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Le contre-maquis, une haute trahison

par Slemnia Bendaoud

Plonger au plus profond de la Grande Histoire de la Révolution algérienne nous permet cependant d'y émerger aussitôt après avec encore davantage d'énigmes, de nombreux tabous, quelques menues découvertes mais aussi beaucoup de confusions et de grandes zones d'ombre.

Au maquis algérien existait déjà?assez paradoxalement, du reste- ce contre-maquis, œuvre d'hommes autochtones triés sur le volet et ensuite armés par le colonialisme français pour mener une véritable guerre contre justement d'autres algériens mais surtout contre ces valeureux combattants au profit du triomphe de la Révolution. Comme dans toutes les guerres du monde, existait alors en Algérie ce statut très controversé de jouer au double jeu que menait avec rigueur et une très grande précision sur le terrain des opérations militaires une toute petite armée ne dépendant fort justement ni du camp des troupes françaises ni encore de celui du maquis algérien.

Dans les coulisses, l'activité de celle-ci se situait dans le prolongement même des actions militaires menées par l'armée française. Mais en apparence, le doute restait encore permis quant à l'hypothèse qu'elle livrait bataille contre les forces ennemies, en donnant cette fausse impression qu'elle se rangeait du côté des combattants algériens qui avaient pris le maquis pour défendre la révolution.

Quoique bien différents des hommes du vrai maquis, ceux affiliés au contre-maquis, tentaient, eux aussi, de véhiculer aux yeux des populations autochtones cette idée-force de combattre, eux aussi, au profit de la Révolution et de l'indépendance de l'Algérie. Au plan de l'intox savamment concoctée et semée avec parcimonie par le colonialisme français au milieu des foules algériennes, les hommes du contre-maquis étaient, eux, surtout chargés d'entretenir le doute quant à une quelconque issue favorable de la Révolution Algérienne.

A la tête de tout contre-maquis officiait généralement un grand homme de troupes, à la réputation bien solide, très valide, chevronné, rompu aux tâches et arcanes du dur combat, jouissant, en plus, d'une très grande assiduité lors de l'ensemble de son cursus de soldat au sein de l'armée française.

Celui-ci est le plus souvent sélectionné à différents paliers, niveaux d'évaluation, mais aussi minutieusement choisi parmi des familles de riches propriétaires terriens, notamment celles considérées comme vraiment lettrées et vivant dans le faste et les traditions du pourtour immédiat de la cour et tour d'ivoire de l'administrateur de la contrée et autres cercles vraiment restreints des très hauts gradés de l'armée française.

L'analyse multiforme de son parcours et de ses grandes aptitudes et autres prédispositions liées au vrai combat restaient donc les seuls paramètres susceptibles de le prédestiner à convenablement occuper avec non moins de mérite cette fonction stratégique de mener la bataille contre les hommes du maquis algérien.

Connue pour être vraiment très besogneuse durant la Révolution, ensuite à tort ou à raison taxée de bien frondeuse à la veille de l'indépendance du pays, la Wilaya IV Historique y contenait justement, à elle seule, pourtant l'essentiel de ce « mouvement contre-révolutionnaire ».

Son territoire était pratiquement infecté de cette « horde de sanguinaires » et surtout jalonné de cette « secte militaire » qui faisait naguère dans « la sale guerre fratricide » avec un zèle pour le moins assez troublant et une vraie soumission d'un fidèle valet au profit de l'occupant français.

D'est en ouest, et du nord au sud, ils y étaient, et bien là, ces hommes-là du contre-maquis, armés jusqu'aux dents, menant une guerre terrible et des plus ardues contre justement leurs frères de sang et de lait.         Ils combattaient pour le compte de la France dans le seul but d'affaiblir davantage contre toutes sortes de gages le mouvement révolutionnaire national.

Des localités tapies depuis très longtemps dans l'ombre de l'anonymat de leurs bien modestes regs devaient, à la faveur de l'avènement de ce phénomène du contre-maquis se faire, à la fois, un nom et une réputation hors normes qui dépassent de loin l'écho que l'on en ressent à l'intérieur des murs du territoire national.

Et ce fut ainsi que Zeddine (Ain-Defla), tout comme d'ailleurs Maginot, actuelle Chellalet El Adhaoura (Médéa) ou encore Dar Echioukh (Djelfa) comptent désormais comme ces bourgades qui sortent désormais de l'ordinaire pour venir inscrire leur nom dans le sinistre registre de la terrible tragédie qui marquera d'une pierre noire l'histoire macabre de la contre-révolution aux plus forts moments de la guerre d'indépendance de l'Algérie.

Des familles algériennes entières se souviennent à présent de ces évènements sanglants et macabres opposant entre eux des indigènes, pour avoir eu à y comptabiliser toute une série des morts pour la patrie, des blessés à vie ou même des disparus à jamais, parmi les meilleurs fils de leurs tribus respectives ou douars de la contrée.

Elles se remémorent toutes ce « drame algérien » qui émailla de son épais voile noirâtre cet «idéal révolutionnaire pour lequel combattait vigoureusement et sans relâche ces fils d'indigènes, voulant, une fois pour toute, complètement se débarrasser de la tutelle française qui n'avait de cesse profité à satiété des nombreuses richesses de notre pays. A Zeddine opérait Belhadj-Djillali Abdelkader Alias Kobus, tandis qu'à Chellalet El Adhaoura officiait Chérif Bensaidi, au moment où Mohamed Bellounis avait choisi de planter le décor de son quartier général (QG) à Dar Echioukh.

Voici donc pour ce qui est de la géographie physique et humaine du contre-maquis algérien. Il reste qu'à la tête du contre-maquis au sein de ces bourgades flottaient dans l'air des noms qui donnaient de la frousse aux populations autochtones. Ils étaient intimement liés et très solidaires avec ceux de leurs chefs plus haut cités.

Aussi, la Wilaya de Djelfa était connue à travers son « Général », le nommé Mohamed Bellounis. A un moment où l'histoire de celle de Médéa le fut, elle aussi, à travers son « Colonel », en l'occurrence, Chérif Bensaidi. Tandis que l'histoire de Belhadj Djillali Abdelkader alias Kobus, surnommé « l'inspecteur militaire », fera date au sein de l'actuelle Wilaya de Ain-Defla.

Tous ces trois hommes ont transité pour une plus ou moins longue durée par les rangs de l'armée française, y ont subi de solides formations et gravi pratiquement tous les échelons pouvant raisonnablement les mener vers une carrière d'officier supérieur de grande importance.

Ils y auront fait leurs preuves de manière si osée et fort remarquable, chose qui ne pouvait, cependant, passer inaperçue aux yeux de leurs supérieurs hiérarchiques. Rallier leur camp en compagnie de leur tribu était un idéal pour les forces coloniales. Et tout le reste ne pouvait que suivre dans le temps ce même raisonnement. Ces bourgades allaient aussitôt devenir de véritables forteresses de résistance contre les assauts des éléments du maquis algérien, jouant ce rôle si stratégique de bases avancées pour les forces militaires françaises. A telle enseigne que l'accès à ces mêmes territoires leur étaient strictement interdits.

Le profil de ces hommes, assez pointu tout de même, autour desquels s'est finalement focalisée et cristallisée l'idée de « monter » le contre-maquis algérien découle, en fait, de la mise en œuvre d'une grande stratégie de guerre alors adoptée par la France coloniale dans le seul but de définitivement fixer les maquisards en des lieux connus ou supposés en vue d'annihiler leurs velléités de combat.

Au maniement exemplaire des armes, il leur fallait également disposer d'une aura et surtout jouir d'une forte personnalité à l'effet d'entrainer dans le sillage de leur action leurs concitoyens ainsi que des éléments des tribus voisines ou même ceux des contrées plus ou moins éloignées. On se devait de leur deviner ou même trouver une mentalité de vrai leader.

A ce sujet, le gène de la probable rébellion ou encore le caractère de potentiel renégat ou bien réel dissident étaient vivement souhaités chez le futur chef du contre-maquis. Ils pouvaient à eux seuls justifier du gage d'une vraie caution qu'il se devait d'apporter à ses parrains comme garantie à son engagement au sein de ce « front commun ».

A suivre?