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Pétrole : être baissier ou haussier ?

par Akram Belkaïd, Paris

Anticiper l’évolution des cours du pétrole relève très souvent de la spéculation. On parie sur la baisse du baril, le voici qui monte. On prévoit une hausse, et voici que les prix de l’or noir chutent. Il y a quelques semaines, un analyste londonien de renom prédisait devant un parterre trié sur le volet une nouvelle dépression sur les cours, en raison, jugeait-il, de nouvelles inquiétantes concernant à la fois un surplus de production mondiale et des doutes sur la conjoncture économique internationale.
Or, ces derniers jours, on assiste plutôt au phénomène inverse avec un baril qui reste dans une fourchette entre 63 et 68 dollars, selon le marché où il est coté. Qu’en est-il donc des arguments respectifs des «baissiers» et des «haussiers» ?

Chine, Trump et nouveaux puits

Pour les premiers, il y a d’abord une inquiétude à propos de ce qui se passe entre Washington et Pékin. Comme abordé régulièrement dans ces colonnes, la perspective d’une guerre commerciale sino-américaine ne relève plus d’une simple hypothèse de travail. L’administration Trump semble décidée à imposer des sanctions à la Chine, laquelle a bien fait savoir qu’elle prendrait à son tour des mesures de rétorsions. Autrement dit, tout cela pourrait bien impacter négativement la croissance économique mondiale et, donc, la demande en pétrole. On est là dans un exemple typique d’anticipation assez large et inscrite dans une perspective à moyen terme.

La hausse ininterrompue de la production américaine d’or noir est l’autre raison qui conforte les spécialistes dans leurs prévisions baissières. Chaque semaine, le marché analyse les chiffres publiés par l’entreprise Baker Hughes. Cette dernière est spécialisée dans les services aux compagnies pétrolières et elle compile notamment le nombre de nouveaux puits qui entrent en service sur le sol américain. Selon ses chiffres, on atteint aujourd’hui le total de 808 puits ( 11 puits en une semaine), soit un niveau élevé qui témoigne de la vigueur de la production de pétrole étasunien. Résultat, l’Amérique va acheter moins de pétrole sur les marchés internationaux et cela ne peut que peser sur les prix du baril.

Dollar, réserves et effet Bolton

Pour autant, on se doute que d’autres spécialistes ont des opinions contraires. Pour eux, il y a d’abord la faiblesse actuelle du dollar, consécutive, entre autres, des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine. Or, qui dit dollar faible, dit le plus souvent hausse continue du prix de l’or noir. Par ailleurs, et pour revenir à la vigueur de la production américaine de pétrole, on commence à entendre une petite musique qui devrait devenir un thème majeur de discussion au cours des prochains mois : qu’en est-il vraiment du niveau des réserves des hydrocarbures au pays de l’Oncle Sam ? On sait que l’exploitation des hydrocarbures de schiste a bouleversé la donne en mettant sur le marché des quantités de brut et de gaz qui, jusque-là, étaient jugées inexploitables. Si, d’aventure, il se confirme que les réserves non conventionnelles sont moins importantes qu’annoncées, l’impact haussier sur les prix sera puissant.

Enfin, le meilleur des arguments pour les «haussiers» est presque toujours géopolitique. On parle désormais d’«effet Bolton», du nom du nouveau conseiller à la Sécurité de Donald Trump (il fut aussi membre de l’administration Bush). L’homme en question est connu pour être un va-t-en-guerre. Avec lui, se précisent les perspectives d’une remise en cause par Washington de l’accord sur le nucléaire iranien. On imagine sans peine les conséquences sur le marché si, d’aventure, les Etats-Unis, ou leur allié israélien, décident d’intervenir militairement contre Téhéran…