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Quand la volonté de prendre des décisions courageuses vient à manquer !

par Abdelkader Khelil*

Si nos dirigeants font du surplace malgré les 1.000 milliards de $ dont ils ont disposé et que la dynamique du développement est restée bien en deçà de nos espoirs et de notre soif de progrès, c'est qu'ils ont toujours été pris de panique à l'idée de permettre à leur peuple de franchir le mur de la peur, s'ils voulaient croire aux capacités de cet immense potentiel de ressource humaine d'ici et d'ailleurs, non valorisé et mis outrageusement en « jachère ». À croire que leurs intérêts ne sont nullement compatibles avec ceux de cette Algérie qui s'apprête à vivre des moments d'une singulière dangerosité.

Oui ! Pauvre de nous ! Tout ce passe comme si nos dirigeants et gouvernants étaient paralysés par cette peur et cette crainte au lieu d'une joie fièrement assumée, de voir leur société s'émanciper en changeant de statut pour devenir celle de véritables citoyennes et citoyens libres et matures, d'un pays pouvant accéder au statut d'un pays émergent et surtout en mesure de garder constamment cette position, grâce à un effort continu et soutenu. Au lieu de cela, ils ont réussi à faire de notre population une entité « accro » à la facilité de la vie, au gain facile, à l'assistanat démesuré et bien souvent injustifié avec son corolaire la paresse et l'oisiveté. Et rien n'y fait ! Ils sont tétanisés et terrorisés à l'idée que nos concitoyennes et concitoyens puissent un jour s'affranchir de leur tutelle et de leur esprit hyper-centralisateur en détenteurs de toutes les cartes au sein d'un « club fermé », pour ressembler un jour à des gens normaux qui s'activent en tirant leurs revenus d'activités réellement productives et capables d'améliorer la richesse globale de leur pays.

En un mot, à être appelés à vivre d'autres choses que de la rente pétrolière et gazière réduite à une peau de chagrin, c'est-à-dire, du travail de la terre, du génie créatif de gens talentueux et d'autres métiers de nature à faire perler la sueur de leurs fronts comme c'est le cas chez tous les autres peuples et notamment ceux très proche de nous, le Maroc et la Tunisie. C'est pourquoi dans leur faillite, ils continuent de tout faire pour retarder cette échéance parce qu'ils n'ont jamais su être le moteur et « l'attelage gagnant » sur près d'un demi-siècle, en mesure de propulser notre société vers un horizon de prospérité partagée, obnubilés qu'ils ont toujours été par les échéances électorales permettant leur survie.

C'est le seul cap qu'ils savent se fixer en plongeant leur peuple fourvoyé dans sa léthargie et en différant ses attentes et espoirs à des lendemains sans promesses alors que le « bateau Algérie » peine à se maintenir à flot et risque de sombrer, si rien n'est fait rapidement. C'est que leurs orientations et médications pour sortir cette Algérie qui patauge dans la « mare aux canards », n'ont été que des leurres, et çà continue ! En fait, il n'y a que le sens de l'humour qui aide notre peuple à supporter sa détresse et sa misère !

RUSE ET MALICE EN GUISE DE GOUVERNANCE !

Oui ! Au lieu de tirer leur peuple vers la rive de la prospérité qui s'acquière par l'abnégation dans le travail productif, la civilité et non par des discours monocordes sans écho ni effet sur la situation de nos concitoyennes et concitoyens, ils ont réussi à le transformer en rentier, assurant à tout un chacun un salaire fictif à la faveur de la « location » des richesses du sous-sol aux multinationales. Tout le monde y a trouvé son compte dans ce contrat de dupes indexé au risque d'une banqueroute à la grecque, en sachant pertinemment que cette voie porteuse de dangers est sans issue. Pas besoin de se « fouler la rate » semblent dire ceux qui président à la destinée de leur « bon petit peuple » docile et crédule, assimilé par mépris à un ventre à entretenir et qui a pour devoir de seulement voter « massivement » par reconnaissance pour ceux qui croient le nourrir, pour maintenir la supercherie d'un système réfractaire, hermétique au changement et fonctionnant pour lui-même ! On ne lui demandera pas plus ! L'État providence est là pour veiller au « bonheur » d'une société engourdie et nos dirigeants ne sont nullement pressés de déranger dans leur sommeil, les « marmottes » qu'ils ont réussi à faire de nous dans cette Algérie de « ragda watmangi », juste pour avoir la paix sociale à défaut d'être imaginatifs, exigeants vis-à-vis d'eux mêmes et de la population. Leur seul souci est d'aller sans honte bue, « clopin-clopant » sans grosses difficultés aux élections de la bousculade autour des restes de privilèges d'un festin contrarié en mode continu, par la dérive des prix du pétrole et surtout, vers celles très attendues de 2019 en faisant le moins de vagues possibles alors qu'une tempête très houleuse s'annonce à l'horizon, sans perturber les mauvaises habitudes de consommation et de gaspillage d'une population tirée vers l'inconnu par souci de lui plaire, l'instant de ce rendez- vous ! « Chassez le naturel, il revient au galop », dit le proverbe et nous continuerons à tourner en rond en patinant sur la glaise humide et savonneuse, au risque de se casser la figure ! Nous sommes là, au chapitre de la gouvernance par la ruse, la malice et qu'importent les conséquences néfastes pour le pays qui va à la dérive ! L'essentiel pour eux, est que leurs intérêts personnels et leur soif de se maintenir à tout prix au pouvoir soient préservés, défendus et programmés.

Alors oui, tant que ceux sont les avoirs et privilèges d'une caste et d'une oligarchie de type mafieuse qui priment, il paraît difficile de mettre entre parenthèse l'instant d'une mobilisation citoyenne sans faille pour le sursaut salvateur qu'une charte nationale de l'honneur - s'il nous en reste encore un peu- pourra définir. Les chicaneries, les palabres stériles et sans fin, les animosités, l'invective, les faux problèmes et toutes ces tentatives grossières de clans géographiques, financiers et ethniques, de groupes d'individus et d'intérêts communs solidaires, animés par des desseins pour le moins qu'on puisse dire très opaques, sont à bannir. Mais savent-ils au moins que dans la vie, il n'y a pas que leur « pré-carré », leur « moi » égoïste qui doit primer ? Chez les gens sachant donner un sens à l'intérêt suprême de la nation, tout doit se ramener obligatoirement à la globalité, à la collectivité nationale, à la société au sens large en tant qu'entité unie et solidaire et non, à l'acte qui consiste à dépouiller la collectivité de ses richesses non renouvelables et de son patrimoine commun. Sinon, la vie ne mérite pas d'être vécue et leur présence n'est d'aucune utilité ni pour leur peuple, ni pour leur pays qu'ils n'auront jamais su servir loyalement et dignement! Oui ! C'est ce que retiendra sans aucun doute, l'histoire de cette Algérie trahie par les siens, au détriment du sacrifice de ses valeureux Chouhada ! L'on dira alors d'eux tout au moins, qu'ils ont failli à leur devoir !

S'ils n'arrivent pas, ou ne veulent pas s'engager avec détermination et abnégation dans la voie du travail correctement accompli et du progrès en apprenant à se rendre utile à leur pays qui leur a pourtant tout donné, c'est qu'ils affectionnent le jeu des « dés pipés » et des « cartes truquées » comme option la plus confortable pour eux, et le maintien du « statu quo » du confort de « l'assis en tailleur » sans autre alternative de sortie des cauchemars qui hantent notre pays dans le sommeil profond dans lequel ils l'ont plongé. Si l'on est dans ce scénario cauchemardesque, c'est qu'ils n'ont pas su imposer ni avec courage ni avec loyauté quitte à ne pas plaire, un code de conduite marqué par la moralisation de la vie publique, l'exemplarité et l'abolition de l'impunité, afin de rendre chacun et chacune de nous, comptable de son apport à la collectivité nationale, du plus haut au plus bas niveau de la pyramide. C'est pourquoi, ils maintiennent artificiellement et un temps soit peu la paix sociale, tant qu'ils auront encore quelque chose à distribuer, à ceux qui ne leur sont aucunement redevables.

Aussi, la gestion des affaires publiques est restée fortement marquée par une approche de séduction pour ne pas dire de « corruption » du « petit peuple » qui s'y plait lui aussi à être servi en biens d'équipements et autres avantages, sans aucune contrepartie de travail en retour. Bien au contraire, la chose donnée gratuitement est souvent accompagnée par cette réaction qui consiste : à défier continuellement l'autorité des pouvoirs publics, ou à porter atteinte aux symboles et institutions de l'État ! Cela nous a conduit à une impasse, et sans que le besoin de mobilisation des capacités d'analyse, d'expertise et dévaluation ne soit ressenti par nos décideurs et gouvernants devenus autistes face à une situation pourtant gravissime, et aux retombées incalculables au plan économique, social, politique et culturel. Ils restent comme à leur habitude, dans le bavardage, les vœux pieux du : « nous allons faire » sans jamais tenir leurs engagements et dans l'improvisation au jour le jour, parce que convaincus de savoir tout sur tout et de ne pas recourir à la réflexion pour bâtir des stratégies et des politiques à long terme? Quel malheur que cette attitude d'entêtement et cette omnipotence !

PENDANT CE TEMPS QUE FONT LES AUTRES POUR MIEUX S'EN SORTIR ?

C'est vrai qu'à l'instar d'autres pays arabes comme l'Algérie, le Maroc et l'Égypte pour ne citer que ces trois, la Tunisie reste encore confrontée à de sérieux défis. Personne n'ignore les années extrêmement difficiles par lesquelles le tourisme tunisien est passé après les attaques terroristes qui ont visé ce pays en 2015. Ses dirigeants ont été appelés à mettre en œuvre d'importantes réformes économiques pour combattre une inflation élevée et un chômage généralisé, dont souffre particulièrement la jeunesse tunisienne. Ils font également face avec détermination et courage, à la corruption et aux menaces d'extrémistes qui opèrent à l'intérieur du pays et en Libye voisine. Trois années plus tard, l'afflux de touristes a repris en cette saison 2017 et le rapport de l'Organisation Mondiale du Tourisme a placé ce pays voisin dans le Top 10 des destinations touristiques mondiales les plus en vogue et susceptibles d'évoluer d'avantage dans les années à venir.

Selon l'OMT, les conseils de voyages fournis par le bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth britannique suite à l'attaque terroriste sur la plage 'un hôtel à Sousse auraient favorisé nous dit-on, la reprise de confiance des touristes. L'OMT avance une augmentation du trafic touristique en Tunisie de 32% et indique que près de 7,5 millions de touristes visiteraient la Tunisie en 2017, un chiffre proche des 7,8 millions recensés en 2010. Ce n'est là certainement pas le fruit d'une publicité comme on veut nous le faire croire outre-mer puisqu'anglais et français ne sont pas revenus massivement, ni du hasard, mais plutôt d'un savoir-faire et du lobbying intelligent et efficace dont disposent les managers tunisiens de ce secteur vital. C'est aussi, le résultat d'un travail soutenu, d'une volonté de réussite, d'un courage et d'une dextérité tunisienne dans la formulation d'une image d'un pays tolérant, non refermé sur soi et accueillant sans aucune discrimination et sans exclusive des étrangers. À fin juillet 2017, ils étaient 1,8 millions d'algériennes et d'algériens à visiter la Tunisie selon les statistiques officielles livrées par le directeur général de l'Officie national tunisien du tourisme (ONTT), et seront certainement plus de 2 millions avec les fêtes de fin d'année.

J'ai eu l'occasion de me rendre cet été en Tunisie, et j'ai pu mesurer le degré de conscience élevée chez les Tunisiens, à travers les discussions auxquelles vous invitent leurs taxieurs polyglottes et cultivés pour la plupart qui abordent volontiers avec vous des discussions sur l'histoire du Maghreb, la situation des pays arabes et bien d'autres questions, sans chercher à vous escroquer, comme certains de nos taxieurs formels ou « clandestins » en mettant leur compteur en marche et sans rechigner comme chez-nous, sur la destination que vous leur indiquez. Celui qui sait tendre une oreille attentive à leurs propos, s'apercevra de leur sens du civisme et du patriotisme, du respect de la chose publique, de l'intérêt qu'ils portent pour le travail productif et de leur capacité de résistance à une crise économique à laquelle ils s'accommodent avec courage, sans trop demander à l'État. S'il est à parier que les Tunisiens seront capables d'accomplir des progrès significatifs en peu de temps, c'est qu'ils considèrent comme dit un de leur dicton, que : « la multitude est plus forte que le roi.» et ils le prouvent chaque jour, par la prise de position par rapport aux questions majeures d'intérêt général? Cet éveil citoyen, est le fruit de la politique du Président Habib Bourguiba qui a concentré l'essentiel de son génie, dans l'éducation de son peuple et son esprit d'ouverture à la modernité, sans perdre de son authenticité?

La Tunisie touristique d'aujourd'hui qui attirent les Algériens par millions, rappelle l'Algérie touristique des années 70 admirablement portée sur l'écran, à travers le film mythique : «Les vacances de l'inspecteur Tahar» réalisé en 1973, par Moussa Haddad. Celle de la défunte zone touristique algéroise : de «Moretti» avec ces belles villas et bungalows, ses restaurants la «Grande vague», le «Grill-room», la «Voute», la «Gondole», «l'Hacienda» et sa spécialité de poissons ... Ses hôtels: «El Minzah», les «Bâbords», le «Sahel», le «Riad», l'hôtel du port et le «Manar» à Sidi Fredj sans oublier les plages du défunt «Club des Pins /Moretti», Zeralda avec les hôtels «Mazafran», les «Sables d'or» et leurs belles plages, mais aussi, Tipaza avec son hôtel le «Matarés» et son village touristique de la «Corne d'or».

Qu'elle « belle époque » disparue à jamais où le tourisme était géré avec professionnalisme par l'Office national du tourisme et de l'hôtellerie qui n'a pas hésité à former ses maitres d'hôtels au Canada. Des contrats étaient signés avec des Agences de voyage de tous les grands pays émetteurs de touristes, et des avions charters débarquaient par milliers, des occidentaux dans les aéroports algériens du Nord et du Sud. Ce n'est pas comme aujourd'hui où les ministres qui se sont succédés à la tête du département du tourisme, ont brillé par le fait qu'ils n'ont pas été en mesure de concevoir une stratégie et un « master plan » de relance de ce secteur vital. Pour remplir leur temps, ils se sont contentés de visites de salons, de chantiers d'hôtels privés, d'auberges de jeunes et de hammams. Et chacun d'eux n'a cessé de répéter inlassablement : « Nous avons un beau pays ! », comme s'il s'adressait à un peuple « hors-sol » ne sachant pas ce que sont les atouts formidables de cette Algérie pourtant orpheline !

C'était la « belle époque » du Tourisme algérien, où sur les plages pleines à craquer, se côtoyaient Algériens et étrangers. Les jeunes passaient souvent leurs nuits à la plage de « Moretti » jusqu'au petit matin en toute sécurité, comme ils le font aujourd'hui en Tunisie, au niveau des plages de « Hammamet » de la « Goulette » et de « Sousse ». Les étrangers visitaient la Casbah d'Alger et des excursions leur étaient organisées chaque week-end vers la mythique oasis de Boussaâda avec son prestigieux hôtel le « Caïd » ou la vallée du « M'zab », pour revenir en début de semaine à leurs hôtels toujours archicombles. Oui l'Algérie des années 70 avec sa vie de nuit dans les grandes villes, était dans le domaine du tourisme international, la Tunisie d'aujourd'hui et aurait été probablement d'un niveau égal à celui de la Turquie si quelque part, un ressort ne s'était pas cassé !

Mais que c'est-il donc passé ? Pourquoi avons-nous eu peur d'avancer ou plutôt pourquoi avons-nous voulu régresser ? Qu'elles en sont les causes ? Pourquoi n'avons-nous pas osé travailler et tendre vers l'émergence d'une société moderne, pacifique et attractive alors que nous avions les atouts et les moyens tant humains que matériels pour le devenir, quand nos universités et grandes écoles étaient d'un niveau international ? Faut-il invoquer encore une fois comme à notre habitude, la thèse du complot et de la main étrangère ? Ce n'est certainement pas à moi d'y répondre ! Ce que je constate par contre, c'est que nous avons bien régressé et que seuls les pays qui osent ne pas « caresser leur peuple dans le sens des poils » et qui ne versent ni dans le populisme, ni dans la démagogie outranciers au point de franchir les lignes rouges, qui arrivent à s'en sortir et à aller de l'avant!

Tel est le cas de la Tunisie ! Que l'on en juge ! À l'occasion du 60ème anniversaire de la promulgation du Code de la Femme Tunisienne et de sa fête, le 13 août 2017, le Président de la République, Béji Caïd Essebsi, à ouvert le débat sensible sur l'égalité successorale entre femmes et hommes. « Nous allons vers l'égalité (?) dans tous les domaines, et toute la question réside dans l'héritage », a-t-il souligné dans son discours en évoquant la constitution de 2014 qui stipule que : « les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et devoirs.» Par sa prise de position, le Président s'attaque à un sujet tabou et particulièrement sensible dans le monde musulman, en quelque sorte, une ligne rouge qu'aucun de ses dirigeants n'a osé jusque là franchir ou abordé sereinement et intelligemment ! Si d'aucuns peuvent considérer cette décision d'ouvrir le débat et la réflexion sur cette question sensible comme une provocation, un calcul politique, voire comme un « acte d'apostasie », c'est aller à mon sens vite en besogne ! Nous sommes là, au chapitre de la réflexion à partir du moment où une commission ad-hoc présidée par Bohra Belhadj Hmida (députée et ancienne présidente de l'Association tunisienne des femmes démocrates) a été mise en place à l'effet de suggérer des réformes. C'est ce que nous pouvons appeler : le courage politique et l'exégèse savante qui sont antinomiques avec les positions statiques et dogmatiques de ceux qui veulent plaire à leur peuple en vue de gagner sa confiance, même de façon artificielle !

C'est vrai que la commission n'a pas encore engagé ses travaux, que les rumeurs vont bon train dans les différentes couches de la société, sonnant ainsi la rentrée pour les partis politiques et la société civile, ce qui dénote de la vitalité de la société tunisienne qui n'est jamais indifférente aux enjeux et défis déterminants pour son devenir pour avoir appris à surmonter les difficultés, les entraves et tabous sans violence, sans pneus brûlés ni routes barrées, et sans détérioration de mobilier urbain ! Tout se fait dans le dialogue et la civilité ! Les réactions il y en a eu bien sûr ! Comme celle d'Abdelfattah Mouron, membre du parti islamiste d'Ennahda et vice-président de l'Assemblée de députés du peuple, qui a dit ne pas s'opposer à un « débat » sur le sujet.

Il y a eu aussi celle du Mufti de la République, qui avait conspué l'année dernière le projet de loi au nom de la charia et qui semble avoir effectué une volteface en publiant un communiqué dans lequel il est dit : « Ces propositions renforcent la position de la femme et sont une garantie au principe d'égalité entre l'homme et la femme en droits et devoirs.» Il est vrai que le syndicat des imams l'a fait taire, en appelant à sa démission ? Cette question a aussi fait réagir l'adjoint du grand imam de la mosquée Al-Azhar, haute autorité de l'Islam sunnite, qui a exprimé son opposition au discours d'Essebsi, le jugeant lui aussi contraire à la charia. La réaction de la présidente de la commission ad-hoc fût cinglante : « Al-Azhar n'a qu'à s'exprimer sur les affaires de son pays », a-t-elle dit !

POURQUOI AVONS-NOUS PEUR DE PRENDRE DES DÉCISIONS COURAGEUSES ?

L'avenir d'un pays n'est pas exclusivement l'affaire et monopole de dirigeants et de gouvernants ! Tout le monde doit s'y sentir concerné et impliqué, ce qui suggère forcément une prédisposition et une culture du dialogue, de la consultation, de l'avis des femmes et des hommes de savoir, et de la remise en question de certitudes arrêtées de façon dirigiste et autoritaire, parce que l'évolution de toute société ne peut se concevoir que dans de perpétuels changements qui sous-tendent bien évidemment, une permanence dans la négociation, dans le dialogue et dans la recherche d'un consensus autour des questions majeures, déterminantes pour l'avenir de notre pays. Sinon, comment expliquer qu'avec tous les atouts matériels et humains dont elle dispose, l'Algérie reste enlisée dans un marasme et un sous-développement structurel, alors que des pays nettement moins nantis à l'exemple du Maroc et de la Tunisie enregistrent eux des progrès appréciables dans beaucoup de domaines et pas seulement dans ceux comme l'agriculture, le tourisme et les services pour lesquels elles ont des avantages comparatifs significatifs !

De toute évidence, focalisés qu'ils sont par le maintien de la « paix sociale » en vue de leur maintien au pouvoir à n'importe quel prix, ils ont peur du conflit, peur des arbitrages, peur des débats, peur de l'échec, peur de communiquer, et peur d'être ou de devenir impopulaires de par le fait qu'ils soient formatés et conditionnés par le souci de plaire à tout prix, même au risque d'être à contre-courant de l'intérêt actuel et futur de toute la collectivité nationale. Ils restent alors dans une fonction distributive de la rente à fonds perdus, sans trop songer à aux lendemains fait d'incertitudes, puisque chacun réclame sa part de la rente pétrolière et gazière comme par peur que tout le « gâteau » soit pris par les autres ! Mais après ? Et alors qu'il ne reste presque rien à distribuer de la « carcasse Algérie », parce que sa chair a été totalement raclée par les « charognards », l'on essaie de nous vendre l'option de la planche à billet, cette trouvaille qui nous est imposée sans jamais avoir songé à d'autres alternatives qui nécessitent une prise de décisions courageuses et que l'on n'ose pas prendre pour ne pas s'attaquer à ceux qui détiennent des fortunes colossales indûment accumulées!

Et si l'on décidait de changer nos billets de banque pour restaurer la normalité et l'efficacité dans les transactions commerciales en amenant les gens à contribuer de façon citoyenne à intervenir dans le processus de développement en payant tout naturellement leurs impôts et en investissant leur argent en toute transparence dans les circuits de l'économie formelle ? Et si on rétablissait le paiement par chèque dans tout au moins les grandes opérations de transactions commerciales et mettre fin à la politique de la « chkara » moteur de l'économie de l'informel, de l'opacité, de la corruption et du clientélisme chers à l'oligarchie mafieuse actuelle ? Ces dispositions seraient-elles plus osées que celle prise par le Président tunisien en matière d'égalité successorale entre les femmes et les hommes ? Certainement pas, puisque dans le cas tunisien, la question évoquée relève du « sacré » ! Alors, pourquoi cette « frilosité » et cette absence d'initiatives et de courage politique qui coûtent très chers à notre pays et à notre économie en nous faisant perdre du temps et de l'argent, lorsqu'il s'agit de prendre des décisions que tout esprit rationnel épris de rigueur peut accepter sans grande difficulté ? Pourquoi ne pas apprivoiser nos peurs, plutôt que de passer notre temps à les fuir, et faire de la sorte grandir le courage politique, la ténacité et l'ardeur de nos concitoyennes et concitoyens au travail productif ? Cette façon de faire, n'est-elle pas une manière d'extirper le leur socle, les mentalités endurcies et verglacées d'une époque de faste et de profusion ? N'est-ce pas là, la seule voie responsable qui mène à la confiance en soi et à l'épanouissement de la personnalité algérienne qui s'est fortement dépréciée et dévalorisée au fil du temps, et à l'ombre des largesses de l'État providence et de ses inconséquences néfastes ?

On prend peur quand il faut engager les véritables réformes pour mettre fin à cette école sinistrée et incapable de former les citoyens de demain, et que des syndicats souvent défenseurs de rentes manifestent et prennent en otage nos enfants à la veille de leurs examens ! On prend peur quand il faut décentraliser l'acte de gestion et faire dans la proximité, pour une meilleure efficience économique ! On prend peur quand il ne faut pas hésiter à prendre des mesures pour remettre les gens au travail et améliorer le niveau de prestations de notre administration dévoreuse d'initiatives et étranglée par l'archéologie de lois et règlements préhistoriques! On prend peur quand il faut distribuer des logements, ou quand les gens manifestent et qu'il faille discuter avec eux pour les convaincre ou pour mesurer le degré d'efficacité des réponses apportées à leurs préoccupations !

Oui ! Il faut finir par admettre, que nos peurs sont de mauvais conseillères et guides lorsqu'elles prennent le pas pour tous les actes de nos vies, s'érigent en style de gouvernance de la compromission et non du compromis utile et nous empêchent d'avancer ! Mais après tout, y a t-il une vie qui vaille la peine d'être vécue sans peur et sans risque ? Le stress qu'ils peuvent induire n'est- il pas dans certains cas, fort utile et fort mobilisateur pour alerter d'un danger ou d'un avenir sans issue ? L'intérêt national doit être au-dessus de toutes autres considérations, connues ou cachées, conscientes ou inconscientes. Alors ! Oui ! Le courage ne se limite pas à ignorer les peurs motivées par les questions liées aux intérêts des générations futures, mais d'avancer avec elles, à partir de l'ouverture d'un débat conduit par un collège d'experts nationaux de haut niveau, d'ici et d'ailleurs, à la probité avérée qui sauront mettre les intérêts suprêmes de leur pays, face aux appétits féroces de ceux qui risquent de nous entrainer dans une aventure périlleuse, ne plaise à Dieu ; un panel mettant l'avenir du pays au-dessus de toutes considérations de type clientéliste, clanique ou matérialiste égoïste. C'est là, une manière d'aller de l'avant sans se laisser paralyser, en prenant pas à pas le sentier du courage, de la réflexion constructive et des décisions durables qui place au-dessus de tout, l'intérêt national actuel et futur.

Sans cela, nous resterons là, recroquevillés sur nous mêmes à consommer le peu qui nous reste de richesses, alors qu'autour de nous, tout le monde s'active pour s'assurer une place dans le concert des nations émergentes, alors que pour nous, demain sera fait du « sauve qui peut », vers un nulle part, tout étant par ailleurs verrouillé ! Mais rien n'est perdu ! Il faut juste se ressaisir, et marcher d'un pas résolu et avec détermination vers l'horizon d'un avenir meilleur ! Pour cela, l'Algérie a besoin d'hommes et de femmes solides et construits qui doivent considérer que la société algérienne n'est pas réduite à un organisme qu'il faut entretenir et rassasier ! Le peuple attend un changement d'usages et de visages, et non des réformes cosmétiques ! L'enjeu dans l'immédiat, et d'éveiller les consciences dormantes, afin qu'elles ne soient pas à la merci des « fourches caudines » du FMI, comme se fût le cas dans les années 90 avec les restructurations léonines et la montée de l'intégrisme ?

*Professeur