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Brexit ou Big-Bang ?

par Akram Belkaïd, Paris

L’échéance approche à grande vitesse, mais personne n’est vraiment capable de dire comment se déroulera le Brexit.

Prévue dans neuf mois, la sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne (UE) fait l’objet d’interminables négociations qui semblent se diriger vers une impasse totale. Alors qu’il y a un an, les observateurs pariaient sur un compromis acceptable pour les deux parties, ils en sont désormais à envisager un échec. Cela signifierait que la sortie de l’UE serait brutale, sans période de transition et sans aménagements, Londres n’obtenant aucune concession de la part de la Commission de Bruxelles.

Délocalisations annoncées

Cet échec pourrait donc faire du Brexit un immense big-bang notamment pour l’industrie financière britannique. Et de grands dirigeants ne cachent plus leur inquiétude et appellent l’Union européenne à se préparer à un afflux massif de sociétés et de banques actuellement installées en Grande-Bretagne, notamment à la City de Londres.

C’est le cas de Christine Lagarde, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI). Dans un discours prononcé en Irlande, elle a ainsi estimé qu’il est «crucial de faire en sorte que tout soit prêt en termes de régulation et de supervision pour l’arrivée massive d’entreprises financières qui finiront par déménager de l’endroit où elles sont à l’heure actuelle pour l’Europe continentale et l’Irlande. » Autrement dit, l’UE doit se préparer sur le plan législatif, technique et même politique à accueillir un exode d’entreprises actuellement installées en Grande-Bretagne. Selon les projections, dans la banque et la finance, au moins 10.000 postes seraient contraints à une délocalisation en Europe continentale ou en Irlande.

Mais il n’y a pas que le secteur financier qui est concerné. Les industriels refusent eux-aussi de faire les frais d’un Brexit brutal. Il y a quelques jours, le directeur d’exploitation de la branche aviation civile d’Airbus, Tom Williams, a déclaré que son groupe quittera le Royaume-Uni en cas de sortie de l’UE sans accord sur le volet commercial. Airbus menace aussi de geler les investissements en Grande-Bretagne et cela concerne d’ores et déjà l’avion qui remplacera l’actuel A320 (mono-couloir). Le constructeur aéronautique anticipe la mise en place de taxes douanières européennes appliquées aux produits britanniques. La mise en garde d’Airbus a provoqué l’émoi, et la colère, de Londres. Il faut dire que l’avionneur représente 15.000 emplois directs répartis sur 25 sites (100.000 emplois si on prend en compte les sous-traitants).

Faire un exemple

En tout état de cause, l’Union européenne semble décidée à ne pas tergiverser. Plus le temps passe et plus ses représentants durcissent le ton. Est-ce une stratégie de négociation destinée à obtenir les meilleures conditions pour l’UE ? Ou est-ce une position de principe destinée à «punir» la Grande-Bretagne afin d’envoyer un signal dénué de toute ambiguïté à d’autres pays qui critiquent régulièrement le fonctionnement de l’Union et qui seraient tentés d’imiter Londres. On pense notamment à certains pays de l’Est comme la Hongrie dont l’adhésion est pourtant récente (2004). Mais on peut aussi penser à l’Italie, gouvernée aujourd’hui par une alliance populiste et d’extrême-droite.