Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

«Ni Le Pen ni Macron, ni patrie ni patrons.»[1] Nouvelle topologie politique française

par Abdelhak Benelhadj

Dimanche 23 avril, le premier tour des Présidentielles a rendu son verdict. Emmanuel Macron et Marine le Pen sont arrivés en tête avec respectivement 24,01 et 21,3% des voix exprimées. Le candidat du Parti Socialiste, Benoît Hamon, obtient l'un des scores les plus bas de son parti à une élection présidentielle avec 6,36% des voix. François Fillon candidat Les Républicains et Jean-Luc Mélenchon (séparés par trois centièmes), obtiennent 20,01% et 19,98% des suffrages. Nicolas Dupont-Aignan obtient 4,7% des voix. Philippe Poutou, Nathalie Arthaud, Jacques Cheminade, Jean Lassalle et François Asselineau restent sous la barre des 2%.

Le total de l'abstention (22,7%) et des votes blancs (1,78%) forme le premier parti de France. Et ce n'est qu'un début.

Marine le Pen a fait mieux que Jean-Marie le Pen, qui, en 2002, accédait au second tour face à Jacques Chirac avec 16,86% des voix. Mais, arrivée derrière E. Macron, elle ne peut plus comme le déclarait fréquemment, se poser en présidente du « premier parti de France ».

Ces résultats constituent un véritable tremblement de terre géométrique, référentiel, l'aboutissement d'un processus engagé il y a des décennies. Voilà pourquoi.

Expédions d'abord rapidement une question qui fait la fortune des cartomanciennes, des bookmakers, des tabloïdes, des chaînes de TV et des instituts de sondage : à moins d'événements d'une extrême gravité dont il est impossible de mesurer l'impact, le prochain président de la République française sera E. Macron. Tout le reste est littérature.

Ni gauche, ni droite

Lorsque F. Fukuyama a publié « La fin de l'histoire et le dernier homme » (1992) beaucoup - surtout ceux qui ne l'ont pas lu - n'ont retenu que l'effondrement de l'URSS et le triomphe des Etats-Unis à la pointe de la « démocratie libérale » qui fait la démonstration de sa valeur et de sa supériorité. La même année paraît « 2 Français sur 3 » de l'ancien président V. Giscard d'Estaing. L'ambition, le projet majeur de cet énarque polytechnicien, de cet architecte fondateur de l'Euroland et plus tard, en 2005, le promoteur éconduit du « Projet de Traité constitutionnel Européen » est de dissoudre la France dans l'Europe et de désagréger la gauche et la droite en un centre qu'un J. Lecanuet ou un E. Faure n'aurait pas renié.

L'opposition gauche/droite, l'antagonisme capital/travail, le moteur de l'histoire des trois derniers siècles n'aurait plus aucun sens. « Je ne suis ni de gauche ni de droite » clament en cœur Le Pen et Macron. Il est plus ni gauche ni droite. Désormais, le sociétal se substitue au social, l'opposition gauche/droite est remplacée par la confrontation nationalisme/mondialisme, les armées, les métiers et l'éducation se professionnalisent, les différends politiques se » confessionnalisent »?

On change de problématiques et les conflits, les controverses s'organisent pêle-mêle autour du statut des genres, des techniques de procréation, de l'évolution des mœurs, de la légalisation des drogues, de l'efficacité managériale, du réchauffement climatique, de la maîtrise technologique avec un discours magique sur les vertus de l'innovation, de la « destruction créatrice », du « ruissellement »?

Tous ces thèmes sociaux sont neutralisés et vidés de leurs contenus politiques. Le triomphe du naturalisme sur le constructivisme. Le naturalisme génétique des « Français de souche » se retrouve face au naturalisme libéral de l'équilibre par les lois du marché. L'Etat est confiné en sa « gendarmerie » et la pensée économique est renvoyée au XIXème siècle.

Tous deux usent des lexicologies empruntées sans référence, selon les circonstances, à la gauche ou à la droite. Mélenchon, son style, ses techniques, ses termes de référence et son programme sont copieusement pillés par l'une et par l'autre, avec un culot effronté.[2] Le représentant des Insoumis n'est pas la seule victime.

Le petit fils du Général, Yves de Gaulle, dont le grand père est régulièrement et universellement récupéré, dénonce ceux qui « cachent leurs petites médiocrités sous l'étendard du gaullisme », qui n'est « ni un parti, encore moins un front ». «Et que dire de ceux qui l'ont toujours combattu, déchu de sa nationalité, condamné à mort pendant la guerre, cherché à le tuer plusieurs fois au début de la Ve République, vilipendé sa politique d'émancipation des peuples, de renouveau de la patrie, de la grandeur d'un État juste et conquérant! Leur haine est toujours présente. Leurs disciples sont toujours là, qui n'ont pas changé. Ils sont la régression, la négation et l'exclusion», écrit l'ancien conseiller référendaire à la Cour des comptes, âgé de 65 ans, dans une tribune : « Ça suffit! Rappel aux gaullistes et aux autres ». (AFP, L. 1er mai 2017)

La dissolution des mœurs politiques atteint ces dernières années des sommets. L'inconvenant est souvent félicité pour sa performance et son habileté, célébré pour son « professionnalisme ». Et le ridicule a cessé d'être mortel à Lutèce. Ni ailleurs.

Nulle révérence, ni illusions ici sur les combats politiques qui n'ont jamais été des joutes cordiales, loyales entre gentleman's.

Transition de phase

Le premier tour des présidentielles est sans précédent : les Français ont « dégagé » les deux partis de gouvernement qui alternent depuis la fondation de la République et l'avènement de la Vème.

Avec son parti B. Hamon a disparu entre les deux tours. « Solferino » ne compte plus qu'un locataire : J.-C. Cambadélis qui se demande quand il lui sera permis de mettre la clé sous la porte. F. Fillon constatant son absence de légitimité, s'est lui aussi évaporé.

Restent Les Républicains qui se regardent en chiens de faïence : le clan Sarkozy surveille le clan Juppé alors que l'UDI ne sait plus à quel saint se vouer, tandis que peu à peu tous inclinent vers Macron. Les lois de la gravitation universelle sont inoxydables.

Un Dupont-Lajoie de plus au Front National.

Les mauvaises langues n'ont pas manqué pour fustiger la volte face du fondateur de « Debout la France ». En ligne, certains prennent un malin plaisir à diffuser toutes les phrases dans lesquelles il explique pourquoi jamais il ne pactiserait avec le Front National.

Reprenant la litanie de F. Hollande face à N. Sarkozy en 2012, Marine Le Pen récite

 « Moi présidente de la République, je nommerai Nicolas Dupont-Aignan Premier ministre de la France », au lendemain du ralliement de Nicolas Dupont-Aignan à la présidente du Front national lors d'une conférence de presse commune, samedi 29 avril.

L'hypothèse purement formelle de Dupont-Aignan à Matignon est un engagement dérisoire qui ne coûte pas cher et qui rapporte gros.

Qu'y gagne le Front National ?

Ce n'est pas avec 4.7% de plus dans la corbeille de mariage que M. Le Pen accèdera à l'Elysée. D'autant moins qu'il n'est pas certain que toutes ces voix se reporteront le 07 mai prochain sur la présidente du FN. On pardonne beaucoup à un homme politique, mais rarement ses reniements. F. Hollande en paie aujourd'hui le prix.

Au reste, elle les aurait sans doute obtenues sans avoir à consentir à ces « sacrifices ». Il est même probable que ce pacte a fait fuir nombre de ceux qui s'apprêtaient à la rejoindre discrètement dans l'isoloir.

C'est que l'essentiel est ailleurs.

* Le Front National n'a jamais manqué de soutiens déclarés de la part de maires, députés, sénateurs, conseillers? de droite (et pas seulement de droite?), lors de diverses élections, notamment dans le Midi de la France. Des personnalités oui, mais des partis, avec un pacte en bonne et due forme, cela prend une toute autre dimension. Précisément conforme aux projets Maréchal-Le Pen, la nièce de Marine, axés sur des pactes de gouvernement avec les partis de la droite et non une vaine et illusoire expansion du FN qui ne pourrait jamais accéder au pouvoir sans alliances. Le scrutin uninominal à deux de tours sous la Vème République ne peut le lui permettre. Encore que les révisions successives de la Constitution en ont largement modifié la lettre et l'esprit. Les résultats de ce premier tour des présidentielles en sont pour une part les conséquences.

Le FN espère que le pacte avec « Debout la France », quantitativement insignifiant mais symboliquement essentiel, ne serait qu'un début et que d'autres suivront.

* Dans ses relations avec l'Euroland, M. Le Pen fait face à un dilemme.

D'un côté, elle proclame que la monnaie unique est un handicape pour l'économie française, ce en quoi elle n'a pas tort. Et ce qui est vrai pour la France, bien que devant être nuancé, l'est tout autant pour l'Italie, l'Espagne ou le Portugal. Il est donc logique que son programme comporte parmi les décisions urgentes à prendre, une sortie rapide de l'euro.

L'électorat du FN est très hétérogène et concatène une multitude de mécontents du système « UMPS ». Cela fait sa force dans l'opposition, mais sa faiblesse à l'orée du pouvoir.

Le problème est que si une partie de ses électeurs partage l'analyse et les projets sur l'euro, une autre partie importante est très inquiète. Il s'agit notamment des épargnants, des titulaires de patrimoine, notamment obligataire, et des détenteurs de contrats d'assurance-vie craignant les dévaluations et une envolée des taux d'intérêt.

Or, abandonner sa sortie projetée de l'euro signifie la remise en cause de l'essentiel de son programme économique. « Dans ces conditions-là, à peu près 70% de mon projet ne pourrait être mis en œuvre » déclarait-elle sur Europe1 le 27 mars dernier. On peut facilement juger de son embarras.

C'est ce qui explique en quoi le ralliement de Dupont-Aignan est rafraîchissant puisqu'il lui offre le prétexte de réviser son hostilité à l'euro pour la remplacer par une sorte de retour confus au SME d'avant l'euro, avec un double système monétaire, national et européen.

Naturellement, aucun des ténors du parti n'avait une lecture identique de cette révision. La cacophonie a été une bénédiction exploitée allègrement par ses adversaires.

5.- Lepénisation des esprits

« Marine Le Pen a brouillé les pistes et les électeurs ont davantage de mal à identifier son parti », dit l'historienne Valérie Igounet. (Reuters le J. 27/04/2017 à 17:27). Cela est vrai. Mais elle y réussit parce qu'en face c'est le désert idéologique. Les opposants au FN comptent sur la diabolisation traditionnelle (qui le devient de moins en moins) du FN. Il gagne en popularité et en crédibilité parce que ses adversaires sont incapables d'offrir un contre-projet qui ne repose pas seulement sur le rejet du FN. Il gagne aussi et surtout parce que ses adversaires ont eu davantage peur d'un retour des authentiques idées de gauche, par exemple sous la forme d'un parti des « Insoumis » représenté par Mélenchon, que d'une résurgence de l'extrême droite. Cela est très étrange parce que la situation ressemble beaucoup à celle de l'entre-deux guerres, avec des partis fascistes qui usaient du vocabulaire des partis de gauche et prétendent apporter des réponses à la misère des masses populaires.

Avec cette différence : On n'est plus à la veille de la seconde guerre mondiale. Il n'y a plus d'Allemagne nazie expansionniste qui propose aux régimes bourgeois du continent de collaborer pour lutter contre l'extension du bolchevisme. Aujourd'hui, la puissante et prospère Germanie domine l'Europe avec ses industries et son commerce mieux que ne l'auraient fait les Panzerdivisionen du passé. Sans tirer un seul coup de fusil. Krupp, Merck, Siemens? fabriquent des cafetières, des médicaments, des machines à laver ou des tomographes. « Deutsche Qualität » ! Il suffirait d'un mot de la très humble, très discrète et sobre Mme A. Merkel pour ruiner des pans entiers de l'économie de ses voisins.

De la droite extrême à l'extrême laïcité intégriste

La machine à fabriquer des frontistes n'est pas à rechercher par-delà les frontières hexagonales. Depuis la fin des années 1970, les socialistes et la droite ne se sont pas contentés de pratiquer une politique économique qui pousse au désespoir les travailleurs et les chômeurs dont le nombre s'accroît irrésistiblement, amplifiant d'autant le nombre des électeurs du Front National. Il n'y a pas que Mélenchon pour le crier dans ses discours.

Ce sont eux qui reprennent à leur compte et amplifient les slogans du FN contre l'immigration, contre l'islam et qui confondent l'étranger, le musulman, l'insécurité et le terrorisme. La réhabilitation des « bienfaits de la colonisation » procède de la même veine. Elle a commencé il y a très longtemps, déjà sous Mitterrand avec de nombreuses lois discrètement votées en faveur des anciens membres de l'OAS et des officiers qui avaient qualifié de Gaulle de traître à exécuter, aujourd'hui encensé par toute une classe politique opportuniste.

Les passerelles sont nombreuses, empruntés par de nombreux transfuges, de tous bords, entre partis installés, « respectables » et FN et pas seulement de la droite vers ses extrêmes. Le système politique et les médias furent les co-producteurs qui ont accouchés de l'état politique actuel de la France qui scandalise aujourd'hui les vierges effarouchées qui crient au loup !

Jean-Marie Le Pen le savait tant et si bien qu'il en jouait. Dans une pièce convenue où les partenaires de ce mauvais vaudeville se donnaient les répliques avec le peuple français pour dindon de la farce.

Lundi 24 avril le président Hollande condamnait Marine Le Pen mais mardi 25 dans la cour des Invalides il l'associait à une cérémonie officielle - du reste ambiguë - aux côtés de E. Macron, créant ainsi une symétrie et une équivalence qui, à bien réfléchir, ne rend pas service au chef du mouvement « En Marche »[3]. Tandis que J. Chirac en 2002 n'avait même pas daigné débattre entre les deux tours avec J.-M. Le Pen, F. Hollande confère ainsi une image de respectabilité à sa fille, alors que rien ne l'y obligeait.

Le lendemain, après l'avoir honorée la veille, il appelle les électeurs à ne pas voter pour elle, au second tour des présidentielles, la désignant comme un péril pour la République.

Ces inconséquences, ces confusions, ces contradictions dans la démarche traduisent et révèlent une perte de repères, un pouvoir sans cap ni stratégie. La lepénisation des esprits a depuis longtemps gagné les « partis de gouvernements » de droite et de gauche, que ce soit par conviction ou par calcul cynique à court terme.

Pérégrinations hollandaises

E. Macron n'est pas le bébé de F. Hollande. Il n'est pas là pour compenser l'obligation dans laquelle s'est trouvé le président de ne pas se présenter aux primaires socialistes. Sans doute crût-il que l'uniforme fait le soldat et l'Elysée le président. On n'efface pas des records d'impopularité et d'indigestes anaphores. F. Hollande a trop présumé de l'amnésie de son peuple. Même les veaux ont de la mémoire.

En fait, E. Macron est là pour compenser la surprenante élimination de A. Juppé qui a perdu les primaires de la droite LR. A bien y réfléchir, il remplace la malheureuse H. Clinton. Tout cela participe d'un cheminement qui dépasse le cadre strictement français et européen. L'échiquier est vaste, les joueurs omnipotents et les enjeux réellement mondiaux.

Au lieu de se mettre en veille, dans un quant-à-soi convenu comme le voudraient les usages, attendant l'arrivée du prochain président en expédiant des affaires courantes, F. Hollande a remis du cœur à l'ouvrage avec un zèle singulier, aussi bien en France, intervenant dans une campagne électorale qui ne le concerne plus, qu'à l'échelle internationale.

Il n'est pas certain qu'E. Macron en tire le bénéfice souhaité, c'est pourquoi sans doute il s'en réjouit très discrètement?

Chacun cependant devra en prendre son parti : F. Hollande ne sera pas plus absent de la vie politique après les présidentielles. Il en sera de ce président finissant comme de son prédécesseur qui continue plus que jamais à intervenir dans la vie des partis et des institutions.

Sur les barricades du troisième tour

Les uns pour accroître leur avance et se donner les moyens de gouverner, les autres pour se donner au Palais Bourbon, et donc à Matignon, le pouvoir perdu dans la bataille pour l'Elysée.

Les législatives vont recomposer le paysage politique traditionnel que les présidentielles ont décomposé. La droite résiste comme elle peut avec une reprise en main vigoureuse mais laborieuse par le clan Sarkozy, toujours aux manettes dans les coulisses, mais le PS est en voie de décomposition, éclaté entre ceux qui rejoignent E. Macron et former avec lui une majorité parlementaire et l'aile gauche du PS qui louche en direction de Mélenchon, ceux que Hamon aura rassemblée autour de ce qui reste du parti issu des primaires socialistes.

Le problème pour le PC est qu'une alliance avec le PS ne lui apporte aucune garantie pour tenter de sauver le peu de députés qui lui reste (à supposer que le PS soit en état de pactiser avec qui que ce soit) bien que E. Macron fera tout pour ratisser large et ainsi limiter la progression des « insoumis » dont il sait qu'ils lui sont « radicalement » hostiles.

En tout et pour tout, Macron aurait trois oppositions inconciliables entre elles : Les Républicains tiraillés entre Sarkozy et Juppé, le Front National de Marine et de sa nièce et enfin la France Insoumise de Mélenchon.

Le futur président pourrait ne pas être en état de gouverner si Matignon lui est hostile. Succédera alors une période inconnue dont personne ne peut anticiper les contours, les conséquences et le degré de gravité.

Avoir autant d'opposants n'est peut-être pas un handicap, mais une vraie chance car ils sont très divisés et de taille comparable, autour de 20% chacun lors du premier tour des présidentielles. Les lois de la mécanique viendront peut-être au secours du prochain président : la résultante de forces opposées est nulle.

L'horizon européen

La France a souvent été jalousée par de nombreux pays en raison de la stabilité de ses institutions. Stabilité que ne connaissent pas ses voisins belges, Italiens ou Espagnols.

C'est pourquoi elle est aujourd'hui observée à la fois avec curiosité et inquiétude. C'est aussi pourquoi ses partenaires européens gardent un regard attentif sur le déroulement de ses élections et réfléchissent à ce qu'elles impliqueraient pour la France et pour l'Union avec qui elle partage un sort commun en de nombreux domaines, si un fâcheux concours de circonstances amenait à la tête du pays un pouvoir hostile à la construction européenne. Ce serait d'autant plus préoccupant que l'Union est fragile, en crise économique, financière et politique. Un changement radical de cap à Paris provoquerait un séisme d'une magnitude inconnue.

Réunis en un Sommet à 27, les pays de l'Union se sont accordés sur une posture dure face au Brexit. Ils ne pouvaient se permettre une autre attitude. La Grande Bretagne, malgré les soutiens qu'elle possède au sein de l'Europe continentale et sur les autres rives de l'Atlantique, aura bien du mal à tirer tout le parti qu'elle espère des prochaines négociations avec la Commission. Il fut un temps possible à Londres d'espérer quitter l'Union et maintenir les mêmes avantages attachés au statut de membre. C'est un luxe que l'Europe ne peut plus se permettre.

* Un, pour dissuader tout autre pays de faire le même choix. Personne ne peut se prévaloir de l'idée qu'être à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Union reviendrait au même et confère les mêmes privilèges. Mieux, être à l'extérieur donne aux pays qui la quittent des avantages comparatifs (fiscaux, sociaux, financiers?) et leur épargne les inconvénients d'une association coûteuse et excessivement normative.

* Deux, pour ne pas encourager et favoriser la prolifération et l'expansion des partis eurosceptiques, souverainistes, notamment d'extrême droite, en créditant l'argument que l'Europe des Nations souveraines est plus conforme à la volonté des peuples qu'une Europe intégrée et unie sous une direction unique.

Une telle aménité aboutirait à l'éclatement définitif de l'utopie européenne. On ne peut quitter l'euro sans quitter l'Union et on ne peut quitter l'Union sans renvoyer l'Europe loin dans un passé mortifère que les générations passées avaient juré de ne plus connaître.

Pendant ce temps-là au large de la Corée, un Trump dangereusement facétieux s'apprête à déclencher une troisième guerre mondiale.

Note :

[1] Slogan lancé par des lycéens qui manifestaient leur dépit dans les rues des villes de France dès l'annonce des résultats du premier tour des présidentielles.

[2] La présidente du FN est une plagiaire patentée. Lors de son meeting du 1er mai à Villepinte (Seine-Saint-Denis), M. Le Pen a repris mot pour mot, des passages du discours prononcé par F. Fillon le 17 avril au Puy-en-Velay. Le 1er mai 2015, au pied de la statue de Jeanne d'Arc, elle empruntait le discours que sa nièce consacra en juillet 2014 à la commémoration de la bataille de Bouvines (1214).

[3] Il s'agit de l'hommage national rendu mardi au policier Xavier Jugelé, assassiné la semaine précédente sur les Champs-Elysées par un présumé djihadiste.