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Dinar tunisien et importations

par Akram Belkaïd, Paris

La semaine dernière, nous évoquions les limites de l’affirmation selon laquelle le libre commerce est un excellent antidote aux tensions, voire à la guerre, entre les pays (*). L’actualité récente de la Tunisie permet d’aborder la question commerciale -et donc celle de l’ouverture ou du protectionnisme- sous l’angle de la monnaie. Dans ce pays, le dinar est sous tension depuis plusieurs années -il a perdu un quart de sa valeur depuis 2015- et il est question de manière récurrente de dévaluation plus importante à venir. Et cette dépréciation est directement liée aux questions commerciales même si d’autres causes peuvent être évoquées.

Le déficit commercial en question

Il y a quelques jours, la ministre tunisienne des Finances, Lamia Zribi, a ainsi évoqué le fait que le dinar pouvait tomber à un taux d’un euro pour trois dinars (il a touché récemment le plancher historique de 1 pour 2,55). La responsable a démenti par la suite avoir tenu ces propos -ce qui ne lui a pas épargné d’être limogée- mais l’effet a été le même. Un mouvement de panique sur le marché des changes, des polémiques médiatiques sans fin et un recours plus marqué aux circuits parallèles pour certains citoyens et opérateurs économiques. A ce sujet, il convient néanmoins de relever que la Tunisie, à la différence de l’Egypte ou de l’Algérie, n’a pas de marché de change au noir très développé car le système bancaire répond pleinement à la demande en monnaies étrangères.

Pourquoi le dinar tunisien est-il aussi faible ? La réponse qui coule de source est que la monnaie est le reflet de l’incertitude politique et de la crise économique que connaît le pays depuis 2011. A pays instable, monnaie faible… Mais cette explication n’est pas suffisante. En réalité, ce qui compte le plus, c’est l’aggravation du déficit commercial qui atteint actuellement près d’un milliard d’euros. Quand un pays importe plus qu’il n’exporte et qu’il n’arrive pas à compenser ce manque à gagner via d’autres recettes (tourisme), la dépréciation de sa monnaie est mécanique. Plus important encore, plus la monnaie baisse et plus l’inflation augmente, ce qui n’améliore pas le climat social. On devine le cercle vicieux qui pousse le dinar vers les abîmes.

Restrictions…

Le problème de la Tunisie, c’est que nombre de ses importations ne sont pas nécessaires ou prioritaires. Il en est ainsi des fruits exotiques et d’autres produits alimentaires achetés à l’étranger, notamment pour la période du ramadhan. Une facture qui dépasse les cent millions d’euros. Dans un tel contexte, le gouvernement tunisien pourrait agir afin de limiter ces importations et préserver ses devises et donc, in fine, la valeur de son dinar. Or, ce n’est pas possible car le pays est engagé par des accords commerciaux dont celui de libre-échange, qui le lie à l’Union européenne (UE). Impossible donc de faire passer des mesures protectionnistes. Le Fonds monétaire international (FMI) s’oppose d’ailleurs à de telles restrictions et conseille d’augmenter les taux d’intérêt (une mesure qui n’est pourtant efficace que dans le cas d’une monnaie totalement convertible). Pour mémoire, l’institution multilatérale doit verser une nouvelle tranche de 300 millions d’euros à la Tunisie sur un prêt d’un total de 2,6 milliards d’euros. De quoi limiter la marge de manœuvre de Tunis en termes de limitation des importations.