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Fausse indignation et vrais crimes de guerre

par Mourad Benachenhou

« Le Conseil de sécurité a réaffirmé cet après-midi que l'établissement par Israël de colonies dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n'a aucune validité légale, constitue une violation flagrante des lois internationales. » (Conseil de Sécurité, Réunion Numéro 7853, 23 Décembre 2016, Bulletin SC/12657)

La résolution 2334 dont le résumé est donné en en-tête ne laisse aucun doute quant à l'illégalité des implantations en territoire palestinien occupé, par l'Etat religieux extrémiste d'Israël, actuellement dirigé par Benjamin Netanyahu.

Une résolution forte de l'appui du monde entier

Cette résolution n'est nullement la première qui ait été prise par le Conseil de Sécurité, l'organe suprême des Nations Unis. Le texte de la résolution fait référence à dix autres textes émis par cette institution depuis 1967, et qui réitèrent exactement la même constatation, si ce n'est la même condamnation, par la communauté internationale. Celle-ci, dans cette situation présente, ne réunit pas seulement les états les plus puissants de la planète, mais également les représentants de neuf pays situés dans les cinq continents, et dont les référentiels politiques tirent leur légitimité du respect tant des lois internationales que des droits de l'homme, et dont les peuples jouissent de la démocratie dans le sens occidental du terme. Et, suivant le proverbe, « qui ne dit mot consent, » et donc même le pays qui s'est abstenu reconnait la validité de cette résolution.

Israël, état-voyou modèle

Cette résolution vient de rappeler, s'il le fallait encore, qu'il est difficile, sinon impossible, de soutenir qu'Israël, puisse être considéré comme un membre responsable de la communauté international, « un phare parmi les peuples, » comme le prétendent tant ses dirigeants et ceux qui le soutiennent, pour des raisons religieuses ou stratégiques.

Le sionisme est une idéologie religieuse tirant sa source de la Bible, qui proclame le droit, selon la promesse divine, des Juifs à la propriété exclusive de la terre de Palestine, et la légitimité du génocide du peuple original de Palestine par les tenants de cette religion.

Cet Etat, présenté comme « la seule démocratie au Moyen Orient, » mais pratiquant l'apartheid religieux et ethnique le plus absolu, et où seuls les Juifs sont considérés comme des « êtres humains, » a été maintes fois condamné par les institutions internationales, y compris la Cour Internationale de Justice- il faut le souligner- sans qu'il ait changé ses politiques ne serait-ce que d'une virgule.

Mais ce refus arrogant de respecter l'ordre légal international n'empêche pas que le monde a l'obligation légale et morale de continuer à faire pression sur lui- tant pour ses agressions armées à répétition contre le peuple palestinien et contre tous les voisins, que pour ses violations des droits les plus élémentaires de la population originale de la Palestine historique.

La violation des lois internationales relatives à L'occupation d'un territoire par la force armée, un Crime de guerre

Violer le droit international, et plus précisément, les traités qui règlementent les obligations des belligérants occupant un territoire dont ils se sont emparés par la violence, n'est pas un crime qui puisse être pris à la légère par les grandes puissances, promptes à dénoncer la moindre égratignure au droit international d'autres pays, et vont jusqu'à utiliser la violence armée pour punir les pays qui sont les auteurs de ce crime.

On aurait pu penser qu'après ce dernier coup de semonce de la communauté internationale, cette fois-ci unanime, les dirigeants israéliens allaient, toute honte bue, faire preuve de résipiscence, accepter de prêter attention à cette onzième résolution leur rappelant leurs obligations de puissance occupante, et promettre de corriger leur politique et de commencer à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à un document qui ne demande rien d'autre que ce qui aurait été requis de n'importe quel autre pays acceptant d'être un membre responsable de cette communauté aux lois desquelles nul état ne saurait se dérober sans constituer un grave danger pour la paix mondiale.

Israël, pays enfermé dans la forteresse de son exclusivisme religieux et racial, bourreau, mais également victime de sa violence armée!

A la suite de cette résolution, somme toute bénigne, car non assortie de menaces ou de sanctions, et rappelant simplement et seulement la loi que doit respecter tout état membre de cette communauté, celle-ci a eu droit à un spectacle inattendu et tout différent de celui qui aurait été imaginé d'un Etat se considérant à la fois comme en droit de donner des leçons de civilisation et de modernisme aux états de la région, et comme le promontoire avancé de l'Occident « civilisé » , dont il représenterait les valeurs universelles d'humanisme, qui se manifestent d'abord et avant tout par le respect pour la personne humaine et pour les lois internationales.

Mais, peut-on être sioniste, c'est-à-dire militer pour l'exclusivisme racial et religieux, placer les membres de sa communauté dans l'élite de l'humanité, et en même temps embrasser l'universalisme ? C'est là une contradiction dans les termes. Dans la ligne logique de cette idéologie, Israël a choisi l'exclusivisme et le rejet de la légalité internationale.

Ses quelques cinq mille cinq cent règlements de police imposés à la population originale de la Palestine, ses «routes exclusivement pour Juifs, » ses villes et villages interdites aux Palestiniens, la violation permanente des droits de propriété de cette population autochtone, l'exécution sommaire de ses membres, la destruction de ses habitations, l'expropriation de ses terres, les obstacles à leur libre circulation sur un territoire dont elle constitue la population originale, les entraves mises à l'exercice de sa religion, musulmane ou chrétienne, le blocage de l'expression de sa culture et de l'utilisation de ses langues, sa soumission à des lois d'exception, et bien d'autres humiliations dont la liste prendrait des volumes entiers, tous ces actes ne font pas d'Israël une démocratie, et bien évidemment, pas un bon exemple de pays à visiter, à imiter ou à en chercher l'amitié et l'appui, pour la « communauté internationale. » Il ne faut pas porter audience aux brochures publicitaires qui vantent ce pays entièrement enfermé dans la forteresse de son exclusivisme religieux et de sa violence armée !

Netanyahu et ses soutiens jouent la comédie de l'indignation de l'innocent injustement accusé de crimes

Au lieu d'adopter une attitude responsable, Netanyahu a choisi de feindre une grande indignation ; il a convoqué, pour leur «donner une fessée »(dress down en anglais)le jour des fêtes de la Nativité, les représentants à Tel Aviv des pays à majorité chrétienne, qui ont voté pour une résolution sans portée pratique immédiate, de caractère quasi-académique, et qui rappelle seulement les traités internationaux auxquels Israël doit se soumettre, en tant que membre de plein droit et de pleines obligations de la communauté internationale.

Le premier ministre israélien est-il le rédacteur en chef de tous les médias du « monde civilisé ? » On aurait des raisons de le croire. Car, de manière simultanée, tous les médias « du monde libre » se sont lancés dans une campagne dont on a peine à croire qu'elle soit spontanée, tellement elle a été uniforme dans sa ligne éditoriale, et dans ses thèmes, donc « orchestrée, » non pour expliquer le contenu de la résolution, décrire l'ampleur des violations des lois internationales par Israël et rappeler qu'il s'agit de la onzième résolution traitant de ces violations, tout à fait sage et constituant un simple rappel de lois et traités connus de tous, mais pour décortiquer les motivations des auteurs et sponsors de ce texte, et les insulter, et plus particulièrement, le responsable de la plus grande puissance du monde.

Netanyahu et ses appuis « trivialisent » le débat sérieux sur les violations des lois internationales par Israël en le ramenant à un conflit de personnalités

Pourquoi cette puissance a-t-elle décidé de rompre avec une tradition-vieille de 37 années- de veto ou de vote négatif, de toutes les centaines de résolutions de rappel à l'ordre lancées contre Israël par les Etats membres de l'Assemblée générale ou du Conseil de Sécurité ? Les commentaires, guidés par « les instructions implicites ou explicites de Netanyahu et de son gouvernement» ont porté essentiellement sur les relations personnelles « particulièrement mauvaises » entre le locataire actuel de la Maison Blanche et le premier ministre israélien. Beaucoup ont rappelé la gifle assenée au chef du pays protecteur d'Israël- lorsque Netanyahu a littéralement « convoqué », il y deux années de cela une réunion extraordinaire des deux chambres de cette super-puissance pour plaider la guerre contre l'Iran.

Il est à rappeler, en passant, que cette superpuissance vient d'accorder à cet ami ingrat, -et ceci est loin d'être une preuve d'inimitié quelconque,-une aide militaire de 38 milliards de dollars sur 10 années, soit 10,41 millions de dollars par jour (voir le résumé du mémorandum d'entente conclu avec Israël, 14 Septembre 2016 : whitehouse.org.). Ce mémorandum, document officiel et publié sur le site internet de la Maison Blanche, qui donne les détails de cette aide militaire, multiforme, mériterait d'être publié en entier afin que l'on sache qui est l'ami de qui !

Cette orientation des débats soulevés par l'attitude , somme toute conforme aux normes de bon comportement, d'un pays soucieux du maintien de la légalité internationale, vers le terrain des relations personnelles a deux objectifs tous en faveur d'Israël : trivialiser la décision du chef d'état de cette super puissance, en la motivant, non par des considérations de stratégie ou d'intérêt national, ou même par un sursaut de dernière minute de bon sens, mais par des facteurs subjectifs tenant aux personnalités des chefs de ces deux pays alliés « à la vie comme à la mort. », ensuite, détourner du débat sur la nature illégale des implantations de colonies de peuplement sur un territoire dont toute la communauté internationale, y compris cette grande puissance, souligne le caractère illégal de son occupation par Israël.

On parle, dans la « presse libre » des pays « civilisés » de la difficulté qu'ont eu les deux hommes, au cours de ces huit dernières années, de s'entendre, du « caractère houleux » de leurs relations, auxquelles toutes sortes d'explications plus ou moins tirées par les cheveux sont données, et dans lesquelles on fait même intervenir la couleur de la peau de l'un des protagonistes de cette « crise, » son éducation « musulmane, » qui le rendrait quelque peu hostile à l'idéologie sioniste, les différences de personnalités entre eux, l'un mesuré et modéré par nature, l'autre idéologue convaincu du bon droit de son peuple à une terre donnée par Dieu aux Juifs, etc. etc.

Mais où est donc le bœuf dans toutes ces analyses, qui banalisent le débat, en en éliminant le problème essentiel, à savoir le droit du peuple palestinien à exister sur sa terre qu'il occupe, depuis des millénaires, et dont les Sionistes nient l'existence, mais dont ils veulent aussi éliminer la présence physique .

Pour Israël, la paix génocidaire, un choix idéologique et stratégique

La conception de la paix, pour Israël, est sinistre, car il ne s'agit de rien de moins que d'effacer de la surface de la terre le peuple palestinien. La seule paix qu'Israël soit prête à offrir aux Palestiniens, et ce thème est répété tant pas la majorité de la presse israélienne, qu'enseigné dans les écoles primaires, et il trouve même sa place dans la littérature enfantine destinée aux locuteurs de l'hébreu, dans les livres d'histoire et de géographie destinées aux lycéens, comme dans les écrits de préparation militaire et les discours des rabbins de l'armée israélienne, et est axial dans la thématique des yeshvas et des centres de diffusion du fanatisme juif entièrement financés par le budget central israélien ou par de généreux donateurs de la diaspora.

La résolution du Parti Républicain sur la paix au Moyen-Orient : la prise en charge et l'expression fidèle et franche de la conception de la paix génocidaire Israélienne

La résolution concernant Israël que les puissants lobbies pro-sionistes ont fait adopter au Congrès du Parti Républicain (Juillet 2016) ne laisse également aucun doute, s'il en fallait encore, sur la nature de la « paix à l'israélienne » que cet état fanatique religieux entend imposer à la population palestinienne. Cette résolution partisane souligne que « Les Etats Unis tentent d'aider à l'établissement d'une paix complète et durable au Moyen Orient, qui sera négociée parmi ceux vivant dans la région. Nous nous opposons à toutes mesures dont l'intention est d''imposer un accord ou de dicter des frontières ou d'autres termes, et nous appelons à mettre fin immédiatement à tous les financements américains de toute entité qui tente cela. Notre parti est fier de se tenir aux côtés d'Israël maintenant et toujours. Nous rejetons la notions fausse qu'Israël est un occupant. »

Cette résolution, adoptée sous la dictée de l'American-Israeli Public Affairs Committee, est on ne peut plus claire. Les Palestiniens n'y sont pas mentionnés, ni à titre de peuple « de la région » ni à titre de futurs citoyens d'un état démocratique vivant en relations pacifiques côte à côte avec Israël. C'est ce qu'on l'on peut qualifier de « négationnisme » et de « légitimation » de la politique d'apartheid et de génocide à petit et à grand feu, selon les circonstance, menée contre le peuple palestinien. On a même, au cours du débat ayant mené à cette résolution sorti le fameux serpent de mer » de l'antisémitisme. Apparemment, la simple mention de l'existence du peuple palestinien sur le territoire de la Palestine historique est considérée comme de « antisémitisme. »

Donc tout historien, et il en existe même en Israël, qui déclarerait que la Palestine n'était pas un territoire vide avant la proclamation de l'Etat d'Israël, serait dans la zone dangereuse « de l'antisémitisme. » Hélas ! L'histoire laisse des traces et ce n'est pas cette résolution partisane somme toutes circonstancielle, qui va changer la situation sur le terrain, situation à laquelle Israël, malgré le fanatisme de sa population et de ses puissants et riches soutiens étrangers, finira bien par se plier.

Le peuple palestinien, dont l'existence a toujours été niée par les sionistes ( cf. la fameuse affirmation de la juive d'origine américaine ; « il n'y a pas cette chose qu'on appelle le peuple palestinien. ») n'en demeure pas moins une réalité vivante et résistante dont il devra être tenu compte si on veut vraiment la paix au Moyen Orient.

Une partie de cette résolution partisane traite également de la voie pacifique, à la mode de Gandhi, qui pourrait forcer Israël à céder au bon sens et à accepter de modérer son fanatisme ; à savoir la voie du BDS (boycotter, désinvestir, sanctionner,) a reçu le qualificatif « infamant » d'antisémite. Mais à force d'être employé à tord et à travers ce qualificatif a perdu de sa force et ne peut, d'ailleurs, pas être utilisé par Israël pour s'auto-absoudre de ses propres turpitudes.

Rien ne l'empêche de prouver que les membres de la communauté internationale ont tord de la traiter comme un « état voyou,» en adoptant simplement la charte des droits de l'homme     appliquée aux Etats-Unis, et qui garantit les mêmes droits à tous ses citoyens, annuler toutes les lois discriminatoires contre les Palestiniens, reconnaitre leurs droits de propriété,, leur droit de s'installer dans n'importe quelle partie de la Palestine historique, supprimer les privilèges accordées exclusivement aux Juifs sur son territoire, bref ressembler aux pays «civilisés » dont elle se dit partie et flambeau au Moyen Orient.

En conclusion

Y-a-t-il des indices du retour à la raison d'Israël ? Rien dans l'attitude de Netanyahu et de ceux, à travers le monde, qui sont ses appuis et ses porte-paroles stipendiés ou partisans, face à cette résolution du Conseil de Sécurité qui rappelle que cet état est en violation flagrante des lois internationales, ne le laisse présager.

A moins que l'option israélienne actuelle de « paix dans la disparition des Palestiniens, » soit imposée par la violence, sans limites et unilatéralement sur tous les peuples de la région, les chances d'une paix « juste », c'est-à-dire prenant en compte les revendications légitimes du peuple palestinien, et « durable » c'est-à-dire ne laissant aucune place à d'éventuels contentieux historiques ou autres, sont nulles.

Et dés lors qu'on estime que la meilleure chance d'arriver à la paix est d'éliminer complètement les Palestiniens de ce processus, affirmer qu'on travaille pour une « paix juste ét durable » « sans pré conditions » devient, non pas une utopie, mais une contradiction en elle-même. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Et c'est ce que veulent Netanyahu et ses puissants soutiens.

Est-ce être antisémite que d'affirmer que les Palestiniens existent et qu'ils méritent autant qu'aucun autre peuple le droit à l'existence ? Est-ce faire preuve d'antisémitisme que de prôner un combat pacifique utilisant les pressions économiques pour amener à résipiscence Israël, comme l'a été l'état d'apartheid d'Afrique du Sud ?

Qu'il en soit ainsi dés lors que le qualificatif d'antisémitisme s'applique quand on défend le droit du peuple palestinien à la liberté et à la dignité, être antisémite devient paradoxalement un compliment réservé aux justes de ce monde !

L'histoire du peuple palestinien lui a donné des droits imprescriptibles sur la Palestine historique ; Et cette résolution du Conseil de Sécurité vient de le rappeler et de l'affirmer encore une nouvelle fois.

Israël a donc le choix de s'entêter à son statut de pays en état de crimes de guerre permanent, ou opter pour la vraie paix. Cette résolution du Conseil de Sécurité, loin d'être provocatrice, constitue probablement une dernière chance pour cet état théocratique de prouver qu'il veut vraiment faire partie de la communauté internationale et échapper à un isolement de plus en plus difficile à mettre à bas, quelle que soit la puissance de ceux qui la soutiennent dans son fanatisme religieux.