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La reconfiguration de la structure mondiale de la puissance mondiale vers le retour des civilisations ?

par Dr. Mohamed Larbi Ould-Khelifa

Les civilisations meurent-elles et leur flamme s'éteint-elle définitivement? Tout d'abord, il existe des preuves qui montrent quelles ne partent pas du néant, d'autres qui confirment qu'elles ne se développent pas, ni se perpétuent sans une ouverture qui les nourrit et enrichit leurs acquis historiques, et d'autres encore, non moins importantes, qui veulent que les affaires sont entre les mains de leaders intellectuels et politiques armés d'une volonté de posséder l'avenir et de diriger le mouvement de l'histoire dans son environnement géopolitique et dans le monde. Il est nécessaire d'établir une distinction entre l'ouverture intelligente pour servir les intérêts supérieurs de l'Etat et de la nation et le travail permanent sur l'indépendance de la décision politique et économique, et la servilité, c'est-à-dire compromettre les attributs de la souveraineté et se soumettre à des diktats qui font de l'État un pion entre des mains étrangères qui l'utilisent comme bon leur semble, et parfois sans contrepartie. Aucune ouverture ne peut réussir sans un Etat fort, attaché à la liberté et à la justice, et agissant pour le progrès et le bien-être de tout le peuple.

L'Europe de la décadence à la conduite de la modernité et du progrès

Prenons quelques exemples des temps modernes. L'Europe de l'ouest est sortie des ténèbres du moyen-âge, des futilités sur la primauté de l'origine de l'œuf ou de la poule et de la ceinture de chasteté obligatoire pour les femmes. En Grande Bretagne, par exemple, la femme était assimilée au diable comme l'ont consigné les lettres du moyen-âge et les romans de l'un des géants de la littérature anglaise, Charles Dickens, dans une de ses magnifiques œuvres, Hard Times (Les Temps Difficiles) 1854.

Au cours des premières décennies du 18 ème siècle, l'essor civilisationnel de l'Europe de l'ouest et des Etats-Unis a commencé, tiré essentiellement par la grande révolution industrielle qui a raccourci le temps et la distance et qui a donné une nouvelle définition à la puissance et à la richesse. Cet essor civilisationnel a permis à un petit nombre de pays de réaliser des avancées sociales, dont la réduction du taux d'analphabétisme, l'éradication de certaines maladies, l'amélioration du niveau de vie des citoyens, l'apparition d'une classe moyenne de laquelle ont émergé des hommes d'affaires et l'économie monétaire, la pépinière du système capitaliste basé sur la valeur du travail, sur la compétition et sur le fait que le travail est une valeur supérieure aux croyances religieuses et supérieure à l'appartenance à la lignée noble (la noblesse) de l'ancien système qui était dominé par l'aristocratie et les riches féodaux.

Cette révolution industrielle s'était accompa-gnée d'un développement rapide des sciences et des théories philosophiques, sociales et éducatives en Europe de l'ouest et aux États-Unis qui sont, avec le Canada et l'Australie, l'extension humaine des immigrants européens connus aux États-Unis sous le nom d'Anglo-saxons protestants blancs (WASP). Ce développement a permis à l'ergonomie, c'est-à-dire la relation entre l'homme et la machine, de faire des progrès significatifs dans le sens de l'augmentation du rendement, de la réduction des déchés , de l'utilisation optimale du temps de travail, de l'adaptation aux machines dans les usines pour réduire la fatigue et les accidents du travail et ainsi augmenter la production, et réduire progressivement la main-d'œuvre par le développement de la robotisation. Au cours du siècle dernier et au début du siècle présent, les sociétés occidentales sont passées du travail manuel à la mécanisation, à la robotisation, puis à la digitalisation et à la propagation des moyens de communication sociale dans les pays et dans le monde, grâce à l'évolution rapide des technologies de l'information et de la communication (P. Kennedy: The rise and the fall of greatpowers. Economic change and military conflict from 1500 to 2000, Fontana press, London 1989.)

C'est là un aperçu général du début de la civilisation européenne et américaine qui est parvenue, à la fin du siècle dernier, à répandre ses réalisations et ses modèles sous le nom de mondialisation, comme on l'appelle en Europe, et de globalisation aux Etats-Unis et dans le reste du monde anglo-saxon.

Il ne suffit pas d'en apprendre davantage sur le développement de la civilisation, y compris les réalisations et les avancées qui ont, en majeure partie au cours des deux derniers siècles, découvert les secrets du corps humain, ceux enfouis sous la terre, sur la terre, ainsi qu'à l'intérieur et à l'extérieur de son atmosphère. Ces quelques lignes ne suffisent pas à les faire connaitre, elles qui remplissent d'innombrables encyclopédies dans les sciences, la philosophie, les arts, la littérature et les inventions, et dont on retrouve quelques échantillons sur Internet. Ces avancées ont eu des répercussions positives et d'autres négatives sur l'homme et sur la nature, mais personne ne peut nier que c'est l'Occident qui a conduit la civilisation universelle hier et qui la conduit à ce jour.

Ce constat n'est en aucune manière une sorte de glorification ; de même qu'il est loin de toute influence ou d'une quelconque aliénation. Au contraire, c'est la tyrannie du capital, des multinationales, de la globalisation qui ont fait apparaitre au grand jour le gouffre profond qui sépare les riches de ce monde des pauvres dont la majorité ont été victimes de la domination coloniale et de l'asservissement racial. De même qu'un grand faisceau de preuves atteste que certaines vagues de terrorisme sont, pour le moins, des réactions erronées, voire l'œuvre des grandes puissances menées par les Etats-Unis et de leurs interventions incessantes, depuis des dizaines d'années, dans le tiers-monde et au Moyen-Orient particulièrement.

La longue attente du Messie

De manière générale, la majorité des pays du monde islamique semblent être dans la posture de l'orphelin qui s'est perdu, calme à la surface et bouillant à l'intérieur. En cas de besoin, certaines de ses élites invoquent un passé proche ou lointain qui les tranquillise. Pendant ce temps, les changements et mutations rapides auxquels ces pays ne prennent pas part les plonge dans un état de schizophrénie qui les fait rejeter ce qu'ils acceptent et accepter ce qu'ils rejettent, dans l'attente du Messie, attente qui dure depuis plusieurs siècles déjà!

Il faut rappeler que parmi les causes des divisions et rivalités au Levant et en Irak, il y a les bombes à retardement posées par le colonialisme, et dont la plus connue est l'accord Sykes-Picot qui a vu le jour en l'absence des peuples concernés, car considérés comme butin de la première grande guerre. Nous verrons les autres caractéristiques de la période post arbitrage turco- russo- iranien, au moment où le bloc euro-américain était assis entre deux chaises, ne sachant quelle posture adopter devant la perspicacité politique et les plans bien réglés des dirigeants russes. Les deux autres partenaires de la Russie, la Turquie et l'Iran, eux sont des pays musulmans mais non arabes.

Ce qui s'est passé en Irak n'est pas uniquement un changement de régime qualifié de dictatorial. C'est aussi et surtout un pays qui a été coupé de ses racines, un patrimoine qui a été détruit, pillé et éparpillé partout dans le monde, et un peuple déchiré et transformé en sectes et tribus se battant les unes contre les autres. Il est extrêmement difficile de prévoir à moyen terme l'avenir de l'Irak en tant que peuple et en tant que pays. L'Irak c'est une terre fertile entre deux fleuves, le Tigre et l'Euphrate, ce sont des ressources naturelles immenses, c'est un passé qui remonte loin dans le temps, dans lequel Bagdad était la capitale culturelle du monde et la première puissance, telle que décrite par le philosophe de l'histoire Arnold A. Toynbee, dans son encyclopédie « Les leçons de l'histoire ». C'est à Bagdad qu'a été fondée la plus célèbre Académie mondiale de traduction et des sciences, plus connue sous le nom de Dar al-Hikma il y a douze siècles. Toute cette richesse perd sa valeur si, dans le présent, rien, ni personne ne la met à contribution ou ne prend conscience des véritables défis de l'heure.

Beaucoup s'interrogent sur l'origine de l'émergence d'Al-Qaïda et de Ben Laden? Où étaient-ils actifs? Comment ont-ils été utilisés dans la guerre froide contre les Soviétiques avant 1989? Et comment 60 pays, dotés d'armées, de flottes et de missiles balistiques intercontinentaux n'ont-ils pas pu extirper « l'Etat » islamique en Irak et au Levant? Pour les observateurs respectueux de la neutralité, il semble que ces armées qui se sont liguées contre l'EI le chapeautent et l'utilisent pour intimider et faire peur, au lieu de l'éliminer et le faire disparaitre d'une petite zone située entre le Levant et la Mésopotamie. C'est là l'opinion de l'ancien ministre français et président de la Fondation Islam de France, J.P.Chevènement dans une interview accordée au El Watan, en date du 28/12/2016, et dans laquelle il a dit que la destruction par les États-Unis des fondements de l'Etat irakien (qui lui-même était contre la guerre) a permis l'émergence du djihadisme mondial et des conflits actuels entre sunnites et chiites dans l'ensemble de la région arabe et islamique.

Si la situation en Irak ressemble à un labyrin-the dont il est difficile d'analyser les données intérieures et le rôle des puissances étrangères, notamment celui de Washington, la situation en Syrie n'est pas moins compliquée en raison des nombreuses interventions régionales et internationales. Les puissances responsables de ces interventions supervisent la gestion du terrorisme en Irak et le soutiennent en Syrie, et œuvrent, au nom du peuple syrien, au changement du régime en manipulant, dans le même temps une opposition qui s'est éloignée de ses revendications démocratiques pour se transformer en instrument aux mains de puissances qui la financent et aux mains de parties de la région qui lui fournissent les armes pour détruire son pays au nom de la démocratie. Pour ces parties de la région, on peut appliquer le dicton populaire très prisé en Algérie qui évoque le chameau qui se moque de la bosse de son congénère, mais qui oublie la sienne. Une démocratie importée de l'étranger ou imposée par les chars, la propagande et la diabolisation du système existant n'a jamais réussi. Au contraire, la démocratie exige une certaine maturité doublée d'une volonté politique sociétale et consensuelle qui ne repose pas sur la violence et la coercition.

L'Algérie des avances constants

Il convient ici de souligner les positions honorables de la politique étrangère et de la diplomatie algérienne engagée, malgré les tentations et les pressions que connaissent les observateurs de la politique étrangère de l'Algérie. En effet, les principes de la politique étrangère et de la diplomatie algérienne correspondent parfaitement à ses positions. L'Algérie est contre l'intervention étrangère quelque en soit le prétexte, elle respecte la souveraineté nationale de tous les pays et traite avec les États et non avec d'autres parties, quels que soient les masques que ces parties portent. L'Algérie œuvre avec force à lutter sans relâche contre le terrorisme et est sur tous les fronts pour répandre la sécurité, la paix et la stabilité dans le voisinage proche et lointain. L'Algérie tire ces principes et leurs applications réelles dans sa politique étrangère et dans l'ensemble de ses relations avec les autres pays, de son expérience révolutionnaire et de sa déclaration fondatrice du 1er Novembre 1954.

Le réveil du géant asiatique

De l'autre côté, on trouve le continent asiatique avec son poids démographique qui représente plus de la moitié de la population mondiale et ses vastes territoires qui s'étendent sur 44.580.000 km² entre l'océan Indien et l'océan Pacifique. Voici la Chine dont la civilisation revient au premier plan sans faire de bruit. Nous disons « REVIENT » parce que l'empire du milieu était au XIXe siècle, une force civilisationnelle majeure grâce à tout ce qu'il n'a cessé d'accumuler des siècles durant. Lors d'une visite dans cet immense pays (du 1er au 6 Décembre 2016), nous avons pu voir et apprécier quelques-uns des monuments anciens et contemporains. En moins de trois décennies, ce pays a réussi à dépasser économiquement les États-Unis. Son économie est deux fois supérieure à celle du Japon qui, à la fin du siècle dernier, était trois fois plus importante que celle de la Chine, et l'on sait que la révolution industrielle au Japon a commencé au milieu du XIXe siècle (1870) durant l'ère de l'empire Meiji.

Pour ce qui est de la Chine, il n'y a rien de miraculeux, ni d'extraordinaire. Elle a déjà, à son actif, d'innombrables réalisations historiques, dont l'invention de la poudre, du papier, de l'encre et la stratégie de la guerre intitulée L'Art de la Guerre, et développée par Sun Tzu, cinq siècles avant notre ère. Cet art qui est le fondement de la psychologie militaire de l'époque moderne vise à affaiblir le moral de l'ennemi, à le vaincre de l'intérieur et à renforcer les capacités de l'autre partie à résister et croire en la victoire. La renaissance actuelle est due à la prise de conscience par les dirigeants que l'isolationnisme (l'histoire De la bande des quatre dirigé par l'épouse de Mao Zedong qui a entrepris une campagne de « purification » des arts et détruit une grande partie de ce qu'on appelle la culture exotique), la faiblesse du pays, les agressions des grandes puissances occidentales et du Japon qui l'ont découpé en comptoirs commerciaux et l'endormissement du peuple par l'opium exige de la vigilance qui tire son énergie et sa force des enseignements du sage, Confucius, des idées révolutionnaires de Mao Zedong, d'une plus grande ouverture sur le monde pour tirer profit de toutes les réalisations intellectuelles et technologiques, ainsi que des progrès, de la richesse et de l'influence de son immense diaspora, de Singapour jusqu'au cœur des pays occidentaux, et notamment les Etats-Unis. Parmi les grands changements qu'a connus la Chine, rappelons que ce pays a subi ce qui ressemble au printemps arabe, lors des événements de la place Tiananmen en 1989. Ces évènements ont conduit à l'imposition par l'occident de sanctions économiques et d'isolement politique, ce qui a poussé la Chine à tisser des liens plus étroits avec la Russie, en particulier dans le domaine de l'énergie et à mettre en place le Traité de Shanghai, en 2011, avec la Russie, le Kazakhstan, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan.

L'Eurasie de retour

D'autres changements majeurs sont survenus dans le monde depuis le début de ce siècle. Le réveil d'un autre géant, la Fédération de Russie, après l'effondrement de l'Union soviétique et la liquidation de son prolongement géographique et son influence idéologique et politique hérités de la Seconde Guerre mondiale. Cette liquidation et cette faillite ont été annoncées par l'ancien Président, Gorbatchev, dans ses accusations contre le régime communiste publiées dans un livre « Perestroïka » ou la divulgation que les adversaires du régime soviétique ont considéré comme la plus grande victoire du régime libéral du siècle dernier. Il est, cependant, à noter que Gorbatchev, qui est maintenant âgé de 85 ans, a admis dans une interview accordée à la BBC, au début du mois de Décembre 2016, qu'il avait fait une énorme erreur dans son précédent diagnostic et que le Président actuel, Vladimir Poutine, méritait soutien et admiration.

Revenons, à travers ces lignes, au sujet de no-tre thèse de recherche qui est le glissement des indicateurs de développement, de puissance et d'influence vers le continent asiatique et ses constantes de puissance qui sont nombreux pour la Fédération de Russie.

Du point de vue historique et civilisationnel, la Russie a une histoire ancienne qui remonte à 868 ans avant JC. En 882, l'Etat Russe de Kiev est formé, il adopte le christianisme et fait de l'église orientale orthodoxe la religion officielle de l'Etat. L'invasion de la Russie par les Mongols, entre 1237 et 1240, n'a en rien affecté le pays.

Avec plus de 17 millions de km², et plus précisément 17.075.200 km², la Fédération de Russie est maintenant le plus grand pays en superficie, soit près du double de celle de la Chine, et elle occupe la neuvième place en termes de nombre d'habitants, selon le recensement de Mars 2016 (146,6 millions de personnes).

La situation géopolitique de la Fédération de Russie est particulière dans la mesure où elle a des frontières avec 14 pays. La partie située en Asie constitue 75% de la superficie de la Russie et 23% de la population y vit. Le reste, soit 77%, vit dans la partie européenne. Ces deux parties sont séparées par une chaine montagneuse, l'Oural.

Les frontières maritimes de la Russie s'étendent sur 37. 653 km depuis le plateau asiatique jusqu'aux États-Unis, la Chine et le Japon. Les frontières terrestres, elles, s'étendent sur 20.241 km.

L'islam est la deuxième religion de Russie avec 14% de la population totale. Il a atteint le sud de la Russie au cours des grandes conquêtes islamiques de la Perse et de Byzance et on le retrouve plus particulièrement chez les populations du Daguestan, les Tatars et tous les peuples turcophones. On le retrouve également au sein des majorités musulmanes du nord du Caucase, entre la Mer Noire et la Mer du Caucase. L'Islam dans la Fédération de Russie est une combinaison des influences arabe, persane, turque et slave, encadrée par l'éducation et le système éducatif russe. (D.V. Mukhetdinov: la culture musulmane russe : réalité sociale et concept.)

L'ensemble de ces peuples, avec leurs religions, leurs cultures et leurs langues est appelé la civilisation eurasienne. La Russie a contribué de manière significative aux chefs-d'œuvre mondiaux des arts et des lettres, avec par exemple, Pouchkine, Gogol, Tolstoï, Dostoïevski et le célèbre ballet, le Bolchoï, que nous avons eu le plaisir de recevoir en 1981, lorsque nous étions à la tête du Ministère de la Culture et des Arts Populaires.

La Russie revient aujourd'hui à la compétition pour le leadership mondial, au vu de sa profondeur stratégique et de ses industries de pointe. Au début de la course à la découverte de l'espace, elle s'est imposée avec son premier astronaute, Youri Gagarine. Par la suite, elle a développé les technologies de missiles balistiques intercontinentaux, la station de lancement de fusées de Baïkonour, la station spatiale internationale. La Russie est la deuxième source d'énergie dans le monde, ses flottes parcourent les mers et les océans et elle est parmi les plus importants exportateurs d'armes au monde, selon le SIPRI de Stockholm, avec un volume d'exportation en augmentation de 37% entre 2010-2014 par rapport à la période 2005-2009. La Russie a des relations de coopération anciennes et renouvelées avec l'Algérie, en particulier dans les différents domaines de la formation avant et après l'indépendance. Elle affiche sa volonté et son désir de développer les relations d'amitié et de coopération avec l'Algérie, dans le cadre du respect mutuel, comme l'a confirmé le président de la Douma (Première chambre du Parlement) de la Fédération de Russie, lors de sa visite en Algérie, à l'invitation de l'Assemblée Populaire Nationale, les 04 et 05 Novembre 2015.

L'Inde en marche

L'autre pôle dont la puissance économique et technologique et le poids politique augmentent sur la scène internationale est l'Inde. L'existence civilisationnelle de ce pays remonte à entre 2800 et 1800 avant JC, dans la plaine de l'Indus, entre l'Océan Indien et le toit du monde, l'Himalaya. Ajoutons à cela, ses ressources hydriques que transportent de nombreux fleuves et rivières dont les plus importants sont le Gange et Brahmapoutre, qui serpentent sur les territoires, à l'est et à l'ouest du pays.

Parmi les facteurs de la percée et de la puissance de l'Inde, il y a un vaste territoire de plus de 3.287.263 km², une population de plus d'un 1.293.000.000 d'habitants, deuxième pays après la Chine en termes de démographie, et des frontières terrestres et maritimes avec 14 pays du sous-continent indien qui dépassent les 15.163 km. L'Inde et la civilisation islamique ont une relation qui a commencé au premier siècle de l'hégire, depuis la conquête de la terre au-delà de la rivière ou ce que l'on appelle la terre de Sind et au-delà de la rivière, dans les textes historiques anciens des écrivains et voyageurs musulmans.

Il y a de cela plusieurs siècles, l'Inde était au confluent des grandes routes commerciales. En effet, c'était par là que transitaient les épices et la soie. Selon les statistiques de l'année 2011, la majorité de la population pratique l'hindouisme (79,8%), suivi par la religion islamique avec 14,2%, et les autres religions tels le sikhisme et le zoroastrisme qui se rapproche de l'extinction et qui a été la religion de la Perse (l'Iran d'aujourd'hui) avant l'avènement de l'Islam. En Inde, il y a actuellement 23 langues officielles et 4000 autres langues qui sont des dialectes, mais les langues officielles de l'Etat sont l'Hindi avec son alphabet particulier qui n'a rien à voir avec l'alphabet latin, et l'anglais.

L'intérêt des savants musulmans pour l'Inde apparait dans l'importante étude scientifique réalisée par le grand encyclopédiste Abou Rayhane Al-Bîrunî, à la fin du IVe siècle de l'Hégire, au milieu du onzième siècle de notre ère. Al-Bîrunî est né dans la ville de Khiva, dans l'actuelle République d'Ouzbékistan. Nous pensons qu'il serait utile de faire connaitre sa plus importante étude qui demeure une référence authentique pour les chercheurs indiens et pour ceux qui s'intéressent au passé de l'Inde. Le titre de cette étude est Histoire de l'Inde. Al-Bîrunî y mène une enquête objective et globale sur les croyances les plus répandues en Inde, l'organisation de la famille, les habitudes alimentaires, les fêtes et cérémonies hindoues et les caractéristiques des langues dominantes. Nous ne nous éloignerons pas du thème de ce écrit si l'on fait remarquer que ce savant encyclopédiste a précédé son époque de plusieurs siècles ; il a réuni le rationalisme d'Emmanuel Kant (1724-1804) et sa Critique de la raison pure et la méthode expérimentale de David Hume (1711-1776) qui a fait du sens et de l'observation directe la base de toutes les sciences appliquées.

Ce savant a publié plus de 100 ouvrages sur la géographie, la physique, la chimie et l'astronomie. Parmi ses influences scientifiques adoptées jusqu'à aujourd'hui, la découverte de la densité des minéraux tels que le fer, le mercure et la perle...

Parmi les preuves de la présence de la civilisation islamique en Inde, le château-palais Taj Mahal, construit par l'empereur moghol musulman, Shah Jahan, à la mémoire de son épouse. C'est l'un des chefs-d'œuvre architecturaux qui a marié les arts de l'architecture islamique qui a atteint son apogée à l'époque iranienne, ottomane et indienne.

Le Vice-président de la République de l'Inde, M. Mohammad Hamid Ansari, qui a visité l'Algérie du 17 au 19 Octobre 2016, a confirmé que son pays n'importe aucun produit agricole. Cependant, les enquêtes menées par certaines institutions internationales suggèrent que les différences de classe sont encore grandes et que des millions d'enfants sont employés pour des salaires de misère. Selon ces mêmes institutions, le Maharaja a gardé tout son pouvoir et ses privilèges, au moment où beaucoup naissent et meurent encore sur le trottoir et dans le dénuement (les Intouchables).

Le développement de l'Inde s'est accéléré depuis 1991, résultat d'une série de réformes économiques et de l'ouverture aux investissements étrangers. Au début de la décennie précédente (2002), le déficit commercial est tombé à 1% et la croissance a augmenté au cours des années suivantes pour dépasser celle de la Chine et le taux s'est rapproché des deux chiffres en 2015. Le pays est sur le point de dépasser les pays occidentaux (Etats-Unis et Union Européenne) dans l'exportation de produits pharmaceutiques, de voitures, de produits électroniques et de logiciels et il progresse à pas sûrs vers les industries spatiales, notamment les satellites. A la fin 2016, il a été procédé au lancement de trois satellites réalisés par des ingénieurs spécialistes algériens à partir d'une base de lancement indienne. Il est connu que l'Inde possède l'équivalent de la SiliconValley pour la fabrication de produits électroniques et la conception de logiciels. De même que l'Inde est le plus grand producteur de films, avec un film par jour.

A propos du précédent triangle de puissance (Chine-Russie-Inde), qui sont toutes des puissances nucléaires, en plus du Pakistan, et peut-être la Corée du Nord, gravite le groupe des sept tigres. Cependant, il faudrait également mentionner d'autres pays émergents comme le Vietnam qui marche sur les traces de la Chine: un parti unique, le Parti communiste dans les deux pays, pas de pluralisme, ni de plates-formes en dehors du système du parti (le nombre d'adhérents au parti communiste chinois qui occupent divers postes de responsabilité est de 80 millions, comme me l'a confié M. Zhang Da Xiang, Président de la Commission Permanente de l'Assemblée Populaire Nationale de Chine). Il y a des éléments qui indiquent que le Vietnam va rattraper, durant la prochaine décennie, la Malaisie et l'Indonésie dans les technologies de pointe et les complexes industriels, en particulier grâce à la délocalisation et une plus grande ouverture sur le monde, après deux guerres dévastatrices contre le colonialisme français et l'intervention américaine pour séparer le sud du nord. Pour rappel, l'Algérie a fortement appuyé la lutte du peuple vietnamien de manière directe et sur les plates-formes internationales.

Ainsi, nous pouvons dire que les civilisations ne se limitent pas à une seule zone géographique et ne se limitent pas à une période de l'histoire des nations et des peuples. Les pays du monde arabo-islamique sont, dans leur majorité, considérés comme faisant partie du Tiers-monde et ne se sont pas encore libérés de la dépendance volontaire ou imposée vis-à-vis des puissances qui les ont dominés. Ils n'ont, pour la plupart, pas évalué ce qu'ils ont gagné ou perdu de cette dépendance, eux qui, au lendemain de leur indépendance, se sont noyés dans des guerres intestines à cause du fanatisme religieux et l'extrémisme violent que certains exportent vers les pays frères et vers d'autres continents. Certains autres cherchent à affaiblir les voisins pour se rapprocher des autres puissances, et non pas pour des intérêts légitimes. Dans ces pays, apparaissent des experts et des théoriciens spécialistes du terrorisme qui accaparent les écrans des chaines de télévision et les laboratoires de la sécurité en Europe et aux États-Unis. Ils sont dans les journaux du Machrek et du Maghreb, et se permettent d'émettre, en direct, des conseils et des fatwas sur la «science» du terrorisme et la «jurisprudence» des groupes armés, allant jusqu'à donner une explication simplifiée des déclarations des théoriciens de l'Europe de l'Ouest et des États-Unis, sur l'origine de la violence dans le Coran, la Sunna (tradition du Prophète) et l'histoire des musulmans.

D'autres parmi ces pays, occupent leur opi-nion publique avec les questions du halal (licite) et du haram (illicite) dans les aliments et les vêtements, sachant que des savants éclairés avaient, il y a plusieurs siècles, averti que le licite était clair et évident et que l'illicite l'était tout autant. C'est-à-dire que l'illicite se limite à ce qui porte préjudice à la personne, à son environnement et au système des relations qu'accepte un esprit sain. Tout le reste est licite. Il convient, cependant, de noter l'absence d'organisations de la société civile dans le milieu rural et même dans les quartiers populaires autour et dans les grandes villes, pour lutter contre la propagation de la sorcellerie et la superstition.

Ces situations dont le nombre a été réduit par le développement rapide des sciences au cours des deux derniers siècles, nécessitent des études sociologiques, particulièrement dans les branches de la psychologie sociale qui se base sur des enquêtes sur le terrain à l'aide de questionnaires et d'étude de cas. Ces enquêtes participent à l'élaboration d'un diagnostic par la sensibilisation et l'éducation, tâches réservées aux personnes compétentes dans les domaines de la religion et de la pensée, et non pas à celles qui se trouvent de l'autre côté de la Méditerranée et de l'océan, à la recherche d'une renommée, quitte à critiquer leurs pays et leurs dirigeants pour faire plaisir à leurs hôtes, dans les centres d'études et les officines de prospective en matière de sécurité et autres. Même si certains sont poussés au désespoir et à l'exil pour qu'on s'intéresse à eux et qu'on les encourage, comment nos pays, et l'Algérie en particulier, peuvent-ils bénéficier de cette somme de savoir et d'expérience que représente notre élite à l'étranger? La réponse est à la fois facile et difficile: facile au vu de la relation naturelle avec la mère- patrie, même après plusieurs générations (à l'exemple de l'immigration chinoise dans les différents pays du monde) et difficile au vu du rôle de l'État et de ses institutions pour trouver la bonne formule de communication et de participation aux affaires de la patrie d'origine.

La stratégie des deux visages

La politique et la diplomatie du bloc occidental dirigé par les Etats-Unis a deux visages: le premier et le plus utilisé est celui qui parle de démocratie, de liberté d'expression et des droits de l'homme. Il ne s'agit pas là de discours publicitaire ; il y a, en effet, des pratiques réelles, à condition que cela ne porte pas atteinte aux intérêts vitaux de ces pays, et dans une certaine mesure, ne se fasse pas au détriment d'un autre membre du bloc composé de l'Union Européenne, des États-Unis et de leurs alliés sur les cinq continents. C'est ce que l'on appelle la Realpolitik.

Le deuxième visage est celui de la droite politique et religieuse qui pénètre fortement dans les rouages de l'Etat et de la société. Elle a assiégé les partis communistes et en a éliminé définitivement quelques uns. Il est ironique de constater que la théorie marxiste est née dans les plus grands pays occidentaux, l'Allemagne, où a été publié le premier ouvrage de Karl Marx, DasKapital (1867), et la Grande-Bretagne. C'est dans ces deux pays que Marx a publié sa célèbre déclaration, Le Manifeste. Il avait prédit que ces pays seraient les premiers à mettre en place le pouvoir du prolétariat, et non pas dans les sociétés agricoles, telle que la Russie tsariste. L'Algérie, que Marx avait visitée du 20 Février au 2 Mai 1882, pour y recevoir des soins dans la ville de Biskra, ne rentre dans aucune de ces catégories, car c'est un pays qui est en train de se former. Karl Marx n'avait rien vu de la misère dans laquelle vivait le peuple algérien.

Il est de notoriété publique qu'aux Etats-Unis, le Parti communiste est interdit par la loi et qu'y adhérer équivaut à une trahison à la patrie. Les célèbres procès et liquidations politiques de l'époque du maccarthysme ont fait de nombreuses victimes entre 1950 et 1956. Un délit d'opinion, une appartenance politique et parfois une simple suspicion pouvait détruire une vie, une carrière, un destin. Ce sont là des pages noires de l'histoire des États-Unis. Outre les dix amendements à la Constitution des Etats-Unis qui portent le nom de Déclaration des Droits (Bill of Rights), il y a eu les impératifs de la défense de la patrie « Patriotact » qui ont obligé les médias et les autres institutions à soutenir, sans réserve, les politiques de l'ancien Président Georges W.Bush.

Au sein de l'UE, avant et après le retrait de la Grande-Bretagne du groupe, (Brexit), les partis de droite sont encore plus à droite et plus xénophobes que jamais. La cible : les communautés d'origine non européennes, surtout si elles sont musulmanes et arabes. Il y a également des courants qui mêlent l'hostilité à l'islam (Islamophobie), le racisme et les souvenirs du vieux conflit entre l'islam et le christianisme au moment des croisades. Le Pape actuel a une activité politique au nom du Christ, la paix soit sur lui, plus importante que son activité spirituelle, tout comme l'a fait son prédécesseur polonais, qui a contribué au changement du régime politique en Pologne et au démantèlement de l'URSS.

La majorité des courants partisans qui se disent socialistes s'adonnent au double discours et vont même jusqu'à concurrencer la droite dans bon nombre de ses politiques. Toutes les révoltes contre les tendances de droite et la tyrannie du capitalisme sauvage en Espagne, en France et même aux États-Unis, avec le mouvement Occupy Wall Street ont été réprimées. N'oublions pas que Wall Street est le symbole du capital, des multinationales, de l'économie monétaire et de l'influence mondiale du dollar. Les anticapitalistes se sont vus harcelés et étouffés, et les médias influents ont été de la partie pour les salir et dénaturer leurs revendications. Par ailleurs, des mouvements politico-religieux à l'image du Tea Party aux Etats-Unis et du Mouvement Cinq Etoiles en Italie, se développent et se renforcent.

Conclusion

La tendance générale dans le monde d'aujourd'hui est la construction de murs et la fermeture des portes aux pauvres comme c'est le cas pour les immigrés, dans la plupart des pays européens occidentaux, et en particulier en Europe de l'Est, à l'exception de l'Allemagne, peut-être pour blanchir la noirceur qui a entaché son histoire à l'époque nazie. Cela apparait clairement dans les mots d'ordre de la campagne électorale anti-immigrants du nouveau Président américain qui a annoncé la construction d'un mur long de plusieurs centaines de kilomètres sur la frontière avec le Mexique, et qui veut que ce soit le Mexique qui en paie le coût.

La responsabilité n'incombe pas seulement à l'Europe qui se referme sur elle-même pour protéger son bien-être, elle incombe également aux pays source d'immigration dont les élites se sont beaucoup plus préoccupé de conflits secondaires et ont oublié les fondements de la bonne gouvernance et ses conditions essentielles que sont la liberté, la justice sociale, le progrès et le pari audacieux sur un avenir que doivent construire les esprits et les bras de ses enfants.