue un filet de sécurité qui garantit l'inclusion sociale, la solidarité et la stabilité.

C'est pourquoi il faut souligner l'intérêt de la protection sociale comme stratégie de développement au sein des institutions et la considérer comme une priorité dans les dialogues sociaux avec les pays partenaires, notamment en augmentant considérablement la contribution volontaire aux programmes de travail décent.