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2017 : année à beaucoup d'inconnues

par Pierre Morville

Si 2016 fut une année à (mauvaises) surprises, 2017 s'ouvre sur beaucoup d'interrogations et d'inquiétudes

«Il serait excessif de qualifier 2016 d'«année terrible», comme l'avait fait Victor Hugo pour parler de 1871, marquée par l'occupation allemande et la Commune. Mais 2016 fut si riche en événements imprévus qu'on peut la qualifier d'année de toutes les surprises », constate Renaud Girard. Ce spécialiste des Affaires étrangères, retrace dans le Figaro quelques grands évènements qui ont marqué l'année qui est en train de s'achever.

La première surprise a été le Brexit, poursuit Renaud Girard : « par leur vote au référendum du 23 juin 2016, les électeurs britanniques ont décidé de mettre un terme à 43 ans d'adhésion de leur pays à l'Union européenne. Cela fait planer la menace d'un détricotage progressif de l'UE. Le résultat de ce vote est avant tout l'expression d'une révolte du peuple britannique contre ses élites, phénomène désormais commun à toutes les nations occidentales. Comme l'a bien décrit le géographe Christophe Guilluy, la mondialisation fait monter les inégalités et crée une division sociale et territoriale au sein des sociétés occidentales entre, d'une part, quelques métropoles bien intégrées à la mondialisation et, d'autre part, de vastes zones périphériques, perdantes de la mondialisation, politiquement animées par une colère contre les élites, reposant principalement sur la demande de protectionnisme et de frontières ».

Union européenne : doutes et inquiétudes

Plus généralement, le Brexit a souligné l'une des contradictions de base du fonctionnement européen. L'Union européenne ne peut fonctionner dans ses textes fondateurs, que par des votes qui réclament l'unanimité des 27 pays qui restent adhérents après le départ du Royaume Uni. Cette démarche qui vise au consensus et valorisant dans le discours un principe démocratique, est en réalité une machine à rendre impossible toute décision.

Dans les faits, les décisions réelles se passent bien de cet apparent consensus démocratique. La Commission européenne prend en réalité un grand nombre de décisions qui s'appliquent autoritairement à l'ensemble des états-membres. Et la « zone Euro » qui ne regroupe que 16 pays de l'Union européenne, est dirigée par la Banque centrale européenne, institution elle-même non élue et sous l'influence directe des principales banques centrales européennes, l'Allemagne largement en tête.

Mais, dans l'histoire de l'Union européenne, le départ d'un 1er pays adhérent après un référendum, souligne les dysfonctionnements de la machine UE, d'autant que l'on assiste partout en Europe et plus particulièrement à la montée de partis populistes, souvent très marquées à droite, et qui manifestent un fort euroscepticisme.

Jean-Claude Junker, le président de la Commission européenne, a plaidé pour une autre répartition laissant plus de place aux décisions nationales, la Commission sur des décisions « essentielles ». Mais il n'y pas de politique européenne de défense,et il existe de forts désaccords sur des sujets de sécurité ou concernant l'immigration et l'accueil des réfugiés, peu d'avancées en matière sociale?

Et sur le dossier économique, l'Europe qui reste le continent le plus riche est aussi celui qui connait la plus faible croissance depuis près d'une dizaine d'années.

Des intérêts économiques divergents

Dans les discours, nombreux responsables plaident pour une relance concertée.

Problème : dans la course économique européenne, tout le monde n'est pas situé dans le même peloton. Comme le note l'économiste Dominique Perrut, on constate que la gouvernance de l'UE regroupe trois catégories de pays aux intérêts parfois divergents :

Autour de l'Allemagne, un petit noyau de pays, composé principalement des Pays-Bas et de l'Autriche, voit sa production excéder largement en 2014 le niveau d'avant la crise [4]. Ce groupe ignore le chômage, présente des comptes publics conformes aux normes autorisées et un endettement public contenu, de pair avec des excédents extérieurs tout à fait considérables (7,8% du PIB en Allemagne en 2014 et 10,6% aux Pays-Bas) ;

À l'opposé, plusieurs pays du Sud (Italie, Espagne, Portugal, Grèce), combinent un fort recul de leur production (entre -6% et -9% en 2014 par rapport à 2007, la régression atteignant 26% pour la Grèce), avec un taux de chômage très élevé (un quart de la population active en Espagne et en Grèce en 2014 ; 12,7% pour l'Italie et 14% pour le Portugal), des déficits budgétaires importants, notamment pour l'Espagne et la Grèce, qui viennent gonfler une dette publique très élevée (environ 130% du PIB pour l'Italie et le Portugal ; 180% pour la Grèce en 2014). Sauf en Grèce, les comptes extérieurs sont excédentaires pour ces pays.

La France occupe une position moyenne : sa production dépasse de 2% en 2014 le niveau d'avant la crise ; son taux de chômage (10,2%) s'approche de la moyenne de la zone euro ; le déficit budgétaire reste excessif avec 3,9% du PIB, et le niveau de la dette publique (95,6%) dépasse un peu celui de la zone euro (94,5%). Le solde extérieur est constamment négatif depuis 2005 (-2,3% du PIB en 2014), ce qui traduit le décrochage de la compétitivité du pays depuis cette date.

Au-delà de ces considérations économétriques, l'on voit se cristalliser en Europe deux vieux débats traditionnels de la philosophie économique : politique de l'offre, politique de la demande. Les politiques d'offre sont fortement soutenues par l'Allemagne qui exige un très fort contrôle des dépenses, une pression à la baisse sur les salaires et les dépenses sociales. Beaucoup de pays au sud de l'Europe seraient plutôt favorables à une augmentation des salaires et des dépenses publiques qui pourrait relancer, à leur tour, la consommation générale?

Mais les pays pauvres européens comptent peu dans les vraies discussions européennes? D'autant que de telles politiques imposeraient des baisses significatives du cours de l'Euro.

Par leur vote du Brexit, les citoyens du Royaume-Uni ont voulu se sortir de ce bourbier organisationnel et retrouver les voies d'une politique indépendante. Ont-ils eu tort ?

Peut-être. Mais l'Europe avec ses immenses défauts, reste une réponse positive à l'immense capacité qu'a eu ce petit continent à faire la guerre à tout le monde, tout le temps. Un sondage réalisé par l'institut Win Gallup du 25 novembre au 7 décembre ? auprès de 15 000 Européens ? indique que le Brexit n'a pas produit d'effet « domino » : dans tous les Etats membres, la majorité des Européens souhaitent que leur pays reste dans l'UE. Dans la plupart des pays, les chiffres sont même plutôt en hausse à la suite du Brexit. Détail qui a son importance : seuls 46 % (et non plus 52 %) des Britanniques voteraient aujourd'hui pour le Brexit.

La victoire en trompette de Trump

C'est peu de dire que la victoire de Donald Trump a surpris la quasi-totalité de la classe politique mondiale. Les propos de campagne et les innombrables tweets du nouveau président, souvent très isolationnistes, ont inquiété en Europe et en Asie. La volonté de Trump de coopérer étroitement avec Vladimir Poutine dans le domaine de la lutte contre le terrorisme mais également dans d'autres domaines de défense à définir a également pris de court les pays européens les plus demandeurs d'un renforcement des moyens militaires de l'Otan à la frontière avec la Russie. D'autant que le nouveau président américain a exprimé un certain scepticisme sur l'OTAN et a réclamé avec force une plus forte participation financière des Européens au fonctionnement de cette alliance militaire.

Plus généralement le style Trump décontenance la plupart des alliés des Etats-Unis. Le candidat a multiplié les erreurs ou les mensonges, les renversements de positions ou les menaces. Dans ce domaine les discours contre le Mexique ou la Chine fait planer la menace de vraies crises régionales.

Après la conversation téléphonique controversée avec la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen, Donald Trump a démontré une fois encore que quand il s'agit de la Chine, il ne recule devant aucune provocation. Sur Twitter, il a traité Pékin de «voleur» de drone naval le 17 décembre. La Chine avait capturé une sonde américaine de recherche (sonde remise depuis) dans les eaux très disputées de la mer de Chine méridionale.

Alors qu'il va céder la présidence à Donald Trump, le 20 janvier prochain, Barak Obama a multiplié les mises en garde à son successeur.

Alors que Trump multiplie les gestes amicaux à Vladimir Poutine, Washington a expulsé ce jeudi 29 décembre 35 diplomates russes, Ces mesures de rétorsion sont dirigées contre la Russie, accusée d'avoir piraté les institutions démocrates et diffusé des informations ayant interféré dans la présidentielle américaine.

Donald Trump n'a pas digéré non plus le vote de la résolution à l'ONU, le 22 décembre, condamnant la colonisation israélienne dans les Territoires Palestiniens. Il s'est donc encore tourné versTwiiter pour y exprimer son mécontentement et promettre qu'avec lui, «après le 20 janvier, les choses vont changer à l'ONU».

Pour les commentateurs, l'essentiel est ailleurs : pour la première fois de l'histoire politique américaine, un président élu, mais qui n'est pas encore entrée en fonction, prend le contrepied de celui qui est encore en exercice sur des questions aussi sensibles que le dossier israélo-palestinien. C'est, en effet, grâce à l'abstention des États-Unis à l'ONU que la résolution a pu être adoptée. Jusqu'à présent, la règle tacite voulait que pendant la période de transition, les deux têtes de l'exécutif américain parlent d'une même voix.

Evolution du conflit syrien

Autre sujet d'inquiétude d'un grand nombre de diplomates, la nouvelle position américaine dans l'évolution du conflit syrien. Donald Trump va-t-il déléguer la gestion du conflit à son ami Poutine ? Fin décembre, avec en poche un cessez-le-feu négocié avec la Turquie qui survit difficilement, le dirigeant russe a annoncé la reprise des négociations de paix pour la Syrie non pas à Genève, mais à Astana, la capitale du Kazakhstan. La Turquie et l'Iran, l'autre grand vainqueur à Alep, sont conviés. Mais ni les États-Unis, ni l'Europe ou les Nations unies n'ont reçu un carton d'invitation. L'Arabie saoudite et le Qatar, qui avec la Turquie sont les grands parrains d'une majorité de rebelles, sont aussi mis au ban du processus. Les milices kurdes engagées militairement dans le nord de la Syrie et leur branche politique n'ont pas été non plus invitées à participer aux négociations. Celles-ci n'aborderont pas non plus la question irakienne où Daesh est pourtant également fortement implanté et la présence américaine est importante (et largement responsable de l'éclatement de la région).

France : l'élection de 2017

En France, la classe politique, les médias, l'opinion sont de plus en plus polarisés par l'élection présidentielle (1er tour, le 23 avril) et les élections législatives (11 juin).

Les surprises se sont déjà multipliées. Alors qu'Alain Juppé apparaissait comme probable futur président. La primaire de la droite a placé comme principal candidat de la droite François Fillon en blackboulant Juppé et Sarkozy.

Au Parti socialiste, François Hollande qui a battu tous les records d'impopularité des présidents français de la Vème République, a du renoncer à se présenter pour un second mandat. Mais ce recul n'a aucunement simplifié la donne à gauche. Au sein d'une primaire propre au PS, sept candidats vont s'affronter. Et en dehors de cette formation, Emmanuel Macron, ancien ministre de Hollande et le très radical Jean-Luc Mélenchon, ont d'ores et déjà annoncé qu'ils se présenteront.

Et ces deux derniers candidats font des scores supérieurs à ceux qu'obtiendrait un candidat socialiste.

Macron qui se présente comme n'étant ni de droite, ni de gauche, pourrait séduire des électeurs du centre et la droite. Et donc piquer des voix à Fillon. Mais celui-ci qui a présenté un programme très conservateur pourrait lui séduire des électeurs de la droite traditionnelle que Marine Le Pen avait réussi à gagner?

Bref, tous les paris sont ouverts.