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Territoires occupés

par Said Mouas

Il faut être bien naïf pour croire que la presse de proximité, celle qui alerte sur les avatars de la vie quotidienne, dérange outre mesure les responsables en charge des problèmes du citoyen. Même si certains poncifs, dans un sursaut d'orgueil, réagissent

et passent à l'action pour corriger les dépassements en tout genre.

C'est tout à leur honneur. Les autres, moins enclins à honorer leur fonction, font le dos rond s'enferment dans leur coquille ; laissant ainsi le citoyen guerroyer contre les innombrables absurdités bureaucratiques. Que de dérives la bonne presse n'a-t elle pas signalé ? Presque tous les journaux ont évoqué les occupations tentaculaires des espaces publics par une faune de commerçants qu'ils soient du secteur formel ou informel.  

De véritables magasins à ciel ouvert se sont peu à peu créés sur trottoirs, chaussées et places. On y trouve de tout : Cuisinières, fours, meubles, tables, mannequins, cageots, barbecues ? Bref, pour s'en convaincre il suffit de faire un petit tour au centre ville, une concentration de tous les interdits tolérés voire tacitement encouragés. Nous savons tous que l'information a un rapport essentiel avec la police administrative.

Il y a quelques années de cela, ce thème a fait l'objet d'une journée d'étude organisé par la Wilaya. Nous avons retenu quelques points inscrits dans le guide élaboré à l'occasion. D'abord, une définition : « La police administrative est l'une des formes d'intervention de l'Etat et du pouvoir administratif par la régularisation des libertés dont l'objectif est la garantie de l'intérêt public.» Dans le même document, on peut également lire : « Le suivi de l'évolution de l'état d'esprit du citoyen par la détection des dysfonctionnements dans les institutions, des indices d'alerte nécessite une collecte d'informations précise? ». Dans certains cas, elle est plus qu'évidente. Le paragraphe qui suit résume une des missions de la police administrative : « La présence quotidienne des services de sécurité et autres agents de l'état sur le terrain permet le constat des dysfonctionnements dans les institutions et les services publics, comme la détérioration de la chaussée, l'absence d'éclairage public, des gardiens dans les établissements scolaires, l'occupation anarchique des chaussées par les commerçants, les jets d'ordures ménagères dans les endroits autres que ceux réservés à cette fin, les perturbations dans l'approvisionnement des populations, le laxisme des administrations publiques, le défaut d'écoute, et autres services en relation avec les attentes des citoyens y compris l'absence de sécurité... » Hélas, entre ce qui s'écrit officiellement et la réalité du terrain, il y a un monde.

Stimulés par le laxisme ambiant et agissant de nuit, certains citoyens érigèrent des ralentisseurs devant leur maison se substituant ainsi à l'autorité administrative. Les hors- la- loi se comptent aussi parmi les habitants qui colorent les bordures de trottoirs en rouge et blanc, les cafetiers qui squattent les allées piétonnières, les parvenus qui sans crier gare ont intégré dans leur propriété des espaces domaniaux et la liste est longue. Quand on sait que la pose d'une simple plaque de signalisation nécessite une délibération de l'A .P.C., il y a de quoi s'inquiéter face à ces comportements inciviques. Le vivre ensemble est taillé en pièces par une faune de gens qui ne soucient guère des désagréments qu'ils provoquent.

Ce regain d'anarchie a atteint son apogée avec l'entrée en lice de gardiens de parking autoproclamés, armés de gourdins et revêtus de gilets phosphorescents censés leur conférer une certaine autorité. Ils pointent le nez à la portière dès que vous vous apprêtez à quitter la voie de stationnement exigeant de vous le prix de l'épargne car ils estiment que c'est grâce à eux que votre véhicule a échappé au vol. Un racket qui ne dit pas son nom. Cela n'émeut personne.

La paix sociale a bon dos et on s'en accommode quitte à étouffer notre fierté.

De grands gaillards capables de casser du roc font quotidiennement les poches aux citoyens qui ne savent plus à quel marabout se confier.

Le manque d'éducation, l'indiscipline généralisée ajoutée à l'aphonie coupable des associations de défense de l'environnement ainsi que la passivité des services concernés interpellent les bonnes consciences. Comment s'accepter dans de telles conditions sociales ? Les experts affirment que quand l'agressivité est partout, le potentiel humain a tendance, pour se protéger, à se rapprocher des conduites animales.

Un pernicieux stress se développe au quotidien en raison de ces atteintes répétées à la liberté de circuler, de jouir des bienfaits de la nature comme la mer ou le jardin public. Cette pression n'est pas sans conséquence sur la santé des citoyens. Et dire qu'avant, la présence d'un simple garde champêtre pouvait dissuader les plus courageux des récalcitrants.

Ni la prévention, ni les mesures coercitives ponctuelles n'ont eu d'effets probants.

Encore une fois la suprématie de la puissance publique doit se traduire par une application stricte et constante des lois et règlements. Pour que règne l'ordre et la discipline.