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Rien ne vaut la «transparence» pour cacher la vérité!

par Mourad Benachenhou

«Rien de mieux qu'un trop-plein d'information pour noyer le peuple dans l'ignorance!» (Auteur Anonyme)

Hier encore, tout était «au vert» dans l'économie et les finances du pays, du moins si l'on en croyait les déclarations «urbi et orbi» du gotha politique.

Le «Programme Présidentiel» cause de la faillite de l'Algérie?

Le «programme présidentiel» était présenté jusqu'à ces tout derniers jours comme la ligne directrice fondamentale servant de guide parfait dans le gouvernement du pays. Tous les sycophantes professionnels, qui occupent le devant de la scène politique, ne juraient que par lui, et en faisaient la pierre de touche pour désigner les «heureux élus,» ayant accès aux privilèges du pouvoir. Un programme ne se juge que par ses résultats. Et, voilà que l'on proclame de manière officielle, que ce programme a mis en faillite l'Algérie. Et ce ne sont ni les habitués du «La Brasserie des Fac.» ni les «opposants professionnels en service commandé,» objets d'un courroux feint, et simple figure de «rhétorique» qui affirment cela, mais une haute autorité affublée du manteau du « Sauveur,» pour la circonstance, alors qu'elle n'a jamais caché, jusqu'à ces quelques derniers jours, son appui total et sans réserve à ce «programme présidentiel,» dont elle se présente maintenant comme le principal critique, et le «déballeur en chef» des quatre vérités sur lui et ses conséquences nocives.

Mais, quand le soleil se lève, tout devient clair et la franchise n'est plus une vertu, mais une simple reconnaissance de ce qui est visible pour tout un chacun!

Brusquement, semble-t-il, un de ceux qui sont au dernier étage de la hiérarchie du pouvoir a pris la peine de regarder par sa baie vitrée, et il voit un gros nuage noir dans le ciel, juste au dessus de sa bâtisse, super-sécurisée. Et il découvre, par hasard, que le pays est en plein ouragan!

Un ouragan dont les signes précurseurs datent de neuf ans

Le problème avec cette description, qui n'a rien de caricatural malgré les apparences, de la situation à laquelle est confronté le pays, et que viennent seulement de «découvrir,» par épiphanie, les «responsables,» c'est qu'un ouragan économique ne se produit pas avec la même rapidité qu'un ouragan du Sud Atlantique. Il faut beaucoup de temps, une série ininterrompue de mauvaises décisions, prises sur une longue période, sans réflexion, pour que le pays soit déclaré en «état de redressement.» Tous les voyants du tableau de bord économique ne virent pas brutalement du vert au rouge, comme le ciel qui se couvre de nuages sombres d'une minute à l'autre.

Qui , donc, surveille le tableau de bord du pays?

Une question qui vient immédiatement est «comment se fait-il que des responsables qui ont à leur disposition des centaines de milliers de fonctionnaires, qui ont accès en temps réel aux informations économiques les plus confidentielles du pays, aient mis autant de temps à s'apercevoir que la météo «économico-financière» annonçait un cyclone?

Pourtant, depuis ces neuf dernières années, avec moins de moyens, certains ont, de manière répétée, sonné l'alarme et mis à nu les impérities de la politique économique du pays. On les a sans doute traité de «chagrins,» de «déçus,» du pouvoir, «d'opposants professionnels,» de «mauvaises langues,» jalouses de la notoriété des uns et des autres. Finalement, et suivant l'expression: «le poulet tourne dans la rôtissoire.»

La seconde question est la suivante: ce défaut de vigilance, ou de «veille,» suivant une expression souvent employée, mais rarement prise en charge, n'est-il pas la preuve, malgré les mises en scène périodiques télévisuelles, que le sommet de la hiérarchie ne tient les rênes du pouvoir que de manière plus ou moins chronique, et non de façon continue, comme le demande sa haute fonction? Se pose alors, parallèlement à cette brusque découverte de la situation dramatique du pays, le problème de la pérennité du titre suprême dans le pays. Ces trois questions sont liées, même si la rhétorique politique de certains voudraient les voir posées de manière distincte les unes des autres.

Une fois qu'il n'y a plus rien à cacher, on ne cache plus rien!

Maintenant, le scénario change; les Algériennes et Algériens sont noyés d'une avalanche de chiffres, à donner le tournis, et dont l'objectif est de les mettre en situation de panique extrême, afin de leur faire avaler la dure pilule du «redressement de bilan,» tout en leur faisant oublier que ce sont les artisans de cette situation qui continuent à régner. Sans perdre leurs privilèges, ni souffrir d'une interruption quelconque dans leurs pouvoirs ou leur autorité, ces «artisans» passent du rôle de «démolisseurs,» à celui de «redresseurs,» toute honte bue, et en voulant faire oublier leurs responsabilités totales et sans partage, tout autant que leur pouvoir, dans cette triste situation du pays.

Faire peur pour effacer ses propres responsabilités!

Un pays ne se retrouve pas en situation de «redressement, « du jour au lendemain. Derrière cette stratégie politique, il y a, en fait, une volonté de maintenir le statuquo à la fois économique et politique, en soulignant les aspects financiers de la crise actuelle, qui est non une cause, mais une conséquence, et tend à transformer les problèmes auxquels est confronté le pays en problèmes exclusivement comptables de redressement, dont même la durée a été «officiellement» fixée à trois ans, sans doute à la minute prés! On passe quasiment sans transition de l'ignorance la plus totale à la lucidité prophétique. On ne se doutait de rien, et brusquement on atteint l'omniscience réservée sur cette terre seulement aux prophètes.

Cette brusque omniscience apparait comme le don de prophétie chez certains «élus de Dieu.» On maitriserait toutes les «données» de problèmes dont, «officiellement,» on ignorait l'existence, il y a encore quelques jours de cela, et on connaitrait même «la date et l'heure précise» à laquelle ils vont disparaitre!

En conclusion: Ce brutal accès de transparence tente de cacher la vérité sur les causes de la crise économique sérieuse, pour ne pas dire dangereuse, causes qui ne peuvent se trouver que dans le «programme présidentiel,» dont tous les composants du système politique se réclamaient haut et fort, il y a très peu de temps de cela, et qui a brusquement disparu du discours officiel. On veut diluer les responsabilités dans cette crise, en allant jusqu'à abuser de la ruse de l'attaque lorsqu'on a tout lieu d'être dans la défensive.

Malgré cette tentative de brouiller les cartes, cette «transparence» constitue une reconnaissance implicite de l'échec de ce programme, qui a encouragé le consumérisme cosmopolite, tout en décourageant la diversification de la production nationale, et a exacerbé la dépendance économique dont souffrait déjà le pays depuis longtemps.

Pour remédier aux maux que ce «programme,» tant chanté pendant des décennies, et maintenant voué à l'opprobre officielle, a créé, on s'attendait à un gouvernement de «sursaut;» voici qu'on a un gouvernement de «sursis,» dont l'objectif est de gagner du temps plus que de redresser la situation.

C'est là probablement la vérité centrale que ce brusque assaut de «transparence» veut cacher.