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ÉCLAIRAGES !?

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres Mutations socioculturelles en Algérie. Aspects du présent et exigences de l'avenir. Essai du Dr Mohamed Larbi Ould Khelifa, Casbah Editions, Alger 2016, 1 018,69 dinars, 239 pages

«Que reste-t-il d'un homme qui choisit de se terrer dans le silence et d'ignorer les joies et les souffrances d'autrui, ou carrément geler sa raison et son cœur ? Rien... C'est un homme mort bien avant d'avoir rendu l'âme». Voilà donc une réflexion empruntée par l'auteur à l'écrivain américain Ezra Proud (1885-1972) qui résume, à elle seule, une démarche d'intellectuel vrai de l'auteur qui, malgré ses continuelles activités politiques et administratives, ne s'est jamais arrêté de penser et d'écrire, tout particulièrement sur sa société. Sociologue un jour, sociologue toujours !

Il a publié bien des études et des ouvrages. Celui-ci est une compilation de plusieurs études publiées, sous forme de synthèses, dans la presse nationale et étrangère au cours des dernières années, ce qui leur donne un air actuel indéniable.

Y sont abordées un bon nombre de questions politiques, sociales et culturelles, avec, en arrière ?plan, la scène mouvante internationale.

Deux grandes parties composent l'œuvre, couvrant dix thèmes. Six pour la première («L'Algérie : données et indicateurs du passé et du présent » avec pour sujets : la renaissance d'une Nation et la refondation d'un Etat, l'abécédaire de la démocratie, l'Apn, la place de la femme dans la société, l'abécédaire de la «force douce», le Mouvement des non-alignés) et quatre pour la seconde («Les fondements de l'avenir : l'héritage et les obstacles» avec pour sujets : la question de la modernité, l'éducation et la formation supérieure, la religiosité, la mutation des valeurs). Bien sûr, tous les sujets sont intéressants, abordés avec de la rigueur scientifique, le souci de la pédagogie et un certain esprit critique. Pour ma part, certains passages sont appréciés en raison du développement de concepts qui bien que non nouveaux sont novateurs et que nos chercheurs universitaires sociologues et autres anthropologues devraient approfondir. Ainsi, en matière de valeurs, les trois types présentés : la valeur-pôle, la valeur-refuge et la valeur fixe. Ainsi, en matière de communication, dénommée «force douce». Ainsi, en matière de situations relationnelles avec le Moi idéal, le Moi social et le Moi véritable.

L'Auteur : Né à Batna en 1938. Docteur en sociologie, professeur universitaire... auteur d'un grand nombre d'études et d'ouvrages. Actuellement président de l'Assemblée populaire nationale juste après avoir été président du Conseil supérieur de la Langue arabe. Il fut, aussi, par le passé, secrétaire d'Etat chargé de la Culture et des Arts populaires (1980) et, aussi, secrétaire d'Etat à l'Enseignement secondaire et technique (1982-1984). Ambassadeur (au Yémen)...

Extrait : «Quels que soient les causes et les effets, les mutations et les changements ne sont pas le fait du hasard ; ils ne sont pas, non plus, le produit de forces surnaturelles sauf dans l'imaginaire littéraire» (p 34), «Adieu Histoire ! Depuis les défaites (arabes face à Israel) de 1948, 1967 et 1973, il ne reste plus rien, exceptés les poèmes chargés de lamentations de Mahmoud Darwich et les vers d'amour de Nezzar Qabbani» (p 57)

Avis : Un livre à lire tranquillement pour bien comprendre (et accepter) les thèses présentées et/ou défendues. Manque une fiche bio de l'auteur dont les qualités intellectuelles indéniables ne sont pas forcément connues de tous, occultées - pour ne pas dire effacées - ces dernières années par l' activité politique souvent «bruyante» de l'Apn.

Citations : «Dans beaucoup de pays, il existe un grand écart entre celui qui sait et celui qui dirige et décide» (p 12), «Partout, la défaite est orpheline tandis que la victoire peut avoir de nombreux pères ; toutefois, les deux ont un lien direct avec l'apaisement et la stabilité ou la colère et l'appel au changement» (p 35), «L'absence de lois vaut mieux qu'une panoplie de lois non appliquées» (p 50), «Pour les professionnels de l'information des pays du tiers monde, ce métier est pénible ; c'est une sorte de nage au milieu de hautes vagues sans bouée de sauvetage. Parfois, il peut-être le chemin qui mène à la notoriété et au pouvoir comme il peut devenir une cause de descente aux enfers sans que personne ne vienne à la rescousse» (p 117), «L'information est un pouvoir qui n'est ni au-dessus ni au-dessous des autres pouvoirs, elle est au cœur de chacun d'eux» (p 127), «Le progrès et la prospérité reposent sur les trois éléments essentiels : le Savoir, l'Avoir et le Pouvoir» (p 191)

La Géopolitique. Repères et enjeux. Essai de Abdelaziz Djerad. Chihab Editions, Alger 2016,  950 dinars, 179 pages

L'enseignement de la géopolitique n'a été introduit que récemment. Dans les années 80 et auparavant, les tentatives étaient assez timides, me souvenant, à l'Ecole nationale supérieure de Journalistme, en 1964, d'un enseignant progressiste, le Pr Plenel (Père d'Edwy, alors lycéen) qui osait aller au-delà de son enseignement programmé de géographie internationale pour nous plonger dans les méandres de la politique et des relations internationales.

Ces dernières ont pris, par la suite, une autre tournure obligeant les universitaires et les chercheurs à d'autres explorations.

Faire de la géopolitique, c'est, «d'abord procéder à un exercice intellectuel pour tenter de déterminer les facteurs qui expliquent les comportements des acteurs internationaux et plus particulièrement les Etats ; mais, c'est, aussi, agir par rapport à son espace territorial en utilisant tous les éléments qu'offre la géographie pour atteindre les objectifs politiques». Son utilité consiste à comprendre les raisons qui poussent à la guerre... et à imposer la paix aussi. D'une utilité indéniable, tout particulièrement en ces temps de conflits multiples, de «révolutions», de «printemps», de crises souvent incontrôlables car inattendues et brutales : financières, environnementales, migratoires, et avec l'apparition de nouveaux concepts ou phénomènes comme les terrorismes, la cybercrimnialité, le développement durable, la mondialisation...

Mais faire de la géopolitique c'est, d'abord, sur le plan théorique, s'interroger et interroger la scène des relations internationales et de la diplomatie à travers les âges. C'est ce qu'a fait l'auteur qui a structuré sa recherche en cinq parties :

Les concepts/ Naissance et évolution de la géopolitique (les différentes écoles : chinoise, hindoue, musulmane, européenne, anglo-américaine, française, coloniale / Géopolitique et théories des relations internationales/ Les approches géopolitiques des puissances impériales au XIXe siècle/ Géopolitique et prospective, les enjeux du XXIe siècle.

L'Auteur : Né à Khenchela en 1954, batnéen d'adoption, diplômé de sciences Po' (Alger) et docteur d'Etat (Paris X, Nanterre). Professeur de Relations internationales. Il a été directeur de l'Ena, Sg de la présidence de la République et, aussi, Sg du Mae.

Extrait : «Au-delà de leur niveau social ou intellectuel, les individus ne se contentent plus d'une seule interprétation dans l'explication d'une problématique donnée. Ils chercheront, dans tous les cas, plusieurs prismes de compréhension» (p 18)

Avis : Ouvrage s'adressant d'abord et surtout aux étudiants, chercheurs, diplomates, militaires, professionnels de la communication, chefs d'entreprises, mais aussi à toute personne s'intéressant à la vie internationale

Citations : «La géopolitique facilite la connaissance de soi et celle des autres» (p 15), «La géopolitique se projette dans le passé, s'intéresse au présent et s'investit dans l'avenir. Elle est à la fois réflexion et action» (p 167)

Arabesques. Enquête sur le rôle des Etats-Unis dans les révoltes arabes.  Essai de Ahmed Bensaada (Préface de Majed Nehmé). Anep Editions, Alger 2016, 650 dinars, 279 pages.

«Identifier les cyberactivistes dans des régions d'intérêt», «Les mettre en contact entre eux, avec des experts et des membres de la société civile», «Les soutenir en les formant, en les conseillant et en leur procurant une plateforme pour initier les contacts et les développer dans le temps»... Volià donc la «Mission» de «Movements.org», un organisme américain spécialisé dans les nouvelles technologies qui «identifie, réseaute et forme les cyberactivistes à travers le monde»... pour, bien sûr, promouvoir des «Printemps», des «Révoltes» et des «Révolutions» et «exporter la démocratie» à travers le monde : Serbie, Géorgie, Ukraine, Kirghistan.... puis Egypte, Tunisie, Yémen, Algérie, Syrie, Libye... Et, il n'est pas le seul organisme. On a, aussi, le National Democratic Institute (Ndi), l'International Republican Institute (Iri), Freedom House.... sans omettre la fameuse UsAid (créée déjà en 1961 par le président Kennedy et alors très active dans les pays de l'Europe de l'Est et en Amérique latine), le National Endowment for Democraty (Ned), l'Open Society Institute (Osi, créé par George Soros en 1993), l'International Center on Nonviolent Conflict... et bien d'autres. Tous les moyens sont bons : politiques, économiques, formation, contacts et conseils aux «cyberactivistes», humains, financiers... et, aujourd'hui, la mise à disposition des (nouvelles) technologies de l'information et de la communication. Avec, derrière tout ça... les Départements d'Etat et de la Défense américains. On s'en doutait. On en a désormais la preuve.

L'Auteur : Docteur en physique de l'Université de Montéral, enseignant, chercheur, consultant pédagogique, auteur, essayiste, journaliste...

Extraits : «Les Etats-Unis ont cette qualité de ne pas se sentir gênés de rendre publics leurs objectifs et les moyens qu'ils engagent pour y parvenir. Le «secret défense» cher au monde francophone n'y a cours que brièvement» (p 21, préface).

Avis : Bien documenté avec, de plus, une annexe fournie... ce qui en fait, malgré tout, un ouvrage utile.

Citations : «L'imposture, le mensonge, la désinformation pourraient, certes, servir à justifier, à court terme, une politique donnée. Mais la vérité finit toujours par prévaloir» (Majed Nehmé, préface, p 24), «Le «printemps» arabe ? Une belle plaisanterie ! Le printemps est une trop belle saison pour qu'il serve de qualificatif à des révoltes pernicieusement noyautées qui ont conduit certains pays arabes à un incommensurable chaos» (p 198).