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Rencontre gouvernement-walis: Du dispendieux au restrictif, un long et laborieux cheminement

par Farouk Zahi

« On ne devrait pas juger une nation sur la façon dont elle traite ses citoyens les plus riches mais sur son attitude vis-à-vis de ses citoyens les plus pauvres ». (Nelson Mandela)

Ce conclave qui a réuni, les membres du gouvernement et les walis les 12 et 13 novembre 2016 a focalisé et l'intérêt des médias et d'une majorité de citoyens soucieux de l'avenir du pays. Sur le plan formel, rien de nouveau n'est venu égayer l'ambiance coutumière si ce n'est cette retransmission des travaux par vidéoconférence à l'ensemble des entités territoriales. Quant à la cérémonie d'ouverture, il a semblé au téléspectateur lambda qu'elle se déroulait dans un pays francophone. A part le Premier ministre et les deux ministres de l'Aménagement du territoire, du Tourisme et l'Artisanat traditionnel et le Ministre de l'Agriculture du développement rural et de la Pêche, le reste s'est cru obligé de parler dans une langue que 90% d'Algériens ne comprennent pas ou ne maitrisent pas. Les deux imparables ministres sans portefeuille, le Secrétaire général de l'UGTA et le président du F.C.E n'ont pas exempté à la règle de la présence à ce genre de forums, ni à celle de la prise de parole. Le forum des chefs d'entreprise qui selon un chroniqueur d'un grand journal arabophone, ne représente en poids financier que 1,1% du produit intérieur brut (PIB), est devenu un partenaire social incontournable. Les discours développés n'avaient rien de technique, ni de scientifique pour ne pas être dits dans l'une ou l'autre langue officielles du pays. La plupart des intervenants ont l'âge de l'école algérienne et maitrisent parfaitement la langue d'El Ma'ari sauf peut être et, dans une moindre mesure, le représentant officiel du monde du travail. Ceci dit, cette réunion et dont l'importance n'est certainement pas à démontrer aurait pu se passer discrètement avec plus de profondeur et de technicité. Il serait, cependant, malhonnête de passer sous silence la belle prestation du pétillant et jeune ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales qui, lors d'une émission télévisuelle consacrée à l'événement, a tiré brillamment son épingle du jeu. Sans morgue et très communicatif, il voguait sur les deux langues usuellement parlées sans complexe aucun.

Les walis, en tenue d'apparat, regroupés en une masse compacte donnaient l'illusion que le discours ne pouvait s'adresser qu'à eux seuls. On oublie souvent que dans l'aisance financière, leur avis n'était pas toujours requis. Pris, jadis, par la chose sécuritaire et présentement par les imprévisibles troubles à l'ordre public, ils ne pouvaient consacrer que peu de temps à la réflexion pour le développement durable.

Quant à l'initiative, celle-ci, n'a jamais été dans le bréviaire de ces commis de l'Etat à qui on a fait prendre l'habitude d'en référer à qui de droit devant toute situation qui n'est pas dans la normalité. La simple entrevue accordée à un ancien responsable tombé en disgrâce, pouvait avoir des conséquences fâcheuses pour celui qui transgresserait les règles implicitement admises. Les annales de la Collectivité locale recèlent des trésors d'inepties que le simple entendement réfute. Beaucoup d'entités communales ont décliné des offres de financement de projets d'ordre culturel ou historique par des ONG pour la bonne et simple raison que leur tutelle n'a pas cru bon d'accorder une suite à leur doléance. Les réponses ne sont, parfois, même pas exprimées explicitement.

Le temps les fera inexorablement oublier. Il nous vient à l'esprit cette importante ville-oasis des Hauts Plateaux qui a, pourtant abrité en mai 2012, une session de la Conférence des villes historiques de la Méditerranée qui n'arrive pas à s'inscrire dans ce processus pour bénéficier d'un financement pour la réhabilitation de sa vieille médina. Il était exigé de la municipalité une lettre de souscription à la Conférence pour y être admise comme membre et bénéficier d'avantages divers. Malheureusement, cette requête n'a reçu, ni l'aval, ni le refus de la tutelle. Un autre exemple illustratif de cette suspicion développée à l'égard de tout ce qui est extranational, est celui d'un département ministériel qui déclinait l'offre préférentielle, d'une ONG caritative en matière d'antirétroviraux pour la lutte contre le VIH/sida qui proposait 17 USD pour un même produit acquis à 75 USD. Générer des ressources financières est, en toute évidence chose aisée, ce qui ne l'est pas, c' est l'arcane administratif qui découragera plus d'un sous le sacro-saint alibi réglementaire. Beaucoup de collectivités communales prêtent leur territorialité à des activités génératrices de substantiels revenus, telles que carrières d'agrégats et sablières, sauf qu'ils sont versés dans les comptes du Trésor public. En parlant de restriction et pour illustrer son propos, le Premier ministre a dit : « Que toute dépense doit être dorénavant murement réfléchie ne serait-ce que pour une seul franc ! ». Et çà ne peut être que la force de l'habitude qui a du être à l'origine de ce lapsus linguae. Mais le plus important est cette prise de conscience, certes tardive, mais impérative car il y a danger en la demeure. Le responsable qui ne peut se payer un service ou un équipement pour son propre compte et qui le fait sans état d'âme pour le compte de la collectivité, n'est pas digne de la confiance placée en lui. La vox populi rapporte dans ses annales quotidiennes que dès la nomination, de certains nouveaux walis, le service chargé de l'intendance à rééquipé à neuf la résidence du nouveau maitre des lieux. N'a-t-on pas constaté, depuis le Programme de relance économique initié en 2001 une vague d'acquisitions effrénées de véhicules 4/4 par les communes et dont certaines d'entre elles n'arrivaient souvent pas à rémunérer leur personnel sans l'aide publique. La dernière mode a été l'ameublement urbain par des candélabres aussi fantaisistes les uns que les autres délivrant non pas un éclairage public, mais un éclairage d'ambiance ou ces abris bus tout en verre que pourraient nous envier des capitales européennes sauf qu'on les implantait sur la terre battue ou carrément en rase campagne. Le verre ne tardant pas à partir en éclats, il ne restera plus que les hideuses carcasses métalliques. Vint ensuite la plantation de palmiers dattiers ramenés à grand frais de leur terroir naturel pour les voir dépérir sous l'œil placide des initiateurs de cette incongruité. Nous ne terminerons pas le propos sans évoquer le mimétisme qui prévaut et sous toutes les latitudes de notre vaste pays, de l'utilisation irréfléchie de ce cache misère architecturale qu'est l'alucobande avec tout ce que cela implique comme surcout. Le vitrage, qu'il faut entretenir, n'est pas sans induire des dépenses supplémentaires en matière énergétique. Conçu pour amender de vieilles façades décrépies par le temps, ce matériau tend à être utilisé en tout lieu et sans distinction entre les fonctions ou le statut de chaque bâtisse. N'a-t-on pas observé des édifices de souveraineté, allant du rouge carmin au vert marabout ou plusieurs couleurs à la fois, le plus souvent antinomiques ? A ce rythme, le cachet architectural propre à chaque région disparaitra à jamais.

La bonne gouvernance dans la maitrise des couts, ne se décrète pas au milieu d'une crise, mais bien avant et en plein aisance financière dirions-nous. Le défunt Hocine Tahar, ancien gestionnaire émérite des services de santé disait à l'orée des années 80' et à juste titre : « Il faut réapprendre à dépenser mieux ». Il ne croyait pas si bien dire. On raconte sur le magnat américain de l'automobile Ford, cette anecdote qui illustre l'état d'esprit de ce grand capitaine d'industrie. Un jour qu'il visitait les vestiaires de ces ouvriers pendant une pause, il vit l'un deux jeter un mince reste de savon à la poubelle. Remontant dans son bureau, il intima l'ordre à son comptable de solder tout compte avec l'ouvrier, considérant que s'il gaspille son propre argent, il ne se gênera pas d'éparpiller celui des autres.

N'est-il pas temps de se pencher sur la dépense publique générée par ces cortèges dits officiels induisant, indubitablement, des frais financiers sous le coup de préparatifs fébriles donnant un faux jour sur l'efficience des gestionnaires. On sacrifie à l'orthodoxie par de l'agitation folklorique et le peinturlurage des voies de passage de l'auguste hôte. La tendance actuelle est à l'érection de stèles et autres monuments. On parle d'un mémorial en cours de réalisation d'une ville chef lieu de wilaya de la cote est de la capitale qui aurai mobilisé plus de 300.000.000 de DA. Les budgets de fonctionnement qui ne répondent souvent à une aucune étude préalable, vont du simple au double pour deux entités administratives de même taille. Et c'est là où il faut normaliser et même plafonner. Des postes de dépense de restauration et de transport peuvent être, à eux seuls, des gouffres financiers. Certaines résidences officielles territoriales font dans la grande gastronomie ; les ingrédients alimentaires les plus onéreux agrémentent leur table. Il y va des viandes rouges les plus fines, aux crustacées aux amandes mondées et autres fruits exotiques. Certains hauts responsables territoriaux mobilisent pour leurs besoins domestiques jusqu'à quatre véhicules avec chauffeurs attitrés. A ce propos, ce dernier corps de métier est une véritable mine recélant des trésors anecdotiques.

Les hommages sont célébrés à tours de bras où non seulement, il est question de somptueux cadeaux à remettre à l'illustre lauréat, mais de cérémonies festives clôturées par une grande « dhifa » appelée communément « zerda ».Nos deux jeunes et, néanmoins, sympathiques ministres de la Communication et de la Culture, semblent exceller dans le registre. Leurs fréquentes apparitions sur le petit écran, les montrent dans leur prise de parole, non pas dans un auditorium, mais le plus souvent dans une salle de restauration où sont dressées des tables richement garnies.

En ce qui concerne la solidarité nationale, il est grand temps de ne plus compter, exclusivement, sur la dépense publique pour couvrir cet axe important et incontournable qui, sous l'effet de la crise énergétique et la dégringolade de la monnaie nationale, tend à dériver de plus en plus. Aussi, il peut être envisagé la création d'un fonds alimenté par les hauts salaires, les indemnités électives qui pourront consentir jusqu'à 20% de leur montant mensuel librement consenti. Pour revenir à ce grand homme qui était Mandela, il aurait fait une ristourne à son peuple représentant les ¾ de son salaire mensuel de président.