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«Energies renouvelables et développement durable : entre la formalisation des stratégies et les difficultés de mise en œuvre»

par Dr. Boutaleb Kouider*

L'université Lounis Ali de Blida2 a abrité durant les journées du 23 et 24 Avril 2018, un colloque international sur les « stratégies des énergies renouvelables et développement durable » qui a réuni de nombreux chercheurs algériens dont beaucoup de jeunes doctorants venus de plus de 30 universités nationales. On peut regretter l'absence d'universitaires étrangers qui auraient pu sans doute enrichir encore plus ce colloque qui fut organisé de main de maitre L'adoption et le développement des énergies renouvelables sont au centre de la problématique du développement socioéconomique durable. En effet le développement durable ne peut se concevoir et se concrétiser que si les modes de production et de consommation énergétivores avec leur cortège de conséquences néfaste (épuisement des ressources fossiles, pollution, atteinte à l'environnement) soient remis en cause. La prise de conscience de cette remise en cause, désormais entendue, demeure les stratégies à mettre en œuvre et leur mode opératoire.

L'objectif poursuivi à travers ce colloque est de fournir des éléments de clarification et de cadrage pour des débats autour de cette problématique de l'adoption des énergies renouvelables qui constitue un changement majeur de paradigme pour les économies occidentales et émergentes mais qui ne laisse pas indifférent l'ensemble des pays de la planete.

La nouvelle donne écologique mondiale, permet aux gouvernements de prendre la mesure de la transition vers des modes de consommation et de production durables utilisant des énergies renouvelables sous toutes leurs formes (photo-voltaïque, thermique, géothermique, hydrothermique, hydroélectrique, éolienne, biomasse et hydrogène) qui présentent l'avantage du fait qu'elles sont propres, renouvelables (ce qui respectent la notion du développement durable) et peuvent être une forme de recyclage (déchets ménagers). Il faudrait par conséquent bien comprendre les enjeux de tels changements, mais surtout aussi la somme d'efforts nécessaires en termes d'investissement certes mais sans doute plus encore en termes de gouvernance et d'efficience.

La pertinence du thème retenu, la stratégie des energies renouvelable, est par conséquent incontestable. En Algérie la situation énergétique, en perspective, est grave et la sécurité économique nationale est menacée si les pouvoirs publics n'en prennent pas la mesure en attribuant sans tarder une prioprité absolue à la transition énergétique

Qu'en en juge

Nos besoins en gaz naturel se situeraient aux horizons 2020 et 2030 respectivement à 54 milliards de m3 et 102 milliards de m3 .Aux mêmes horizons 2020 et 2030, la consommation d'électricité devrait se situer respectivement à plus de 80 TWh et 150 TWh

«98% de l'électricité est produite à partir du gaz

A long terme, ce modèle de consommation énergétique s'il perdure rendra problématique l'équilibre offre-demande pour cette source d'énergie fossile.

Ces données extrapolées ne laissent guère de choix si on veut éviter une crise énergétique majeure pour les générations à venir. La transition énergétique se pose ainsi comme une nécessité avant toute autre considérations. Il s'agit d'intégrer dès aujourd'hui les énergies renouvelables dans la stratégie d'offre énergétique à long terme, tout en accordant un rôle important aux économies d'énergies.L'Algérie pays producteur d'énergie fossile ne peut guere courir le risque d'importer de l'énergie, et avec quels revenus ?

L'université Lounis Ali de Blida2 a ainsi le mérite d'avoir organisé ce colloque sur cette importante problématique qui fait certes l'objet de débats publics mais peu de travaux académiques et d'éclairage théorique et empirique, utiles pour les décideurs afin de réduire les incertitudes et rationaliser les politiques publiques

Le choix de cette thématique n'est donc pas fortuit, il procède d'une volonté de participer aux débats qui concernent le devenir du pays, montrer que l'université s'interpelle d'elle-même comme partie prenante, sans doute plus que par le passé, pour dresser des états de lieux , des diagnostics et des éclairages scientifiquement établis afin d'orienter les processus décisionnels

Il faudrait donc féliciter les initiateurs de ce colloque sur une thématique aussi importante que la transition énergétique, en l'occurrence la faculté des sciences économiques et de gestion et le laboratoire RCDD (Le Role des Collectivitées dans le Developpement Durable)

Etaient présent lors de la cérémonie protoclaire d'ouverture du colloque

Le vice président de l'APW de la wilaya de Blida, Monsieur ELAYADHI Mustapha

Le recteur de l'université de Blida 2, le professeur RAMOUL Khaled

Le Directeur du Laboratoire RCLDD,le professeur DRAOUSSI Messaoud l

Le doyen de la faculté DRAHMOUN Hellal

La professeure HAOUCHINE ibtissem, présidente du colloque

La cérémonie d'ouverture nous a permis de remarquer la culture et la compétence de la professeure HAOUCHINE ibtissem présidente du colloque, une dame d'une humilité sans pareille, qui a magistralement introduit la thématique du colloque avec une clarté remarquable.

Ceci étant dit, de nombreuses communications furent présentées en langue arabe essentiellement mais aussi en langue française, durant les deux journées du Lundi 23, et Mardi 24 Avril.

Pres de 100 communications au total réparties sur 2 ateliers, qui ont porté sur de nombreux aspects des tratégies des Energies Renouvelables et du développement durable, répondant à la problématique du colloque qui s'est déclinée en plusieurs axes

Pratiquement tous les contours de la problématique des énergies renouvelables furent abordés et analysés autant sur le plan théorique et qu'emprique.

C'est le Directeur adjoint du Centre de Developpement des Energies Renouvelables, Docteur Dias said qui a presenté la conférence introductive ou il a brillament exposé le programme de développement des énergies renouvelables mais arrivé à l'évaluation du parpours accomplis, il n'a fait que mettre en valeur certaines réalisations, sans dresser un tableau d'évaluation sur les financements, les délais de réalisation, les couts engendrés, les effets attendus en ?sans donner une évaluation de la part que représente les énergies renouvelables dans le bilan énergétique national (qui est selon certaines sources d'a peine 0,2% (pouvait ? il le faire en l'absence de données emanant d'une institution d'évaluation présentement inéxistante)

Suivirent d'autres communications ou la redondance des propos étaient inévitable

Pour notre part nous avons axé notre intervention sur le « que faire », considérant qu'il ne s'agit pas seulement de formuler un programme, tres ambitieux au demeurant, avec des objectifs chiffrés sans s'interroger sur les capacités objectives de réalisation

En Chine losque le gouvernement formule des objectifs, il est sur qu'il est en mesure de les réaliser

Qu'en est ? il chez nous ?

C'est ce que nous avons tenté d'éclairer en revenant sur les objectifs du programme de développement des énergies renouvelables

La stratégie adoptée

La prise de conscience de cette problématique a poussé les pouvoir publics à s'engager en 2011 dans la réalisation de tout un programme de développement des énergies renouvelables qui devrait produire des effets à terme l'horizon 2030 étant fixé comme achèvement du programme

La stratégie énoncée est formalisée dans un Programme National de Développement des Energies Renouvelables, tres ambitieux au demeurant, qui fut lancé en 2011 et révisé en 2015, sans doute suite à la baisse des revenus des hydraucarbures intervenue en 2014 et qui a engendré un crise budgétaire et le gel de nombreux projets d'investissement publics).

La consistance de ce programme en énergies renouvelables à réaliser pour les besoins du marché national sur la période 2015-2030 est de 22 000 MW, dont plus de 4500 MW devraient être réalisés d'ici 2020. Ce programme consiste au développement du photovoltaïque, l'éolien à grande échelle, et les filières de la biomasse (valorisation des déchets),, de la cogénération et de la géothermie avec l'introduction du solaire thermique (CSP) à partir de 2021. Les capacités en énergie renouvelables seront installées selon les spécificités de chaque région : Région du Sud, pour l'hybridation des centrales existantes et l'alimentation des sites éparses compte tenu de la disponibilité des espaces et de l'important potentiel solaire et éolien qui privilégie ces régions ; Région des Hauts Plateaux pour leur potentiel d'ensoleillement et de vent avec possibilité d'acquisition des terrains ; Région du littoral selon la disponibilité des assiettes de terrain avec l'exploitation de tous les espaces tels que les toitures et terrasses des bâtiments et autres espaces non utilisés. Les besoins complémentaires pour d'autres domaines d'application sont intégrés dans la capacité totale du photovoltaïque, tels que le résidentiel, l'agriculture, le pompage, les ressources en eau, l'industrie, l'éclairage public et les services

Objectifs du nouveau programme des Energies Renouvelables en Algérie (2015-2020-2030)

La réalisation du programme permettra d'atteindre à l'horizon 2030 une part de renouvelables de près de 27% dans le bilan national de production d'électricité et 37 % de la capacité installée. Le volume de gaz naturel épargné par les 22000 MW en renouvelables, atteindra environ 300 milliards de m3, soit un volume équivalant à 8 fois la consommation nationale de l'année 2014.

Le cadre réglementaire et incitatif

L'adoption du cadre juridique favorable à la promotion des énergies renouvelables et à la réalisation d'infrastructures y afférentes est défini principalement à travers les mesures ci-après :

?Loi n° 11-11 du 18 juillet 2011 portant loi de finances complémentaire pour 2011a relevé le niveau de la redevance pétrolière qui alimente essentiellement le FondsNational pour les énergies renouvelables et la cogénération (FNER) de 0.5% à 1% et

a étendu son champ d'application aux installations de cogénération ;

?Décret exécutif n°11-423 du 08 décembre 2011 fixant les modalités de fonctionnement du compte d'affectation spécial n° 302 -131 intitulé «Fonds national pour les énergies renouvelables et la cogénération».

?Décret exécutif n°13-218 du juin 2013 fixant les conditions d'octroi des primes au titre des coûts de diversification de la production d'électricité.

?Décret exécutif n°13-424 du 18 décembre 2013 modifiant et complétant le décret exécutif n° 05-495 du 26 décembre 2005 relatif à l'audit énergétique des établissements grands consommateurs d'énergie.

?Arrêtés ministériels du 02 février 2014 fixant les tarifs d'achat garantis pour la production d'électricité à partir d'installations utilisant la filière photovoltaïque et les conditions de leur application

?Arrêtés ministériels du 02 février 2014 fixant les tarifs d'achat garantis pour la production d'électricité à partir d'installations utilisant la filière éolienne et les conditions de leur application

Et d'autres mesures encore de soutiens directs et indirects aux énergies renouvelables.

Le programme d'efficacité énergétique

Ce programme d'efficacité énergétique a pour finalité de favoriser « une utilisation plus responsable de l'énergie et d'explorer toutes les voies concourant à la préservation des ressources et la systématisation d'une consommation utile et optimale. »

Il concerne les volets suivants avec des objectifs chiffrés à atteindre:

- L'isolation thermique des bâtiments ;

- Le développement du chauffe-eau solaire ;

- La généralisation de l'utilisation des lampes basse consommation,

- L'introduction de l'efficacité énergétique dans l'éclairage public ;

- L'aide à l'introduction de l'efficacité énergétique dans le secteur industriel et les établissements grands consommateurs d'énergie, par la réalisation d'audits et l'aide aux projets d'économie d'énergie ;

- L'augmentation de la part de marché du Gaz de pétrole liquéfié carburant et la promotion du Gaz Naturel Carburant la conversion des centrales électriques au cycle combiné quand cela est possible ;

- La réalisation de projets pilotes de climatisation au solaire

Le développement des capacités industrielles

Le développement des capacités industrielles est primordial pour réussir à réaliser le programme des énergies renouvelables

Concernant le Solaire photovoltaïque, il était st prévu d'atteindre, sur la période 2011-2013, un taux d'intégration de l'industrie algérienne de 60 %. Cet objectif ambitieux devrait être atteint grâce à la réalisation d'une usine de fabrication de modules photovoltaïques d'une capacité équivalente à 120 MWc/an par le Groupe Sonelgaz à travers sa filiale Rouiba-Eclairage et dont la mise en service était prévue fin 2013.

Sur la période 2014-2020, l'objectif est d'atteindre un taux d'intégration des capacités algériennes de 80%.

Il est aussi mentionné qu' « il est attendu qu'un réseau de sous-traitance nationale soit mis en place pour la fabrication des onduleurs, des batteries, des transformateurs, des câbles et autres équipements entrant dans la construction d'une centrale photovoltaïque ».

(Qu'en est-il de la réalisation de ces objectifs ?)

On peut aussi noter dans le document de présentation du programme ceci « L'Algérie devrait disposer également, sur la même période, de capacités de conception, et de réalisation capables d'atteindre un taux d'intégration de l'ordre de 60% par des entreprises algériennes »

Comme il est également prévu la réalisation d'un centre d'homologation des équipements destinés aux installations des EnR.

(Ou en est-on en matière de concrétisation de ces intentions ?)

La recherche et le développement

Outre la formation dans cette nouvelle optique, la prise en charge de la problématique de production d'énergie renouvelables et l'efficacité énergétique exigent un encadrement de qualité en ressources humaines, la recherche scientifique constitue un autre levier d'importance

On cite le PNR ou Cent huit (108) projets ont donc été exécutés dans le cadre de ce programme sur de nombreux aspects liés aux énergies renouvelables, qui a impliqué 500 chercheurs dont près de 400 enseignants chercheurs exerçant dans les laboratoires de différentes universités et 134 chercheurs permanents ouvrant dans les centres et unités de recherche (Qu'en est il de mise en application des résultats de la recherche et de son essaimage )

Les difficultés de mise en œuvre du programme de développement des énergies renouvelables

Selon de nombreux observateurs les contraintes qui retardent le développement des énergies renouvelables, sont nombreuses dans le contexte de l'économie algérienne. Entre autres :

- l'absence d'une industrie dédiée,

- L'absence de compétences pour étudier, fabriquer, construire et exploiter des centrales de plusieurs centaines de MW.

- La faiblesse de la recherche et l'innovation

- Les coûts de l'énergie traditionnelle qui sont bas et soutenus représentent une barrière importante

Les objectifs annoncés dans ce programme n'ont guère été réalisés conformément aux prévisions. On est bien loin de ces objectifs

En définitive, au vu des politiques à mettre systématiquement en œuvre (vis des entreprises, des consommateurs, en matiere de formation, de détermination de branches industrielles dédiées, en matière d'investissement, de source de financement et de partenariat?) pour réussir à terme de jeter les bases irréversibles d'une transition énergétique réussie, nous pouvons affirmer qu'il ne suffit pas d'émettre un programme aussi ambitieux soit- il, avec des objectifs définis pour pouvoir s'engager résolution dans une entreprise aussi complexe que celle de la transition énergétique

Enoncer des stratégies, certes, élaborer des plans d'action c'est sans doute la ou réside toute la difficulté (plan devant identifier les objectifs à atteindre, les moyens et les sources de financement nécessaires, les partenaires impliqués dans tous les projets, et les indicateurs d'évaluation en terme d'efficacité (degré de réalisation des objectifs) et d'efficience (à quel couts a-ton réalisé les objectifs tracés).

On ne semble pas mesurer les écarts entre ce qui est entrepris dans les économies occidentales mais aussi dans les économes émergentes. Ils sont énormes en terme d'innovation, de savoir faire capitalisé et de perspectives réelles d'avancées significatives dans la reconversion des modèles de croissance fordistes. Aussi soyons modestes pour reconnaitre les énormes défis qui se posent. Quel est l'état réel de notre économie, quels sont nos avantages compétitifs scientifiquement établis ? Quels sont nos capacités réelles d'innovation ? ?Et d'autre questions encore dont les réponses apportées doivent permettre non pas de combler progressivement les écarts, (les pays, les entreprises continuent entretemps d'avancer) mais pour ne pas rester en marge de cette dynamique mondiale. il faut s'engager résolument à lever tous les obstacles et les contraintes qui caractérisent à ce jour notre économie à commencer par cette grande réforme des institutions permettant d'assoir les règles de la bonne gouvernance et un fonctionnement optimal d'une économie de marché performante. En l'occurrence institutionaliser systématiquement l'évaluation des politiques publiques.

Ce qu'on apprend des expériences internationales (la ou le souci de la gestion publique efficiente est le plus prononcé) c'est que

1. les acteurs de l'évaluation doivent être indépendants et pluralistes, et la conduite des évaluations soit totalement transparente.

2. Le pilotage de l'évaluation des politiques publiques réclame une réelle expertise comme il en ressort de l'abondante littérature sur les « bonnes pratiques » de l'évaluation tant du point de vue tant de la gestion de la démarche que des travaux qu'elle implique.

D'où l'importance de la formation dans ce domaine.

L'évaluation représente incontestablement une démarche politique qui permettra de renouveler les modes de gouvernance de notre pays, si elle est réellement indépendante, pluraliste, transparente et efficace.

Malgré l'importance qui lui est reconnue dans les discours sur la réforme de l'Etat, l'évaluation est aujourd'hui quasiment ignorée dans notre pays, sans doute parce que son institution bousculerait notre système politique et administratif, et remettrait en cause bien des privilèges.

*Université de Tlemcen