Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Reportage - Folâtrer dans la symphonie du vent !

par Réda Brixi

Parlons plutôt des fleurs. Dans tout le pays, c'est le triomphe de l'orchidée sous des centaines de variétés: la «Fah mui» au nord, la plus connue, dont les couleurs vont du blanc au mauve. Le mouvement du vent les ondule comme sous l'effet d'un chef d'orchestre. L'orchidée royale mauve sert de symbole aux lignes aériennes thaïes internationales, comme la fleur de lys à Air Canada.

Ethnologie thaïe

On distingue du point de vue ethnique les familles thaïes et les minorités. Les Thaïs constituent environ 80% de la population, bien qu'une partie non négligeable soit métissée de Chinois, Laotiens, Vietnamiens, Cambodgiens ou d'une autre minorité. Au début de l'ère chrétienne, une partie des Thaïs qui étaient établis en Chine méridionale, dans le Yunnan, descendirent dans la péninsule indochinoise. Ces Thaïs appartenaient à plusieurs familles: en Birmanie, les Shans, qui parlent un dialecte thaï, en Thaïlande ces descendants vivent autour de Chiang Maï généralement en altitude (1.000 m), leurs vêtements autrefois teintés d'indigo brodés de dessins de couleur leur vaut le surnom de Thaïs noirs.

Les Lus se trouvent principalement au nord-est de Chiang Raï et sont installés dans les vallées souvent isolées. Bouddhistes, ils ont adopté les coutumes des Thaïs des plaines. Les Thaïs Korat ou Thaïs Lao occupent les anciens territoires khmers (Cambodge). Les Siamois sont des Thaïs de la plaine centrale, leur religion est le bouddhisme du petit véhicule. Dans le nord, la population répartie en une centaine de villages est de grande taille, de teint foncé, le système pileux développé, les cheveux souvent ondulés. Le Lawa ne présente guère de traits mongoloïdes et se différencie des hommes montagnards. Les Lawas se distinguent par leurs villages très coquets, maisons sur pilotis assez bas, en lignes, entourées de petits jardins. Grands mâcheurs de bétel et amateurs de tatouage, ils ne cultivent généralement pas l'opium. Leur animisme est encore bien vivant, il est lié au monde des esprits qui animent toute chose et des offrandes doivent leur être faites avant toute action. Heureusement, le sorcier du village sait user de certains sortilèges pour rendre inefficaces les esprits malveillants. Société patriarcale divisée en deux castes (celles des Kouns et des Luas), la société lawa n'est pas très originale quant au mariage: on se marie tard; divorce et adultère sont très mal vus. Par contre, elle a adopté une coutume que l'on trouve déjà en Polynésie: celle du mariage par enlèvement simulé, ce qui est plus romantique. Je m'imagine la réaction des Tlemcéniens dans de pareilles circonstances. Pouf ! La mariée s'est envolée ! Catastrophe: «booh et zoom ala nounou» !

A l'est de Bangkok, les Khmers, descendants des Khmers du royaume d'Angkor, sont établis 15 siècles avant notre ère. C'est aux traits du visage plus aplati (comme sur les bas-reliefs des temples) qu'on les reconnaît. Ils sont bouddhistes à 90, connaissent les mêmes déformations par rapport à la doctrine primitive en conservant la croyance dans les esprits du village (ils sacrifient aux offrandes), et celle de l'astrologie. Une astrologie omniprésente dans la vie du Khmer: de la naissance à la mort, l'astrologie est consultée et exerce un pouvoir de conjurateur de sort.

Le riz et l'opium sont les principales cultures, mais celles du thé, du mûrier, du tabac ne sont pas négligeables. Avant, il y a plus d'une décennie, la façon de cultiver le sol par la méthode ray, qui correspond à l'écobuage et à la culture du brûlis. Tous les neufs ans environ, quand la terre du village est bien épuisée (on n'utilisait pas d'engrais), on va brûler le village et l'abandonner. De nouveaux terrains libres sont recherchés. Avec les lois et la progression démographique, ces méthodes sont déclassées.

Culture et agriculture du pavot

Le pavot est semé en juin. Il est mûr pour la récolte de l'opium en hiver, de décembre à février. La méthode rappelle celle de la résine. C'est au crépuscule que les femmes vont entailler les bulbes pour que la sève s'écoule pendant la nuit. Elle coule avec une couleur laiteuse et, en se solidifiant, elle devient brune. Au matin, elle est récupérée, lavée et bouillie. Ce sont des marchands chinois qui font la tournée et en assurent la commercialisation clandestine dans ce Triangle d'or.

Le principe qui guide la vie de ces tribus: «manger, vivre, rechercher le prestige, adorer les dieux». Rechercher le prestige, cela peut se manifester par le désir de posséder un éléphant, même si cela n'est pas très rentable.

Les Méos ou Miao, hommes aux traits mongoloïdes, dominent la région de Chiang Maï et leurs villages tous établis entre 1.000 et 1.700 m d'altitude, à proximité d'eau. La taille moyenne est de 35 maisons groupées autour de celle, plus grande, du chef. Animistes, c'est pourquoi leurs villages sont protégés par des portiques ou des poteaux qui doivent éloigner les esprits malfaisants. Les femmes mariées se distinguent par leur chapeau qui possède plusieurs étages. La pipe, inévitable, achève le portrait. L'homme porte souvent un long poignard, son turban est blanc et il mâche le bétel, car c'est très remarqué pour lui d'avoir les dents rougies.

Les superstitions hantent les moindres gestes traditionnels du Thaï. Chaque soir, on dépose une fleur et un bâtonnet d'encens lorsque ce n'est pas de la nourriture à la maison de pierre que chaque demeure thaïe se doit de posséder si l'on veut que la chance et la bénédiction restent dans le foyer.

Les esprits pullulent?.

Il y a un esprit pour chaque chose, esprit de l'arbre, du riz, de l'eau. L'astrologie d'influence khmère, d'origine indienne (ce sont les Brahmanes qui savent lire dans les astres quand il s'agit de prendre certaines décisions importantes).

Notre guide nous explique, après le repas en groupe sur la place publique, les différentes danses folkloriques qui se déroulent dans un tumulte anarchique. Une face d'un décor pour éblouir la naïveté du touriste. Les jeunes tournent autour des blondes étrangères à peine tenant debout du fait du haut degré d'alcool ingurgité depuis le coucher du soleil. Une atmosphère plutôt agaçante, qu'autre chose. Ennuyé et déçu, je retourne vers la couche, calmant la fatigue que de tirer sur le diable. La petite couverture fut insuffisante pour parer le froid matinal, ce qui incita tout le monde à être debout aux aurores. Un thé fut bricolé sur un feu de bois à même dans le gîte. La fumée maintient l'odeur de l'idée du primitif mais la réalité de l'arnaque est plus forte. Avec le soleil, nous dévalons la montagne en tentant de penser à un autre genre d'humanité.

A l'hôtel, le confort panse l'handicap de la veille, la soupe compense le manque à gagner et le voyage continue. Même système de gare routière qui vous mène à votre destination malgré les difficultés linguistiques. Il faut continuer vers le nord, vers Chiang Raï et de là vers la frontière du Laos afin d'embarquer sur le Mékong.

Le bus fonce sur l'autoroute. Toute cette région du nord de la Thaïlande donne le sentiment d'être en plein boom, en mutation, de l'agriculture à l'industrie et au tourisme. Des constructions partout, des immeubles, des hôtels, des shoppings centers, etc. Vaste politique pour faire oublier que cette région était un sanctuaire de trafiquants, un vaste espace frontalier sans contrôle. L'autoroute cède la place à une route de montagne, entourée par la jungle. Vues spectaculaires, alors que le bus surchargé ahane lentement vers Mae Saï sur la frontière birmane. Nous sommes au cœur du Triangle d'or. Je guette par ma fenêtre les caravanes de pavot, rien à signaler jusqu'à l'arrivée. Sans perdre de temps, je cherche un taxi collectif qui rejoint la frontière du Laos, qui n'est pas trop loin. Tassés près du chauffeur, nous voici en direction du dernier village, près du fleuve du Mékong.

Le Mékong au Laos

Le Mékong, fleuve paisible, ne se départit pas de sa jaunisse tout au long de son parcours. Comme son collègue d'Amazonie, alimente généreusement, urbi et orbi, toutes les pompes agricoles. Quant à nos pauvres et chiches oueds, ils cherchent obstinément leur lit et l'oued El-Namous s'évanouit dans les dunes miraculeuses de l'Erg occidental, ajoutant à son débit mirages et illusions? Bien sûr, c'est la faute du régime? d'eau. Un de nos «fleurons démagogiques» de l'hydro (unique dans le monde) pour perdre sa face dans le sable.

Mae Saï, c'est le bout du monde, une ville où le temps s?est arrêté. Plus vieille capitale que Chiang Maï, ses ruines s'étendent sur plusieurs kilomètres le long du Mékong. Le Mékong prend sa source dans le Tibet oriental, sur les hauteurs de l'Himalaya. Il traverse six pays sur 5.000 km pour se jeter dans le sud de la Chine.

Le soir arrive et la frontière n'est pas assez loin, à une cinquantaine de km, mais le trafic est arrêté, plus aucun taxi ni bus en partance. Je suis obligé d'aller chercher un hôtel pas trop fatigué pour un sommeil léger. A l'aube, sur une sorte de front de mer, sur une terrasse, je prends un thé tout en surveillant s'il y a un taxi qui prend le départ. Rien de rien, c'est une journée relâche, je patiente pour dénicher le bon départ. En fin de compte, après d'âpres négociations par un Hindou, le taxi nous prend à un prix double. Je paye sans explications et pourvu que je m'en sorte de ce trou. Finalement, nous arrivons en vue de la frontière laotienne. Il faut aller vite régler le visa et se faire tamponner le passeport pour tenter d'embarquer sur le seul bateau qui descend le Mékong. Le bureau de la frontière est trop exigu, mal disposé où s'agitent quelques adolescents soucieux pour tamponner leurs passeports. D'abord payer le visa, qui devient une opération assez lucrative pour le pays, à 50? par tête, à longueur de journée, il y a de quoi pouvoir développer la région ! Mais rien n'est visible. Comme partout, l'Etat empoche et distribue très mal. Libéré de cette contrainte, je me retrouve au Laos du haut d'une colline dominant le grand fleuve jaune du Mékong. Un bateau de voyageurs pareil à un bateau mouche attend en rade ses clients. Il va descendre le fleuve dans un quart d'heure et il va falloir se dépêcher pour ne pas rester moisir avec les poissons pourris qui se tassent dans des boîtes au soleil. Tickets par-ci, casse-croûte par-là et me voici en queue du bateau en me casant à la première place. Je remarque que tout le monde est assis sur un polochon en couleur qui laisse supposer qu'il est de fabrication locale. Je saute aussitôt pour aller m'en procurer un et une bouteille d'eau que j'avais oubliée à la douane. Le bateau commence à siffloter son départ, ouf ! Je l'ai eu de justesse. La croisière va durer jusqu'au soir. Tout le monde, soit une centaine uniquement des routards sont de la partie, certainement qu'au premier étage, c'est pareil. A peine parti, une flopée de caméras s'actionne. La réserve du souvenir de voyage se pourvoit sur le tas. Celui de l'exotisme pur qui va se nourrir de mangroves, de belles petites plages et d'une jungle fournie.

La musique douce en quelques heures est remplacée par un jeune guitariste qui, avec sa femme, nous gratifie d'une série de chansons emballantes.

Destination: Luang Prabang. Le fleuve est charrié par la masse de notre bateau qui sillonne une eau verdâtre, tirant vers le jaune, la boue se renfloue vers le rivage. Des pêcheurs s?activent ingénieusement avec leur filet. Le bruit sourd du moteur invite la plupart des voyageurs à chercher du soleil la position idéale pour piquer un somme. Au coucher du soleil, tout le monde scrute le rivage, ou à défaut clique la photo. La ville de Luang Prabang s'annonce par un pontier délabré. Rendez-vous annoncé pour demain à 9 heures. On commence à escalader une forte pente à la recherche d'un hôtel ou semblant. Toutes les habitations longeant la seule rue nous offrent logis. La horde touristique effectue son choix selon leur désir de confort. Vaille que vaille, je loge mon sommeil dans un cagibi, m'enquiers de la douche et ressors pour dîner sur une terrasse appropriée. Rebelote le matin au bateau pour la journée afin de rejoindre un relais vers la capitale Vientiane.

L'embarquement, comme le débarquement, s'effectue en un laps de temps, de nouveau le paysage du fleuve offre ses scènes de pêche ponctuées de présence de jonques. A l'intérieur du bateau croisière, la plupart sont branchés en extra musicale ou avec leur mini-ordinateur. Ils captent leurs nouvelles nostalgiques. Le moteur à l'arrière rythme l'avancée jusqu'au soir. Un bruit auquel on s'habitue peu à peu. Les petites plages, bordées de multiples rochers ou de petits jardinets bien entretenus, défilent. Peu de villages en vue, pas de casse-croûte non plus, que des chips et du coca pour amuse-gueule. Le sommeil comme dominateur commun nous gagne dans des positions délicates. Le rêve plane au-dessus de tous. Il nous projette chacun dans son horizon particulier jusqu'à l'approche de l'arrêt des machines. Le sens de la débrouille est de se saisir d'un tuk-tuk, d'arriver à la gare routière et de se caler au fauteuil d'un bus qui descend vers Vientiane. Une gare routière sur deux étages désoriente par une foule dense. Les écriteaux seulement en laotien n'aident pas la bonne compréhension, ce qui pousse à aborder plusieurs personnes en anglais pour arracher l'information. Après plusieurs essais, je passe par une agence qui m'octroie un autobus de luxe à deux étages qui part dans trois heures. Qu'à cela ne tienne, je cherche un café et tue le temps avec des mots croisés. Auparavant, la reconnaissance des lieux m'obligea à faire quatre fois le tour. Le temps d'examiner et d'extrapoler mon imaginaire au procès des analyses de toutes les personnes qui attendent comme moi le départ fatidique. La famille est vite repérée, avec ses enfants, le chef responsable qui émet des ordres de préservation; la mémé, qui ne bouge plus, et les bagages qui déterminent leur rang social. Les isolés présentent, par leur habillement local, le mode de vie campagnard ou citadin. La bizarrerie se situe au niveau du chapeau et sa façon d'être porté. Pour faire le tour de la chambrée, salle d'attente, mon imaginaire se lasse, renonce pour s'adonner aux mots croisés. Ma pensée s'envole de temps en temps pour me poser quelques questions du genre que fais-tu ? Ce déracinement momentané réussit-il un jour à résoudre les problèmes en suspens ? La vie est un éternel problème, y compris la mort. La décantation pousse à la prise de conscience et nous ramène vers une réalité difficile à admettre. Mais il faut aller de l'avant. Le mouvement cherche la sortie. Avec le temps laissé au temps, tout se fixe et traverse l'étape pour aller vers une autre. Ce hasard fatal dicte sa loi et l'on constate que tout est absurdité. Le voyage, dans cette optique, est un gain de temps contre la mort. Agréable ou pas, il remplit une durée noyée dans l'exotisme et l'extraordinaire.

Les gens commencent à bouger, ils ont deviné l'approche du départ. Je me saisis pour me dégourdir les membres, ramasser mes affaires et sentir le vent du départ.

Toujours en train de partir jusqu'au départ final, telle est ma destinée !

Enfin, le quai est pourvu de son mastodonte, dont le chauffeur canalise les voyageurs impatients. Une place de luxe m'échoit avec l'enchantement d'un départ proche. L'effet de balancement du siège anticipe pour une sieste agitée. La sortie de la ville est toujours encombrante, suivie par le déroulement d'un paysage où l'émerveillement exotique du paysage poigne l'imaginaire en le poussant vers le rêve et le sommeil. Les montagnes, les vastes prairies avec les belles rizières se télescopent sans s'enregistrer dans mon disque dur.

Après neuf heures de balancement, épuisés, nous débarquons dans une autre gare routière débordante d'animation. Pour trouver le bon hôtel, l'exercice de la marche s'effectue de bon cœur car en même temps on découvre la ville. Chaque hôtel a sa particularité. La plupart sont des hôtels de passe, sinon c'est deux étoiles de plus. Les chambres se ressemblent et les draps se suivent. Un bref coup d'œil vous fixe sur votre choix et c'est parti pour deux ou trois jours. La vie de l'errance est ainsi. Calmer la panse, découvrir le charme de la ville, ses étalages, son front de fleuve, ses temples, etc. Je suis toujours attiré par les librairies d'occasion, un rayon en français est toujours là pour vous offrir quelques livres insolites. A Vientiane, le fleuve du Mékong accapare un grand intérêt, il est central. Tout vivote autour. Le long du fleuve, en plein travaux d'aménagement financés par un organisme international, une large esplanade est projetée afin de contenir des terrasses de cafés et de restauration locale. Déjà des matelas, des chaises longues, des comptoirs, des barbecues agrémentés de musique meublent la plage et les rues adjacentes.

Le soir, avant le coucher du soleil, les promeneurs se dandinent allégrement, la température clémente, rafraîchie par le fleuve, attire les touristes et les Laotiens. La vie au Laos paraît plus douce qu'ailleurs, les gens, toujours souriant, agrémentent le contact. Les étrangers (faranges) s'attirent entre eux pour se refiler des informations utiles, chacun possède une ficelle de plus qui aide les voyageurs dans leur long déplacement. La rencontre est plus féconde dans les salles à manger ou lors des promenades dans les places fortes réputées. Forcer la dose en promenade, vu que la découverte est de taille, aidé des cartes touristiques, chaque coin est différent et diffuse sa magie. On se sent transformé par le renouveau de la découverte insolite. On est de la routine et de l'ennui quotidien qui est à l'origine de la propulsion.

Ma rencontre avec Jean-Paul, un féru du voyage en Thaïlande et Laos, fut à plus d'un titre intéressante, un compagnon agréable dont la discussion n'en finit point. Il m'apprend que le prestige de la France dans ce Sud asiatique cède le pas aux influences australiennes. De l'investissement en général à l'occupation culturelle, l'Australie est en première ligne depuis la dernière décennie. Elle distribue des bourses aux étudiants et creuse le prestige australien auprès de tout le Sud-Est asiatique. La francophonie est en perte de vitesse, subissant la crise économique de la maison mère. Le Laos, dans un contexte asiatique et historique remuant, ne peut échapper à son milieu naturel et traditionnel. La Chine en premier lieu, avec le Japon et l'Australie, nouvel agent entreprenant, dictent leurs influences. Le Laos ainsi que le Cambodge sont indirectement sous tutelle onusienne. Le champ devient un espace de rivalité économique. La France, après une occupation coloniale, s'en lave les mains en maintenant juste la façade. Jean-Paul s'occupe à vivre à Vientiane profitant de sa retraite pour sillonner le pays. Après toutes ses tribulations, il planta son pavillon à Vientiane qu'il trouve paisible, très sécuritaire et agréable par la fraîcheur du fleuve. Il entreprend le va-et-vient avec les plages thaïlandaises en hiver. Il y a aussi des habitués de Pattaya, l'ancienne station des soldats américains lors de la guerre du Vietnam.

Pour dîner, on choisit un petit restaurateur en plein air près du fleuve profitant de l'animation à cette heure par de nombreux touristes. On continue à deviser tout en dégustant des crabes grillés. La cuisine laotienne, très fine, moins relevée que celle de l'Indonésie, demeure très appréciable.

Je le laisse continuer sa soirée avec ses connaissances pour rejoindre mon hôtel. Au salon, une dizaine de jeunes Laotiennes rigolent en se tordant sur le canapé. La patronne avec elles dirigent cet interlude familial. La différence linguistique nous sépare pour que chacun rejoigne sa place.

Le Vietnam du Nord

Le lendemain, de bon matin, à l'aide d'un tuk-tuk, je me dirige vers l'aéroport en direction d'Hanoi. L'avion est le plus sûr moyen; en autobus, l'arnaque règne. A un moment donné, en pleine montagne, le chauffeur s'arrête et demande aux voyageurs étrangers (les faranges) à ramasser 20 dollars chacun, sinon il ne démarre point. La région n'est pas recommandable, l'avion, assez abordable, escompte le temps et vous fait atterrir à Hanoi en deux heures. Mes ennuis sérieux débutent au premier policier qui me met de côté et m'explique que mon visa n'est pas valable car il est émis sans la sortie. Il me fallait un billet de sortie du territoire, sinon, je suis refoulé. Après deux heures de négociation, un policier m'accompagne en zone International pour acheter un billet de Saigon sur Phnom Penh, au Cambodge. Ils sont intraitables, même en leur rappelant notre grande amitié avec Ho Chi Minh et notre admiration pour le général Giap.

Pour rejoindre Hanoi centre, il faut être sportif. Me hissant au premier bus, je pars sans destination fixe. Je ne connais rien d'Hanoi sinon que mon guide du routard me conseille le docteur Lang qui parle bien français.

A un moment, je croyais que le centre de la ville est atteint par quelques beaux monuments et des immeubles imposants, je décide à m'éjecter au prochain arrêt. Je découvre la ville de Hanoi par ses vitrines extra achalandées. Au bout de deux boulevards, je demande à un ancien qui parlait français, le quartier de la vieille ville que me recommanda un taxi car j'étais encore très loin. Il me griffonne l'adresse sur un bout de papier que je remets au taxieur et me voilà sur le pas de l'hôtel en question. Content d'être arrivé à bon terme, le docteur m'invita à prendre un thé avec sa famille et se souvenait de ses séjours en Algérie. Il a servi la légion à Sidi Bel-Abbès et ses histoires remontent en surface pour s'adresser à sa femme et sa fille. Il me recommanda un petit restaurant dans le coin spécialisé en poisson et m'invita à une explication touristique d'Hanoi pour le lendemain. La fatigue aidant, je fis un brin de toilette, expédiai le dîner et m'envoyai dans les bras de Morphée.

Hanoi est impressionnante par sa grande foule tassée en record au mètre carré. Du monde partout, sur la chaussée c'est la marée des motos, sur les trottoirs, une masse d'humains qui se meut comme elle peut. Ce qui complique le déplacement, c'est l'encombrement des trottoirs par l'installation de parkings pour motos où les charrettes restaurent avec quelques tabourets et la cuisine en plein air. Ce grouillement au bout de deux heures vous fait perdre le fil de votre destinée. Je n'en n'avais pas, mon problème c'était de repérer la direction pour retrouver mon hôtel en fin de journée. Ce qui n'était pas évident, subissant la bousculade et l'inclinaison des détours de la vieille ville, je n'ai pu retrouver la bonne direction. Je suis sorti pour découvrir le charme d'une ancienne civilisation sans contrainte géographique je me sens désorienté. Au bout d'une heure, je me suis éloigné sans points de repère.

En attendant, je goûtais, au hasard des rencontres, aux fruits du pays, aux divers yaourts mélangés, mes yeux dévoraient les étalages des pacotilles spécifiques. Je pensais aux importations de containers de produits des quatre dragons en Algérie et surtout en période du Mouloud, avec les pétards.

Le tour de la city me mène au mémorial d'Ho Chi Minh. Le site, édifié sur un large espace, reflète des éléments patrimoniaux se rapportant aux 15 dernières années de la vie du président Ho Chi Minh (de décembre 1954 à septembre 1969). Le visiteur découvre le palais présidentiel, la tonnelle de fleurs, la maison sur pilotis, symbole d'un mode de vie simple et sobre consacré au peuple. Tous situés au milieu d'un espace bien aéré, lumineux où flottent les parfums des fleurs du jardin. Des millions de visiteurs vietnamiens et étrangers s'y sont succédé pour honorer la mémoire et chercher à comprendre la vie quotidienne de ce héros de la libération nationale et éminent homme de culture mondialement reconnu. Juste à côté, le musée d'ethnographie, réputé pour le savoir-faire traditionnel en matière de textiles et de poterie, expose des costumes en soie. Son extension en plein air se compose d'une série de maisons de diverses tribus d'antan. Maisons réalisées par les artisans du village. Les visiteurs peuvent entrer dans les maisons qui illustrent chacune un mode de vie différent (maison sur pilotis, double étage en bois, en terre battue). La chaleur m'expulse vers les ruelles de la vieille ville, espérant un rafraîchissement sous la multitude d'arbres ombragés. En cours de route, je tombe sur un drapeau bien connu et la pancarte en cuivre annonce Ambassade d'Algérie. Un salut général me lie avec le luxe d'une ambassade, boisson offerte et, bien sûr, rappel nostalgique sur l'Algérie. Les rapports d'échanges économiques internationaux ne sont pas trop fructueux du fait de la distance, sinon le rapport historique entre Messali Hadj et Ho Chi Minh travaillant dans la même usine est un lien inoubliable.

Les merveilles de la baie d'Along

La visite de la baie d'Along s'ensuit dès le lendemain. Je pars par le biais d'une agence de voyages, pris en charge pour une poignée de dollars. A la porte de l'hôtel, le minibus me prend et continue sa tournée pour une première étape d'un parc fleuri. La spécialité d'orchidée couvre tout un arpent de terre coloré d'une féerie de fleurs. Je ne pouvais imaginer la diversité de tant de fleurs. Domaine dont je m'estime nul, à peine si je pouvais discerner l'orchidée. Au bout de 100 km, nous déferlons dans un mini port où une centaine de bateaux touristiques flottaient au gré de petites vagues. Un grand quai où s'amoncellent des paquets de groupes en vue d'achat des tickets d'embarquement. Une placette animée par de nombreuses charrettes qui offrent des fruits et des amuse-gueules de toutes sortes. Chaque agence endigue ses clients et les embarquements se suivent pour une tournée de la baie. Cette baie d'Along, considérée comme une merveille du monde, attire chaque année un nombre imposant de touristes. Ha Long signifie descente du dragon chez les Vietnamiens. Plus de deux mille pains de sucre jalonnent la baie sur des centaines de kilomètres carrés. Par l'effet du tropisme de la nature, les rochers en forme de cône s'élèvent à la verticale enrobés de lichen vert qui se confond avec le bleu de la mer. Ces grandes masses de rochers disposés anarchiquement émergent sur l'eau comme s'ils étaient plantés. La verdure les couvre, comme des poupées.