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Trump pour un front anti-iranien

par Pierre Morville

En visite en Arabie saoudite et en Israël, Trump tonne contre «l'axe du mal» incarné selon lui par l'alliance du terrorisme djihadiste et de l'Iran (!)

Vendredi dernier se déroulait en Iran la douzième élection présidentielle de la République islamique. Le président sortant, le modéré Hassan Rohani affrontait un religieux conservateur, Ebrahim Raisi. Avec 57% des voix(23,5 millions de personnes), Hassan Rohani l'emporte largement améliorant même son score de 2013. Son concurrent Raisi réunit 38% des voix (15,8 millions de votants). Les autres candidats importants s'étaient retirés de la compétition en appelant à voter pour l'un ou l'autre des deux principaux leaders.

La population iranienne a donc donné un satisfecit au président sortant, avec son approbation aux trois grands chantiers de la mandature qui vient de s'achever : le compromis signé avec les principales puissances occidentales et la Russie sur l'abandon par l'Iran de l'armement nucléaire (et donc la levée des sanctions qui affectaient le développement de l'économie iranienne), la normalisation des relations internationales du pays et une certaine libéralisation sur le plan interne.

Lors de sa campagne pour obtenir un nouveau mandat de quatre ans, Hassan Rohani a insisté sur l'importance de réformes politiques afin de conforter son avantage dans les relations avec les instances non élues, et un certain nombre de municipalités, institutions en général tenues par le courant des conservateurs religieux. Cela pourrait aboutir à un rééquilibrage des pouvoirs. Mais cela pose un rapport de force ou un compromis avec l'autorité la plus haute de l'Iran, le Guide suprême, Ali Khamenei. Pas facile d'autant que Rohani souhaite notamment obtenir la libération de deux ex-candidats à l'élection présidentielle de 2009, toujours placés en résidence surveillée. Mais c'est surtout la normalisation des relations internationales de l'Iran qui reste le dossier le plus chaud. Hassan Rohani veux ainsi négocier la levée des sanctions non liées au nucléaire, qui nuisent aux investissements étrangers dans le pays. De la même façon, il demande une normalisation des relations de l'Iran avec toutes les instances internationales.

Dans ce domaine, la normalisation souhaitée par le président se heurte au climat de crise qui règne actuellement au Moyen Orient avec les guerres civiles qui existent en Syrie et en Irak, les fortes tensions qui existent dans d'autres pays comme le Liban et le Yémen et qui concrétisent la poursuite d'un conflit prolongé entre les régimes issus du sunnisme et ceux issus du chiisme. L'Iran intervient en effet militairement dans plusieurs conflits.

De plus, l'ancien président américain Barak Obama qui avait ouvert des négociations de normalisation des relations américano-iraniennes avec Téhéran (à la grande colère de l'Arabie saoudite, l'allié historique des USA dans la région), a laissé la place à Donald Trump.

Vers une normalisation des relations Arabie saoudite-Israël ?

Ce dernier s'est rendu samedi et dimanche à Ryad ou il a rencontré une cinquantaine de représentants de pays arabes ou musulmans, parmi l'on comptait une quarantaine de chefs d'état et de gouvernement, invités par le roi Salman Ben Abdelaziz Al-Saoud, le monarque de l'Arabie saoudite. Et son discours a été très différent de celui de son prédécesseur : Donald Trump a dénoncé un « axe du mal » qui regrouperait aussi bien le terrorisme djihadiste (incarné par Daesh qui vient de réaliser un nouvel attentat sanglant à Londres) et celui que le président américain dénonce comme leur principal allié, l'Iran ! « Aucune discussion sur l'éradication de cette menace (le terrorisme djihadiste) ne serait complète sans mentionner le gouvernement qui donne(?) aux terroristes : l'abri sûr, le soutien financier et le statut social pour le recrutement, a déclaré Dola Trump à Ryad, c'est un régime qui est responsable de beaucoup d'instabilité dans cette région, je parle, bien sûr de l'Iran ».

Message plus que surprenant du président américain qui nous avait pourtant donné l'habitude de le voir prononcer d'énormes mensonges avec une totale assurance. Car nul n'ignore que l'Iran, allié en la circonstance à la Russie, mène une guerre contre l'Etat islamique en Syrie et en Irak. Et que le même Etat islamique a longtemps été financièrement et diplomatiquement soutenu par l'Arabie saoudite. Ce pays regagne donc sa place de principal allié des Etats-Unis au Moyen-Orient, quitte à en financer avec les monarchies du Golfe une grande partie des futurs projets communs : 380 milliards de dollars sur dix ans.

Après sa visite à Ryad, Donald Trump s'est rendu ensuite à Tel-Aviv où il a été chaleureusement accueilli par Benyamin Nétanyahou et son équipe. Chaleur apparente car la joie affichée par les politiques israéliens semble pour grande partie de pure politesse. Donald Trump souhaite en effet imposer un plan de paix israélo-palestinien, avec une reprise rapide des négociations entre les deux camps, négociations qui ne dureraient pas plus de douze à seize mois et qui déboucheraient sur un réel accord de paix, selon l'entourage du président américain.

Après 69 ans de conflit entre Israël et la Palestine, Donald Trump ne pêche-t-il par optimisme ? Pas tout à fait car la négociation serait à trois partenaires : Israël qui verrait ses frontières actuelles définitivement reconnues par ses partenaires dans les discussion, et la possibilité d'accroître ses relations économiques avec la grande région, l'Autorité palestinienne qui bénéficierait enfin d'un territoire reconnu internationalement, et l'Arabie saoudite et les monarchies du Golfe qui rentreraient dans cette grande négociation essentiellement comme financiers et partenaires du développement régional.

Mais la question iranienne ressurgit dans le débat : « Trump a confirmé l'existence d'une communauté anti-iranienne, explique Nissim Behar dans Libération, unissant les Etats-Unis, Israël et plusieurs régimes sunnites au premier rang desquels l'Arabie saoudite ». Trump a reconnu l'existence de contacts préparatoires à la reprise des pourparlers de paix en affirmant aux Israéliens « que le roi Salman d'Arabie saoudite veut voir la paix entre vous et les Palestiniens ».