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À la recherche d’un avenir durable pour les océans

par José Graziano da Silva *

Dans de nombreux aspects de la vie, l’humanité doit beaucoup aux océans. En effet, ils jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement des écosystèmes et la régulation du climat et fournissent un soutien culturel important aux millions de personnes qui vivent près de la mer.

Le moment est venu de leur rendre la pareille et de cesser de les considérer comme des dépotoirs. Aujourd’hui, ils sont menacés, entre autres, par la pollution, le changement climatique ou les pratiques de pêches non durables, des facteurs causés par les activités humaines. C’est pourquoi la communauté internationale, en approuvant le Programme 2030 et les objectifs de développement durable (ODD), a spécifiquement défini l’ODD 14, nous donnant la responsabilité de «conserver et d’exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable». Cela est essentiel pour garantir la durabilité des océans, mais il reste encore beaucoup à faire. La réalisation de l’ODD 14 nécessite un travail d’équipe et un esprit de partenariat entre les diverses parties prenantes issues de nombreux pays et secteurs.

LA CROISSANCE BLEUE

Les éléments et les objectifs définis dans l’ODD 14 sont identiques à ceux énoncés dans l’Initiative en faveur de la croissance bleue, lancée par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), pour concilier la croissance économique liée aux océans et l’amélioration des moyens de subsistance et de l’égalité sociale.

Alors que 3 milliards de personnes dépendent de la biodiversité marine et côtière, toutes les nations conviennent de la nécessité d’accroître les efforts pour protéger les océans et les mers, en particulier face au changement climatique, alors que les interventions transformationnelles deviennent de plus en plus urgentes et globales. Les océans couvrent presque trois quarts de la surface de la Terre, absorbant un tiers de toutes les émissions de carbone causées par les activités humaines. Ils participent à la solution et doivent être notre priorité dans nos efforts d’adaptation au changement climatique et d’atténuation de ses effets.

Les chercheurs ont découvert que le plancton, les poissons et les mammifères marins peuvent prendre les matières plastiques pour de la nourriture et ont détecté la présence de polluants interdits dans des organismes vivant à une profondeur de plus de 10 km. Les eaux, dont l’acidification a augmenté de 25 % depuis la révolution industrielle et qui sont un signe révélateur de la quantité excessive d’émissions de gaz à effet de serre, peuvent avoir des incidences sur la croissance des poissons et des invertébrés ainsi que sur leurs modes de reproduction.

La protection et une utilisation responsable de nos océans sont une tâche commune. Nous sommes tous sur le même bateau. Il s’agit donc de faire appel à d’éventuels partenariats au-delà de la production industrielle et, en particulier, de faire participer les communautés et les consommateurs. N’oublions pas que l’ODD 14 ainsi que l’ensemble du Programme de développement durable à l’horizon 2030 sont une réponse aux demandes des peuples. L’appel à l’action et à la responsabilisation lancé par le public est fort. En effet, depuis 2003, la quantité de produits de la mer certifiés dans le cadre d’initiatives mondiales a été multipliée par 40. Cela représente plus d’un septième de la production totale des produits de la mer, une quantité qui, d’ailleurs, augmente rapidement et qui, je l’espère et j’en suis persuadé, dépassera bientôt un sixième des produits de la mer issus de la pêche illégale, non déclarée et non réglementée.

DONNER UNE IMPULSION À L’ACCORD RELATIF AUX MESURES DU RESSORT DE L’ÉTAT DU PORT

La FAO lance des campagnes pour faire respecter des règles équitables dans un secteur international où les recettes nettes d’exportation des pays en développement sont supérieures aux recettes commerciales de tous les produits agricoles de base. Il est difficile de soutenir des moyens de subsistance et des stocks de poissons durables lorsque les lois ne sont pas respectées.

Une initiative très importante à cet égard est l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). La FAO a rédigé et négocié des accords au traité destinés à intercepter les navires qui se livrent à la pêche illicite et à empêcher que leurs prises – qui représentent environ un volume estimé à plus de 26 millions de tonnes chaque année et d’une valeur de 23 milliards de dollars – soient introduites sur le marché. Cet Accord, qui est entré en vigueur en 2016, marque le début d’une aube nouvelle, allant bien au-delà des règles relatives à l’État du pavillon et du port fixées précédemment et imposant à tous les navires d’être inspectés à chaque fois qu’ils accostent, même pour se ravitailler en carburant.

L’Accord est particulièrement important, car l’une des cibles spécifiques incluses dans l’ODD 14 consiste à mettre fin, d’ici à 2020, – dans trois ans seulement – à la pêche INN afin de restaurer, dans des délais les plus courts possibles, les stocks de poissons à des niveaux qui permettent d’obtenir des rendements maximaux durables. Pour y parvenir, tout le monde devra monter au créneau. La mise en œuvre énergique de l’Accord et le respect des protocoles de gestion des pêches sont évidemment essentiels, comme le sont les initiatives visant à réduire le nombre d’engins de pêche abandonnés en mer et à les récupérer, ce qui représente 640 000 tonnes de déchets jetés dans les océans chaque année, soit environ un dixième du volume total répertorié. La FAO encourage activement la mise en place de règles plus strictes pour le marquage des engins de pêche, dont la reconnaissance par les participants industriels assénerait un coup mortel aux activités de pêche INN et faciliterait la récupération des filets et autre matériel dans lesquels les poissons s’emmêlent lorsqu’ils sont perdus ou jetés dans la mer.

LA COOPÉRATION INTERNATIONALE

La FAO participe à la mise en œuvre de nombreux programmes visant à promouvoir des pêches durables et à préserver les ressources marines. L’un d’entre eux, le Programme Nansen, est mené à bien en partenariat avec le Gouvernement norvégien. Au cours des 40 dernières années, les navires financés par la Norvège et battant pavillon avec le drapeau de l’ONU ont mené des activités de recherche qui ont contribué à approfondir nos connaissances des écosystèmes sous-marins et des pêches nécessaires à la vie dont dépendent tant de personnes dans le monde, en particulier dans les pays en développement, en Afrique et en Asie. Il nous a permis d’améliorer la recherche et les activités où les observations marines sont très limitées et de mieux comprendre les effets du changement climatique et autres facteurs extérieurs comme la pollution sur les écosystèmes aquatiques. Cet aspect est essentiel pour permettre aux pays en développement de renforcer la résilience des écosystèmes et des communautés côtières, en particulier en ce qui concerne la pêche artisanale.

INCLURE LES PEUPLES DE LA MER

Nous devons veiller à ce que le changement en faveur de la durabilité apporte des avantages aux peuples qui dépendent le plus de la mer : les résidents des petits États insulaires en développement et les pêcheurs artisanaux, en particulier dans les pays en développement. Ces États et ces communautés n’ont pas les compétences ni les capacités de mener à bien, seuls, ces transformations. Alors que la FAO offre une assistance et des conseils, il est indispensable que tous, en particulier ceux qui sont plus à même à assumer la responsabilité, reconnaissent la nécessité de redoubler d’efforts en prenant eux-mêmes des engagements encore plus ambitieux. La pêche responsable dans les eaux nationales et internationales, des connaissances appropriées, le transfert des technologies et la collaboration visant à introduire les produits de la mer sur les marchés mondiaux sont des éléments essentiels.

Actuellement, environ 120 millions de personnes dépendent des pêches commerciales pour assurer leurs moyens de subsistance et près de 90 % d’entre elles travaillent dans des pêcheries de petite taille situées dans des pays en développement, en particulier en Afrique et en Asie. Elles figurent parmi les communautés les plus pauvres au monde et risquent d’être marginalisées si nous ne prenons pas conscience de l’importance des pêches artisanales.
Les pêches durables et l’aquaculture sont essentielles aux efforts que nous déployons pour mettre en œuvre le Programme 2030 et réaliser non seulement l’ODD 14, mais aussi éradiquer la pauvreté extrême et la faim, comme il est stipulé dans les objectifs 1 et 2.

*Directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.