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Rapports entre administration et administrés: L'autopsie du décret présidentiel 88-131 du 4 juillet 1988

par Maiza Touhami*

Un simple citoyen algérien s'interroge parfois sur ses droits et ses devoirs et il n'arrive pas à comprendre la notion de présomption de culpabilité qui se dégage de la teneur de beaucoup de circulaires de l'Administration qui assimile la non réponse à un rejet implicite aussi j'ai décidé en tant que profane de faire l'autopsie d'un décret venu alors que l'exaspération avait atteint un niveau très important qui s'était traduit par des manifestations assimilées à des CHAHUS.

Ce décret méconnu de beaucoup de citoyens et même de l'Administration avait imposé un devoir au fonctionnaire envers le citoyen et une obligation au citoyen d'exiger une Administration de qualité. Mais comme une écriture sur du sable une bourrasque l'a effacée mais pourtant il faut l'analyser et si possible en fêter l'anniversaire qui est aussi celui de l'indépendance.

Comme quand on veut décortiquer le corps d'un homme on commence par la fin. Ce décret a été publié au journal officiel : décret N° 88-131 du 4 juillet 1988 et l'article 41 (avant dernier) a prévu que chaque ministre doit œuvrer à son application par des dispositions utiles. L'article 40 prévoit des sanctions civiles et pénales pour les fonctionnaires pour leurs fautes personnelles en plus du licenciement en cas d'entrave à l'application de ce cadre qui vise à améliorer la relation avec le citoyen. L'article 39 ouvre les voies de recours gracieux et contentieux et droits aux réparations.

L'article 38 prévoit le droit d'association pour la défense d'objectifs communs. L'article 37 OBLIGE l'Administration à communiquer toutes ses circulaires, notes et avis à l'Administré pour qu'il puisse s'en prévaloir.

L'article 35 prévoit l'obligation de notification individuelle à l'Administré.

L'article 34 : L'Administration doit répondre obligatoirement à toutes demandes, lettres ou réclamations des citoyens.

La réalité actuelle, presque trente ans après est frappante et cela semble être devenue normale (un accusé de réception sans datation ni cachet (ou est la responsabilité du Postier par rapport aux normes internationales qui régissent ce métier basé sur la notion de confiance). Ainsi l'ont ne peut savoir si le courrier est arrivé à destination ou a simplement été jeté. Le courrier arrive toujours en retard et les administrations se dispensent d'utiliser des enveloppes (CNAS, IMPOTS, ECT)

Maintenant que ce cadre est fixé l'on peu revenir aux autres articles :

L'article 2 prévoit que les Agents de l'administration ont le DEVOIR de protéger les libertés et les droits reconnu au citoyen par la Constitution et la législation en vigueur.

En lisant tous les articles 3 à 10 on retrouve une volonté d'instaurer un contrôle strict du respect des réglementations et une garantie de l'accessibilité du citoyen à tous les documents sauf ceux classifiés même à ceux archivés dont il peut obtenir copie à ses frais. Le système de convocation est très détaillé dans un souci de faciliter la relation en précisant notamment le numéro de téléphone pour que la communication soit facilité.

Ce texte marque une volonté de mettre un terme à des situations qui ont fortement portées atteinte à l'image de l'administration alors qu'à l'époque la relation se radicalisait et les premiers signes d'énervement du citoyen se faisant jour.

Naturellement la crise économique qui a commencée à se faire jour après la livraison des derniers projets clés en main et le désengagement des sociétés par suite de l'endettement évident qui poussait à l'époque à un transfert massif de la dette algérienne vers le CLUB de LONDRES et ce refinancement de la dette se faisait à des taux très élevés par rapports aux taux initiaux.

L'autoritarisme dont faisait preuve les autorités administratives et même le parti unique avait réduit le citoyen au rôle de simple sujet. Les courriers, comme d'ailleurs aujourd'hui, finissaient souvent aux oubliettes. A titre d'exemple pour maintenir un courrier fiscal demandant une explication parfois il fallait pour se prémunir continuer à faire des rappels tout les deux mois pour éviter les conséquences prévisibles (interprétations différentes des vérificateurs par rapport à l'interprétation des services locaux qu'il fallait appliquer). Ce comportement paraissait aux yeux des étrangers comme une sorte de phobie mais l'expert insistait car la Vérification fiscale devait être toujours à l'horizon et parfois l'expert a dû affirmer que c'était en quelque sorte le jugement dernier.

D'ailleurs Ce phénomène persiste jusqu'à ce jour puisque des circulaires préconisent actuellement que le défaut de réponse équivaut à un refus tacite. Au lieu de réduire le volume des contentieux on préfère créer un véritable tri sélectif au niveau des cellules de recours.

Comment donc expliquer la persistance d'un phénomène qui devait être éradiqué depuis 1988.

Ce décret a-t-il été abrogé après la mise en place du Haut Commissariat ou est-il devenu inutilisable parce que le signataire a quitté ses fonctions.

Le citoyen a-t-il des droits ou simplement des devoirs qui sont définis au gré du fonctionnaire qu'il aura en face de lui. Il n'est pas rare de voir des courriers restés sans réponse des années et parfois des instructions de la hiérarchie classée sans suite parce que la hiérarchie ne suit pas l'exécution de ses décisions.

Un jour un simple agent d'accueil a pu dire « Sauf votre respect, Monsieur le Wali je suis le meuble et vous n'êtes que la poussière ». L'agent, ancien moujahed relevait de deux commissions et d'un corps de métier alors que le Wali peut être bougé très facilement. Grâce à cet avis éclairé ce wali s'est inscrit aux cours du soir et a pu se reconvertir en avocat quand il a été mis en réserve de la République. En notre pays l'administration évite de sanctionner et préfère la méthode douce de l'isolement.

Cette situation n'est pas propre à notre pays mais chez nous elle devient institutionnelle et donc le plus simple serait de faire l'économie de cet appareil législatif, judiciaire, administratif et de fixer un tarif pour chaque acte et de confier le pays aux enchères et ainsi chacun devra acquitter une taxe pour sortir le matin par sa porte dans le domaine public mais cela peut amener le citoyen à créer des tunnels pour se dérober à la vue et ce sont ces tunnels virtuels qui font que le citoyen s'est adapté à cette incapacité de l'administration a appliquer les lois. Cette situation a conduit des pays organisateurs de rencontres internationales à dire que les pays qui n'arrivent pas à appliquer leurs lois sont des pays en voie de sous-développement.

Notre pays s'est doté de lois mais souvent l'on s'étonne de voir les dos d'âne sur des routes à grandes circulations que les autorités locales enlèvent et remettent en place à chaque visite officielle. Combien coûte cette acrobatie. Historiquement le premier dos d'âne transversal a été placé dans une ville et le chef de la région militaire de cette région qui ignorait son existence a été projeté contre le plafond de son véhicule et c'est ce qui explique ces pratiques.

Nous sommes convaincu que l'affichage de ce décret sur les lieux publics pourra ramener un peut de civisme car la dissuasion est le début de la sagesse. Ces gendarmes couchés que sont les dos d'âne cause beaucoup de dégâts à notre parc de voiture mais c'est peut être la raison de la profusion.

Voilà un petit avis mais la lecture de ce décret et son application sera pour le citoyen mieux que le plan anti pénurie qui a accompagné la chasse aux sorcières et la mise à niveau au ras du sol de notre économie par l'application de textes qui seront abrogés la loi 88-26 du 12 juillet 1988 après une application qui a sanctionnée des gestionnaires pour des actes souvent imaginaires ou amplifiés. C'est un autre sujet qui explique la culture « de celui qui ne fait rien ne se trompe jamais qui a été institutionnalisée et qui explique ce manège de la fuite devant la responsabilité et la culture du « NON ».

* Expert Comptable