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A propos de la grève des résidents

par Dr K. Litim *

Les dessous des cartes. Six mois se sont écoulés. Les résidents toujours en grève. Les hôpitaux désertiques. La population algérienne prise en otage. Elle ne réagit pas ?

Le résident revendique sa dignité dans l'exercice de son art.

Dignité vis-à-vis de son patient, et de lui même. Il veut reconquérir sa dignité à jamais perdue depuis l'avènement de la médecine gratuite.

Dignité subtilisée et extorquée par la junte mafieuse.

Cette dernière a dévalorisé la vie humaine et à banalisé le crime depuis plusieurs décennies dans un silence assourdissant.

Le peuple a subi un conditionnement pavlovien; pour souffrir dans le silence.

La maladie et la mort sont l'apanage du destin (Mectoub).

Six mois, aucune réaction ni aucune plainte dans la Rue.

S'est-on posé la question pourquoi ce mutisme de la population?

Chaque Algérien sait et accepte, que depuis des décennies que nos hôpitaux sont «des villages de Potemkine».

Sur le même mode pavlovien, en cas de maladie il se dirige vers la médecine privée. Actuellement l'acte médical est supporté par le budget des ménages à hauteur de plus de 50%.

La sécurité sociale ne participe qu'à 25% et encore!

Ce qui est déclaré dans les médias, a pour fondement des études statistiques biaisées, fomentées par des épidémiologistes sous la houlette de l'Etat.

On ne peut s'empêcher de penser au «âmes mortes» de Gogol.

90% des diagnostics se réalisent dans le secteur privé.

Revenant au service civil, pierre d'achoppement du système de santé.

Depuis la loi 85-05 l'Etat n'a jamais jugé utile de mettre au point un CODE DE SANTÉ publique.

Dans ce CODE doit figurer un gros chapitre sur la géographie de la médecine. Celle-ci ayant pour objet: «l'analyse spatiale des disparités de santé des populations, de leurs comportements et des facteurs de leur environnement qui concourent à la promotion ou à la dégradation de la santé». Picheral 2001.

Elle s'est constituée à partir de 2 courants, d'une part la géographie de la maladie et d'autre part la géographie des soins médicaux qui observe les inégalités spatiales d'accès de consommation et d'offre de soins médicaux.

Je me contente cette fois de parler uniquement du sujet qui a valu «la célèbre bastonnade» au corps médical: la géographie des soins médicaux.

La distance d'accès n'a pas le même effet dissuasif pour tous.

La possession d'un véhicule diminue le temps d'accès. Pour les personnes à mobilité réduite, la distance constitue une barrière infranchissable.

Selon les catégories sociales, les distances parcourues pour des soins varient selon le niveau d'instruction et selon le rang dans la hiérarchie sociale.

Pour exemple les privilégiés du système peuvent parcourir une distance 10 fois plus grande que la moyenne, voire carrément l'étranger, notamment la France.

Il ne se rendent pas à l'équipement le plus proche.

Ceci est interprété comme une recherche de qualité de soins (qui ne doivent pas être médiocres ou carrément nuls). C'est une reconnaissance implicite de l'état de son échec en politique de santé.

À l'opposé, les autres catégories sociales utilisent les hôpitaux les plus proches, dans un état de déliquescence, ou l'insalubrité et l'indifférence sont proverbiales.

La géographie de la santé ne doit pas se limiter à l'étude statistique de l'offre. Quel est le rôle de la distance? Le plus proche est-il le meilleur?

Y a-t-il surconsommation ou gaspillage à proximité d'un hôpital?

Ces différentes questions nous permettent d'appréhender les interrogations sur les soins «inappropriés et irrationnels» que vivent quotidiennement les médecins durant leur service civil.

Normalement, les ressources sanitaires devraient répondre à la demande de soins des populations, et la consommation aux besoins de santé.

Si cet équilibre n'est pas respecté, on obtient soit une situation de gaspillages (consommation supérieure aux besoins) ou de pénurie (les besoins supérieurs au ressources). La densité de médecin est certes un élément primordial du système curatif, mais il ne doit pas et ne peut pas être le seul facteur à influencer l'état de santé d'un pays.

Il y a la prévention et l'éducation sanitaire qu'on doit prendre en compte.

La géographie de la santé est une science qui part de l'observation (études épidémiologique sérieuses) pour accompagner les décisions.

L'épidémiologie est indispensable pour dresser un bilan et mettre en évidence les déséquilibres et par la même en déterminer les causes. Le rôle des institutions (état et la sécurité sociale) est ambigu.

Dans notre pays la politique de santé se définit beaucoup plus par une politique de maîtrise des dépenses que par une véritable politique de santé publique.

*Président du syndicat des médecins libéraux de la wilaya d'Oran