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Il n'existe pas d'investissement intelligent, ou il est rentable ou il ne l'est pas

par Reghis Rabah*

Tout porte à croire que PDG, cadres et relais médiatiques du mastodonte cherchent à « halaliser » l'achat de la raffinerie Italienne d'ExxonMobil, considéré comme moralement « haram » ne serait ce que par les déboires causés à Sonatrach par les entreprises italiennes dans les affaires de corruption. Maintenant elle se dirige droit vers le siège de la mafia en Sicile pour donner un chèque à blanc à ExxonMobil afin de gérer les syndicats mafieux en son nom. Plus grave, aucun argument économique crédible comme les éléments probants de l'équation de rentabilité : prix réel d'acquisition, cash flow espéré sur la durée de 12 ans d'exploitation, le taux de rentabilité interne arrêté par l'entreprise, la possibilité d'un marché local opportun pour les produits ainsi transformés, le moyen de transport pour acheminer le brut jusqu'en Italie etc. Tous, dans leurs interventions passent du coq à l'âne. Ainsi on apprend parmi les motivations que le code des douanes est compliqué pour Sonatrach comme s'il s'agissait d'une entreprise privée. Hier cette motivation visait un gain sur les 2 milliards qu'on dépense chaque année pour l'importation des carburants pour la consommation locale.

Maintenant on justifie 400 000 tonnes de baisse des exportations par leur envoi en Italie pour être rapatriés en carburant. En prenant un taux conversion habituellement pratiqué dans les raffineries Italiennes arrondi à 45% pour l'essence et 22% pour le gas oïl on obtiendra à peine 180000 tonnes d'essence et 88000 tonnes de gas oïl.

Or, la consommation mensuelle de gas oïl est estimée en moyenne, fluctuation saisonnière exclue à 1 millions de tonne et celle de l'essence 400 000 tonnes, si l'on se réfère aux chiffres avancés par l'Autorité de Régulation des Hydrocarbures ARH dans bilan 2016 et la déclaration du ministre de l'énergie qui situe la croissance annuelle d'environ 7%. On est en droit de se demander en quoi cette aventure va soulager la consommation nationale en carburant La complexité du code des douanes et la croissance de la consommation des carburants semblent un prétexte pour justifier dorés et déjà cette arnaque. En effet, ce n'est pas un problème de Sonatrach mais celui de l'Etat qui est en mesure d'alléger la Sonatrach des procédures difficiles et réguler la consommation par ramener progressivement les prix du gas oïl à celui de l'essence pour limiter le gaspillage. Il faut préciser que l'industrie est le plus gros consommateur de ce produit. Ces deux mesures réduiraient la consommation et on aura limité les importations au lieu de se jeter tête baissée dans la gueule du loup.

Ensuite qu'est ce que c'est que cette histoire du PDG qui déclare l'Algérie « scrutée » par tout le monde pour des raisons entres autres politiques, son site géographique très complexifié par la situation sécuritaire de ses voisins, chaque information donnée est étudiée, évaluée et a un impact direct sur l'Algérie. Maintenant Sonatrach fait de la politique à la place des instances politiques et militaires. En quoi l'achat de cette raffinerie contribuerait « au processus pour redorer l'image de l'Algérie,». N'a-t-il pas déclaré lui-même qu'il s'agit d'un « business ». Alors limitons nous aux chiffres car même ceux donnés par les différents cadres qui ont défilé pour convaincre le bien fondé de cette acquisition ne sont pas encourageants.

C'est tout à fait normal que les produits raffinés dans un pays européen reviennent plus chers que le brut même si son prix ne varie pas à cause de la marge du raffinage et les différentes taxes qui représentent plus de 60%. Il n'y a absolument rien d'étonnant à cela. Le propriétaire de la raffinerie lui-même déclare sa date de naissance en 1949 dans tous les medias italiens, mais les cadres de Sonatrach la rajeunissent de 33 ans.

Il faut souligner par ailleurs que lorsqu'il faut dépenser l'argent public, il n'y a ni confiance, ni capitaine d'industrie et encore moins un placement intelligent. Ce sont là des slogans vides qui ravivent de vieux de mauvais souvenir aux Algériens : Affaire Khalifa, Tonic, Sim et bien d'autres.

L'audace managériale, c'est dans les investissements privés qui misent comme ils veulent. L'argent du public nécessite de la prudence et des calculs précis. Il se trouve justement que ni le coût de cet investissement, ni le cash flow généré ne peuvent garantir une rentabilité dans cet échéancier de 12 ans d'exploitation autant revenir à la raison et trouver une solution algéro-algérienne.

Les chiffres avancés par Sonatrach elle-même sont édifiants

Il faut remarquer que jusqu'à présent aucun montant précis n'a été officiellement avancé par Sonatrach lors des différentes conférences de presse dédiées à cette acquisition jugée précipitée par la municipalité d'Augusta elle-même. Par recoupement des différents chiffres divulgués intentionnellement par les relais satellitaires médiatiques de Sonatrach du moins sans le démentir comme le quotidien français « les échos », journal que Ould Kaddour a préféré lui accorder la faveur de la primeur de cette information le lendemain de la signature de ce qu'on pourrait appeler un accord de principe. Il s'agit selon cet organe de presse d'un montant de 580 millions d'euros pour la raffinerie et 120 millions pour les trois terminaux de chargement donc un cheque total de 700 millions d'euros. Au cours du dollar le jour de signature cela donnerait 679 millions de dollars pour la raffinerie et 140 millions de dollars pour les terminaux. 819 millions de dollars à débourser immédiatement avant janvier 2019. En fait c'est ce montant qui est toléré par Sonatrach sans pour autant le confirmer. Pourquoi ? Pour la simple raison que le montant réel est beaucoup plus important mais Sonatrach fait la sourde oreille pour lancer le message qu'elle n'a jamais avancé un chiffre. Cependant, Ahmed Mezighi qui est un proche conseiller du PDG de Sonatrach reconnu par son sérieux avance un chiffre d'affaire prévisionnel de 1,53 milliards de dollars sur toute la durée d'exploitation accordée par les autorités Italiennes de 12 ans et déclare récupérer la mise initial en 7 ans donc si on divise 1.53 milliards de dollars par 12 et on multiplie le résultat par 7 on obtient facilement le prix déboursé rien que pour la raffinerie de 893 millions de dollars auxquels il faudrait ajouter 30 millions de dollars par an pendant sept ans pour décontaminer 20 hectares sur les 360 soit 210 millions de dollars qui viendront greffer le montant d'achat sans compter les frais fixes et variables, les 140 pour les terminaux et les frais de maintenance pour l'opérationnalité immédiate de la raffinerie et quelques bricoles dans les rampes de chargement des trois terminaux. Ces même cadres, venus en groupe défendre ce projet d'acquisition ne soufflent aucun mot sur le transport de brut et celui du rapatriement des carburants qui vont gonfler les charges d'exploitation qui le sont déjà suffisamment par les taxes municipales et étatiques et surtout les salaires qui peuvent atteindre en moyenne 3500 euros par personne pour les 660 agents imposés.

*Consultant, Economiste Pétrolier