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La repentance douteuse des faiseurs d'opinions

par Abed Charef

Les médias les plus influents du monde présentent leurs excuses. Ils se sont trompés sur Donald Trump. Et sur la Palestine ?

Le monde des médias est en extase. Le puissant et prestigieux ?New York Times' a présenté ses excuses pour avoir mené avec « malhonnêteté » la couverture de la campagne électorale aux Etats-Unis. Le journal a non seulement pris fait et cause pour Hilary Clinton, comme d'ailleurs nombre de médias américains, mais il a délibérément, déformé les propos de Donald Trump, pour en détourner des électeurs potentiels.

Le directeur du ?New York Times' lui-même, Arthur Sulzberger, est descendu de son perchoir pour reconnaître ces erreurs et promettre de rectifier le tir. « Nous entendons nous recentrer sur la mission fondamentale du journalisme qui consiste à rapporter, honnêtement, ce qui se passe en Amérique et dans le monde, sans crainte ni faveur », a-t-il dit dans un message rendu public. Première étape de cette repentance, il promet de « couvrir avec honnêteté et indépendance le nouveau président et son équipe ».

Le ?New York Times' s'est, donc, non seulement trompé sur l'issue du scrutin, mais il a, délibérément, tenté d'en détourner l'issue, en ayant recours à des méthodes qu'il considère, aujourd'hui, condamnables. Pour un journal aussi puissant, l'erreur est impardonnable.

Quand l'accusé confirme l'accusation

A sa décharge, ce journal n'était pas seul à se tromper aussi lourdement. Une majorité écrasante des journaux américains a adopté la même attitude. Tout comme une partie de l'élite américaine et mondiale, dont certains ténors se comportent plus en clowns qu'en analystes, tant leur analyse frise le ridicule. Est-il nécessaire de rappeler le pronostic de Bernard-Henri Lévy, qui annonçait fièrement que Donald Trump ne sera jamais élu ?

D'autres journaux ont fait leur mea-culpa, pendant que les analystes se demandaient ce qui n'a pas marché dans leurs logiciels. Tout comme les instituts de sondage, supposés les plus performants au monde, et dont seuls trois pour cent ont donné Trump gagnant : six sur deux cent, selon une étude rendue publique au lendemain de l'élection.

A posteriori, l'attitude de ce monde qui pense si bien confirme le diagnostic de Donald Trump. C'est la théorie de l'accusé qui donne la preuve de l'accusation. Donald Trump n'hésitait pas à dire que les médias étaient tantôt « corrompus », tantôt « malhonnêtes ».

Parlant plus précisément du ?New York Times', il l'avait qualifié ce journal «vraiment dégoûtant », d'adopter une attitude « injuste et impartiale », et de «ne plus constituer une source crédible ».

Dès lors, quand, aujourd'hui, le ?New York Times' reconnaît ses travers, il donne, doublement, raison au président élu. La boucle est bouclée.

Rédemption ?

Aux Etats-Unis et en Europe, le débat va se poursuivre sur la crédibilité de la presse. Les spécialistes -les mêmes, très probablement-, vont squatter les plateaux de télévision, et publier études savantes et analyses pointues pour tenter de comprendre le phénomène Trump, et nous expliquer pourquoi ils ont fait fausse route. C'est déjà mieux que Ahmed Ouyahia qui n'estime pas nécessaire d'expliquer pourquoi il a introduit le crédit documentaire et pourquoi il en soutient, aujourd'hui, l'abrogation ; c'est également mieux que Abdelmalek Sellal, mettant d'office les travailleurs à la retraite obligatoire à soixante ans, avant de tenter, aujourd'hui, d'interdire leur départ à la retraite avant soixante ans.

Mais ce n'est pas assez. Cette espèce de repentance de grands médias, comme le ?New York Times', n'est ni suffisante, ni crédible. Elle ne suffit pas pour parler de grandeur et d'honnêteté. Elle sera suffisante quand elle concernera tous les sujets sur lesquels ces grands médias façonnent l'opinion et font les décisions, depuis des décennies, comme la Palestine. Elle sera crédible quand elle donnera lieu à une remise en cause réelle de nombreuses attitudes passées, notamment leur attitude scandaleuse sur la Palestine. Elle sera sincère quand tous ces grands médias ouvriront les yeux pour admettre que l'occupation de la Palestine est injuste, que l'Etat d'Israël a un comportement criminel, que le blocus de Ghaza est scandaleux. Tout le reste, c'est de la com.