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Crise ou crise de gestion ?

par El Yazid Dib

Ouyahia a fait passer aisément son programme. Ce qu'il contient a été un débat et le restera. Ce qui importe le plus ce sont les acteurs de sa mise en œuvre. En qualité, en engagement et en intensité.

Question existentielle : si le programme creuse à chercher et trouver les moyens, le fait-il cependant pour trouver les bons et hardis artisans ? Peut-on faire avec le même instrument une chose et son contraire ? Un sabre sert à couper et non à coudre.

C'est un bilan qui doit par principe précéder tout discours. C'est ce qu'exige par ailleurs toute règle de bonne gouvernance. vis-à-vis des points forts d'un programme, existent inéluctablement des points faibles. La pédagogie managériale voudrait qu'en face de réalisations, subsistent naturellement des contraintes et qu'y mettre avec acuité et insistance le doigt, c'est déjà un commencement de thérapie. En faire abstraction, par contre ne peut se prévaloir d'une quelconque bonne gestion.

Il apparait au grand jour, de l'avis d'experts et d'officiels que nous ne traversons pas une crise exclusivement financière, mais nous vivons en pleine crise d'économie de gestion. Si l'argent manque crûment ceci ne traduit pas qu'il n'existe pas. Il faut seulement savoir d'où le puiser, prendre connaissance des potentialités qui foisonnent et placer une machine intelligente pour son exploitation. Le pays n'est pas à sa première épreuve du genre. Il a bien traversé des périodes intensément difficiles. Y avait-il les moyens nécessaires pour décider et mener une guerre contre un empire colonial des plus puissants alors ? Sans cette volonté unanime, sans cette opiniâtreté commune et consensuelle l'on aurait encore prolongé la longue nuit de l'oppression. C'est dire que devant l'homme accompli aucune difficulté ne reste infranchissable. Recréer l'homme algérien devait faire une priorité absolue. C'est là où réside tout le brio d'un effort qui tend à parfaire les choses et les êtres. Investir dans l'homme reste le meilleur capital imprescriptible. La légende raconte qu'après un siècle de la construction de la grande Muraille de Chine, la Chine avait été envahie par trois puissances étrangères. Elles n'eurent pas à escalader la muraille. La conquête eut lieu par les portes de celles-ci. La corruption et la compromission des gardiens en furent la cause. C'est là toute une leçon prodiguée par l'histoire des types de constructions utiles. Construire l'homme et non la pierre.

Quand des taches publiques à haute responsabilité sont confiées parfois à des apprentis, parfois à défaut ou à mauvais propos à des petites sommes , l'heure devient fatidique. Car un grand manager c'est celui qui possède cette faculté de pouvoir d'abord discerner les frontières entre une amitié et une fonction et ensuite tracer les limites entre un intérêt général et un autre de générosité personnelle. Le placement de connivence ou le parrainage peut toutefois engendrer de la valeur ajoutée en cas d'harmonie d'objectifs et de partage d'idéal. Là, s'instaure un esprit d'équipe et non de clan. Lorsqu'il est sain, cet esprit ne manquera pas de réaliser énormément de prouesses.

Un responsable qui prend à profusion l'ordre de commettre ou d'omettre d'une borne référentielle en dépit de la clarté de ses attributions, ne saura se déterminer à tous ses actes de gestion. La responsabilité au sens propre et noble du terme n'est-elle pas, en tous cas une décision à prendre conformément à la loi et à son intuition, loin de toute interférence ? Si à chaque situation, impasse ou carrefour l'on prend le téléphone en vue d'une indication, il est préférable de rentrer chez soi et finir la grille de ses mots croisés.

A voir des gens s'éterniser dans des postes plus ou moins supérieurs où l'usure du pouvoir semble avoir fait malheureusement son œuvre, n'est pas un signe d'assurance ni d'espoir. Certains de ces gens, à force de longévité, prennent la sensation d'activer dans une propriété privée. Ainsi ils se trouvent dégarnis de punch pour lancer un regard sur les autres, ne se contentant que de l'avoir uniquement sur leur plan de carrière. Les exemples sont légende, les cas sont des frasques. Quand l'eau arrive à manquer, quand l'écolier n'a pas de banc, quand l'universitaire est sans emploi, quand le fisc est délesté, quand le trottoir est squatté, quand la vérité de la situation s'absente, faudrait-il recourir aux prières subrogatoires ou bien regarder coté gestion ? Alors un sursaut sélectif est à entreprendre dans le choix des hommes.

Eviter de prendre ceux qui cultivent l'ego et font de l'humeur une norme de gestion, rayer ceux qui au lieu de s'aligner aux exigences professionnelles de leur fonctions, s'essayent à acquérir une grandeur qui n'est pas la leur. La meilleure des hauteurs est celle de l'esprit et non pas du statut conjoncturel, précaire et aléatoire. Tout programme, à peine d'échec et de forfaiture nécessite l'alignement d'auteurs persuadés de gagner.

Que manque-t-il à l'Algérie en termes de richesses naturelles ? C'est une géographie qui regorge de la bonté divine. Tous les atouts des reliefs et des climats y sont. Nous sommes une terre d'or, un puits inépuisable, un soleil vaillant, un grand complexe touristique, un trésor minéral, une position cardinale, un musée gratuit et une histoire quoique récente glorieuse et triomphante. En face à ces richesses et leur floraison, il est d'un criard manque la trouvaille de sorties de secours et d'issues salutaires.

Est-ce là une question d'absence de génie national, de cadres à haute définition ou tout simplement d'insouciance ? Personne n'osera clamer que le pays est en faillite d'aptitudes intellectuelles ou professionnelles. Il n'y qu'à consulter la mémoire actuelle et fraiche de la fuite des cerveaux. Il n'y qu'à voir le recrutement en qualité qu'opèrent les sociétés étrangères installées chez nous. Sans se gonfler le torse l'Algérien quand il est considéré à sa juste mesure, il produit. Voilà que l'on n'ignore pas les causes nous ayant fait ramener au niveau du gouffre ci-présent devant-nous.

Il est indéniable cependant de ne pas penser et même croire que le peuple est devenu un peu mou, ayant peu d'entrain à la tache, dépourvu du compter-sur-soi, installé dans l'attente providentiel, désirant le gain facile, déméritant au labeur, croyant au bonheur dans l'ailleurs. Que les jeunes dessinent leur avenir dans les rêves qui se meurent dans les chaloupes ou dans les fausses illusions des crédits bancaires sans intérêts. Ils n'aiment leur pays que pour le fuir.

Pourtant et encore pourtant le pays a fait de gigantesques efforts, dans les routes, les écoles, les logements, le football bien qu'avec des mains à l'œuvre étrangère, le résultat n'est pas rationalisé. L'exemple de la Muraille de Chine revient. Dépenser un argent fou et se raviser plutard que le tramway est destiné pour les cowboys et ne sert qu'a décorer les villes n'est-elle pas une erreur d'aiguillage, de gestion ? On construit des logements sans se soucier de reconstruire les locataires. Allez voir les cités au moment de leur inauguration et avant leur occupation au sens envahisseur du terme. Tout est vilipendé, les balançoires, les espaces verts, l'éclairage public etc?On érige des universités sans s'importuner de la matrice des étudiants ou de celle de ceux qui les enseignent. Allez voir le niveau.

Encore une question existentielle : qui est derrière l'un par apport à l'autre le pouvoir ou le peuple ? Qui des deux façonne l'autre , le responsable ou le citoyen ?